Une militante politique d’extrême gauche basque espagnole née à Bilbao, Ane Lindane, a donné un spectacle dans une église du diocèse de Bayonne devant deux cents personnes, où elle a simulé une masturbation avec un crucifix avant de grimper sur l’autel et de le jeter par terre. Après des débuts de speakerine à la radio, elle est à trente-sept ans comédienne, monologuiste, humoriste – tout en se définissant comme « une personne très politique » désireuse de « changer la réalité et les injustices qui nous entourent » par une révolution de la société. Elle a revendiqué son acte, explicitement dirigé contre l’Eglise catholique. Elle milite pour le « féminisme » et « l’accueil de genre » en même temps que pour l’autonomie basque, sans aucune frontière : l’arc-en-ciel à l’état pur. Détail : cela s’est passé dans une église non désaffectée, et cette « improvisation » était prévue au programme d’un festival subventionné, Euskal Herria Zuzenean, au même titre que la prestation du groupe « Queer Falafel ». L’évêque du lieu, l’assez traditionnel Mgr Aillet, n’était pas au courant, et a demandé « réparation » pour ce sacrilège.
Un festival basque prêchant la révolution arc-en-ciel
Le site d’Euskal Herria Zuzenean annonce la couleur pour 2025, résolument arc-en-ciel : « Depuis 1996, Euskal Herria Zuzenean ne se contente pas d’être un simple festival, mais constitue un véritable vecteur de rassemblement et de réflexion. Notre association incarne une identité plurielle, portée par des valeurs telles que le féminisme, l’anticapitalisme, l’écologie, la liberté sexuelle, la justice sociale, l’internationalisme, la diversité culturelle, ainsi que la lutte contre toutes les formes d’exclusion. » La programmation d’Ana Lindane était donc aussi naturelle qu’officielle. Ce qui surprend, c’est que l’église ait autorisé la chose. Mais ni le curé dont dépend l’église d’Arbérats-Sillègue, dans les Pyrénées atlantiques, ni l’évêque n’avaient été averti, seul le prêtre desservant le secteur avait donné son accord « sans imaginer une seconde qu’un tel sacrilège pouvait s’y produire ». C’est bien possible : on peut être un saint homme et n’avoir aucune idée de la réalité sociale et politique ni des voies tortueuses de la révolution.
Masturbation, urophilie et scatologie à l’église
La réaction des chrétiens qu’elle a heurtés n’affecte nullement « l’humoriste », elle s’en sert pour promouvoir son spectacle : « Hier, j’ai donné un grand monologue au festival Euskal Herria Zuzenean. Dans une église non désacralisée, 200 personnes ont fait trembler les fondements du catholicisme à grands éclats de rire. Nous avons souillé, blasphémé et dénoncé les abus sexuels de l’Eglise. Hil da Jainkoa ! » (« Dieu est mort », en basque). On ne voit pas bien comment se masturber avec un crucifix « dénonce » les abus sexuels de l’Eglise, mais on voit bien en revanche comment focaliser l’attention sur certains abus sexuels permet d’en oublier d’autres et nourrir une indignation hémiplégique contre l’Eglise catholique. On notera aussi que la demoiselle revendique ouvertement la « souillure » et le « blasphème ». Ceux qui en auront la curiosité, le temps et le courage pourront vérifier, en visitant le site de cette pauvre fille qui se croit vraiment drôle, que son féminisme a quelque chose de maladif. Sa réflexion prend forme exclusivement sous la ceinture et sa revendication s’étend à « la liberté de déféquer en paix ». Et dans El País, elle s’est félicitée de dénoncer certaines « réalités » d’Eglise, « les ridiculiser, les humilier et leur pisser dessus ».
Une révolution espagnole et basque contre l’Eglise
Certains estimeront que ces pitreries d’une braillarde scatologique ne valent pas qu’on les relève, mais il me paraît qu’au contraire Mgr Aillet a raison de demander réparation. Parce qu’il ne s’agit ni d’un dérapage ni d’un fait en passant. Un festival arc-en-ciel ayant pignon sur rue depuis trente ans programme ce genre de choses. Avec quels soutiens politiques ? L’église locale a été dépassée : mais le maire, le département, la région ? Plus au courant de la situation, de la stratégie révolutionnaire et de la personnalité de « l’humoriste », que ses homologues français, l’association espagnole des avocats chrétiens a porté plainte au titre de l’article 525 du Code pénal espagnol.
La révolution avance, de l’exhibition à la masturbation
J’ai jeté un coup d’œil sur l’article (d’ailleurs très défavorable) que Wikipédia leur consacre en espagnol. On y lit à livre ouvert la stratégie de la révolution arc-en-ciel contre l’Eglise en Espagne à travers la manipulation du sexe et du genre, la progression sans cesse accélérée du sacrilège et du blasphème, auxquels s’oppose à chaque étape l’association. En 2013, cinq Femen seins nus agressent à Madrid une marche familiale contre l’avortement. Il y a outrage à la pudeur et entrave à l’exercice du droit de manifester, mais ces délits sont commis dans la rue. Le deuxième cas concerne encore les Femen, mais cette fois les exhibitionnistes féministes s’enchaînent au crucifix central de la cathédrale de l’Almudena, toujours à Madrid. Elles sont reconnues coupables du délit de profanation. En 2014, trois femmes portaient une reproduction en plastique d’une vulve géante dans les rues de Séville en parodie de la Semaine sainte, dénommée « procession de la Chatte Sacrée insoumise ».
L’arc-en-ciel cherche en France le soutien de l’Etat contre l’Eglise
L’affaire a été classée sans suite en 2016, mais les avocats chrétiens ont obtenu la réouverture du dossier. Le gouvernement socialiste espagnol s’oppose ouvertement à leur action et prétend modifier, au nom de la laïcité, le code pénal qu’il juge trop favorable aux catholiques. Cependant, l’opinion publique est partagée et une partie en demeure fortement attachée à la morale chrétienne : c’est pourquoi la révolution arc-en-ciel s’est en quelque sorte exportée en France, ventre mou de l’Europe à cet égard, par le biais de la communauté basque présente des deux côtés de la frontière. Et un nouveau pas a été franchi : le dernier sacrilège a été commis dans une église, et il ne s’agit plus de se montrer à moitié nue dans une opération coup de poing, mais de mettre en scène une masturbation avec un crucifix et de sauter sur l’autel dans un festival autorisé et subventionné, c’est-à-dire d’utiliser le caractère officiel de l’Etat contre l’Eglise et les fondations de la société.