Notre confrère Le Monde, journal officiel de l’intelligentsia comme il faut, présente ce qu’il appelle une enquête sur « l’essor des médias réactionnaires en Europe », c’est-à-dire une modeste rupture du monopole de l’information par les médias dit « mainstream ». Première cible de cette « enquête », le « groupe Bolloré s’est imposé en navire amiral d’une myriade de médias de droite dure ou d’extrême droite ». Le Monde note que l’institut Médiamétrie classe neuf fois en un an CNews première chaine d’information en continu devant BFM, LCI et Franceinfo, avec 3,4 % du public. Et note qu’Europe 1, elle aussi rachetée par Bolloré, va atteindre les 5 %. Côté presse, Le Monde note que le JDD, sous la houlette de Geoffroy Lejeune, a connu une hausse de 7,5 % et que Le JDNews vendu avec a de bons résultats. Sans doute mitige-t-il ce succès de considérations techniques pertinentes, mais le succès est bien là et il faut bien l’expliquer. Et là notre confrère Le Monde se montre grandiose sans le savoir. Il donne la parole à Jean-Yves Camus, militant de gauche et « politologue » qui explique cette percée par le contexte électoral : « Depuis les législatives de 2024, l’extrême droite est passée d’une surface médiatique réduite à la portion congrue à une réelle visibilité dans la presse quotidienne régionale et les chaînes locales, qui rendent compte du travail des députés, ainsi que sur les chaînes d’info, qui respectent les règles des temps de parole. » Sancta simplicitas ! Ce que Camus nomme « l’extrême droite » jouissait donc, selon ses dires, « d’une surface médiatique réduite à la portion congrue » avant juin 2024. Quel aveu ! Et pourtant le Rassemblement national avait déjà 89 députés, et les thèmes dont il profite étaient approuvés par 30 % de la population ! Un politologue de gauche avoue sans fard que les médias mainstream appliquent depuis des décennies un filtre idéologique à l’information qu’ils diffusent ! Après cela, « l’enquête » est moins intéressante, même si elle brosse un tableau rapide de la croissance de Boulevard Voltaire, Frontières, Causeur, Radio Courtoisie, Tocsin, TV Libertés, L’incorrect, même si Radio Sud et Valeurs Actuelles plafonnent un peu. Mais l’aveu de Camus est le clou de l’enquête et justifie entièrement le point de vue publié dans Le Télégramme de Brest : « Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, Bolloré contribue au pluralisme des idées dans un pays longtemps soumis à une certaine doxa médiatique. » C’est vrai. Mais encore marginal : la première radio de France pointe à 12,8 % d’audience cumulée, et la part de marché du seul journal de 20 heures de France 2 tourne autour de 20 %. Les médias indépendants ne grignotent pour l’instant que des miettes. Mais pour le système et Le Monde, c’est encore trop.