C’est la masse de carbone qu’auraient perdue entre 2017 et 2023 les forêts allemandes, selon le ministre allemand des Forêts, l’écologiste Cem Özdemir, s’appuyant sur un rapport d’enquête décennal. Notre consœur La Croix rapporte ses propos, « La forêt allemande ne nous aide plus autant que nous en avions l’habitude jusque-là pour atteindre nos objectifs climatiques », et commente : « Pour la première fois, les forêts allemandes rejettent plus de CO2 qu’elles n’en absorbent, du fait de la crise climatique et de ses conséquences. » Voilà qui appelle une première question : comment M. Özdemir et ses services ont-ils estimé cette déperdition de carbone ? Suivie d’une autre : depuis quand estiment-ils que les forêts allemandes rejettent plus de CO2 qu’elles n’en absorbent « pour la première fois » ? Et selon quelles méthodes ? Le public doit savoir que la mesure des émissions de CO2 selon les biotopes est une chose nouvelle et complexe. Dans les années 1990, les chercheurs du CETEGREF, les spécialistes de la forêt pluviale les plus pointus dans le monde s’avouaient « infichus de comparer le bilan d’un hectare de forêt équatoriale, d’un hectare de pins et d’un hectare de maïs ». En Allemagne, une grande part des épicéas (2/3 dans le massif du Hartz) sont touchés par les scolytes, ces insectes qui se glissent sous l’écorce et font dépérir l’arbre jusqu’à la mort, mais à quoi cette infection est-elle due ? La Croix donne naturellement la parole à un professeur de l’université de Dresde qui impute le mauvais état de l’épicéa à la sécheresse, donc à la « crise climatique » – mais la monoculture suivie d’une insuffisance d’entretien peut aussi bien faire l’affaire, on l’a vu dans une partie des Landes voilà quelques années pour le pin maritime. En fait, ce papier de La Croix participe à une campagne alarmiste internationale. Le Guardian, quotidien de gauche britannique, affirmait le 14 octobre que la capacité des « puits de carbone » (océans, forêts, marais, etc.) absorbant le CO2 émis était passée de 9,5 milliards de tonnes en 2022 à 2 milliards environ. On omet de préciser que « l’effondrement » constaté est la conséquence des incendies du Canada, c’est un accident qui n’indique nulle tendance.