Après la Chine, l’Europe pourrait interdire l’application de prière Hallow

Europe interdire prière Hallow
 

C’est l’application de prière chrétienne numéro un et l’application catholique numéro un dans le monde, mais Hallow ne plaît visiblement pas à tous. Et après la Chine, l’été dernier, c’est au tour de l’Europe de faire grise mine devant l’application américaine qui tente de faire son entrée sur son marché. Son fondateur et CEO, Alex Jones (qui ne ressemble guère à son homonyme de l’ex-site Infowars), a confié ses craintes sur X, pointant « une réglementation excessive, ciblant apparemment toute application religieuse ». Une difficulté qui pourrait tout bonnement la faire interdire, elle, mais aussi d’autres dans son sillage.

Pourtant, le succès de Hallow est indéniable au bout de six ans d’existence : 150 pays conquis, 18 millions de téléchargements. Pékin avait justifié sa décision en invoquant tout de go un « contenu illégal ». L’Europe athée jouerait-elle le même jeu que la très communiste Chine, en prétextant, elle, une réglementation numérique censée protéger ses ressortissants ? Le résultat serait, in fine, le même : la négation de la liberté d’expression religieuse.

 

Europe : une pression réglementaire qui pose question

Les détails de l’affaire sont flous. Hallow voulait étendre son contenu aux publics polonais, français, italiens et allemands, mais la réglementation de l’UE l’en empêcherait, même si Alex Jones affirme sur X que Hallow remplit toutes les conditions de conformité en matière de confidentialité.

Il semble néanmoins que la cause incombe au Digital Services Act (DSA), entré en vigueur en août 2023 et censé incarner la lutte contre les contenus illicites, la transparence des plateformes numériques et la modération des propos pouvant conduire à des risques liés aux crises.

Cette nouvelle réglementation impose en effet à toutes les plateformes opérant au sein de l’UE de divulguer publiquement le nombre de leurs utilisateurs deux fois par an, et leur interdit parallèlement de traiter des données sensibles, telles que des informations indiquant les croyances religieuses ou philosophiques d’un utilisateur, sans obtenir son consentement explicite.

D’aucuns soulignent, depuis sa mise en vigueur, que la liberté d’expression pourrait s’en trouver largement écornée et le capacité de contrôle des autorités augmentée : il a d’ailleurs été renommé par la députée européenne Virginie Jorron le « Digital Surveillance Act ». La question est maintenant de savoir si l’UE veut s’en servir pour étouffer des applications à thématique religieuse.

 

Hallow, baptisée en référence à l’extrait du Notre Père « Hallowed Be Thy Name »

Mais l’affaire ne sera pas simple : Hallow est un beau bébé dont le succès aux Etats-Unis est considérable. L’agence Zenit rapportait que le 5 mars 2023, Mercredi des Cendres, l’appli avait été plus utilisée que Netflix, Spotify, Instagram et TikTok ! Et c’est maintenant l’une des applications les plus téléchargées au monde, surpassant parfois des géants de la technologie tels ChatGPT et Google.

A l’heure où l’athéisme et le paganisme envahissent le monde et la Toile, ces îlots de respiration (car Hallow n’est pas la seule dans son genre) rencontrent une audience surprenante qui a été dopée par les confinements dus au Covid. Il ne faut pas s’en étonner : le monde a soif. En août 2024, plus de 600 millions de prières ont été réalisées avec l’application qui propose également de la musique religieuse, des lectures bibliques et des sermons.

Le relais digital est devenu précieux, que ce soit pour les convaincus ou les hésitants, voire les ignorants. Il offre un accès à tous, permanent et discret, communautaire ou solitaire. Et s’explique autant par la diminution de la présence de l’Eglise catholique dans le maillage social, que par le profil des nouvelles générations habituées à trouver leur manne dans le monde virtuel. En France, l’application de prière Hozanna, par exemple, rassemble chaque jour un million d’usagers actifs – et des conversions ont lieu.

 

La prière a fini par faire fuir la Chine

Sans doute est-ce, en toile de fond, ce qui a motivé la Chine à interdire son téléchargement à ses ressortissants, en juillet dernier, sous prétexte que l’application était « considérée comme incluant du contenu illégal ». Il faut dire aussi que certains textes diffusés à l’été 2024 ont pu constituer la goutte d’eau qui a fait déborder le vase : Alex Jones avait demandé à l’essayiste George Weigl de pouvoir citer certains passages de sa biographie sur le pape Jean-Paul II ; or la série évoque, à juste titre, le rôle du pape polonais dans l’effondrement du communisme européen…

Evoquant les innombrables horreurs du communisme, George Weigel s’est demandé dans le National Catholic Register : « Un régime capable de tout cela a-t-il peur d’une application de prière ? Et d’un prêtre polonais mort depuis près de vingt ans ? » La Vérité fait toujours peur, tant elle éclaire.

Bruxelles est peut-être moins directive que Pékin. Mais elle use d’un certain softpower dans le domaine des idées et sa voie est celle du progressisme qui n’est pas si éloigné qu’il n’y paraît du communisme. Alliance Defending Freedom (ADF) International, un groupe dédié à la défense des droits humains fondamentaux, y compris la liberté religieuse, pourrait aider Alex Jones dans la bataille juridique qui risque d’avoir lieu et de constituer peut-être une sorte de jurisprudence pour toutes les organisations confessionnelles en ligne.

 

Une stratégie commerciale huilée pour l’application

Quant à l’application Hallow, certains pourraient critiquer une stratégie marketing très rodée qui n’hésite pas à utiliser des acteurs de cinéma catholiques comme Mark Wahlberg, Jonathan Roumie ou encore Jim Caviezel ou à activer le levier financier et publicitaire. En 2021, Hallow a levé 40 millions de dollars, notamment auprès du milliardaire Peter Thiel et de l’alors sénateur républicain J.D. Vance, et a parrainé, en 2024, la couverture de la soirée électorale de Fox News. Comme le rapporte The New York Times, Hallow inonde aussi de pubs les pages « For You » de TikTok.

Mais les fondateurs de l’application, structurée comme une société d’utilité publique (PBC), restent engagés dans une vision missionnaire « 100 % authentiquement catholique et alignée sur l’Eglise », selon leurs mots, et tentent de saisir les avantages de frayer avec la culture laïque pour attirer de nouveaux publics.

Lorsqu’on sait que la population chrétienne du continent européen pourrait diminuer de 100 millions avant 2050, selon les dernières estimations du Pew Research, ces applications de prière et de connaissance de la Foi ont un rôle précieux à jouer quoique toujours insuffisant. Alors quand l’Europe, héritière des Lumières, fait la fine bouche… on a envie de la lui fermer.

 

Clémentine Jallais