La fête de l’Huma est devenue le dernier salon où l’on cause. Pour son 90ème anniversaire, elle aurait attiré 610.000 visiteurs, un record. Des jeunes filles du centre droit au centre gauche qui votent Macron ou ne votent pas s’y pressent pour écouter Gims, Dominique de Villepin y fait des effets de cheveux sur le Proche-Orient et Patrick Martin, le président du Medef, y débat depuis 2024, la dernière fois avec la cheftaine de la CGT, cette fois avec le sénateur communiste Fabien Gay, directeur de l’Huma et organisateur de la fête. La gauche et l’extrême gauche dominent cependant bien sûr et s’étripent joyeusement. A poignard émoussé, il y a bientôt des élections. Programmes et intérêts diffèrent, mais l’antifascisme électoral reste un ciment. La fête de l’Huma 2025 a illustré cette division et cette solidarité, en particulier son événement-phare, l’invitation en tant que « grand témoin » de Paul Watson, l’infatigable chasseur de baleiniers, écolo maximaliste, antispéciste, végan, décroissantiste, ancien membre moteur de Greenpeace, fondateur de Sea Shepherd, délinquant international, pirate « écoterroriste », installé à Paris aujourd’hui sur une péniche. Des écolos, dont Youth for Climate Paris, ont demandé sa déprogrammation, puis ils ont perturbé sa conférence en le traitant « d’écofasciste ». Pour lui selon eux, « la protection de l’environnement sert de prétexte et de justification à des politiques racistes et autoritaires ». Voilà qui est cruel et menace le front de l’antifascisme arc-en-ciel.
Le gratin de l’antifascisme à la fête de l’Huma
Pendant qu’Olivier Faure, Marine Tondelier, le patron des députés communistes Stéphane Peu, François Ruffin, et d’autres s’affrontaient micros en main pour satisfaire les militants, Jean-Luc Mélenchon rendait son oracle sur la « gauche de rupture » et la « gauche d’accompagnement ». Mais tout le monde ne s’intéressait vraiment qu’à la conférence de Paul Watson. C’était le must du week-end, dans le grand spectacle annuel de la gauche arc-en-ciel. Parce que c’était le vrai débat. Paul Watson, militant écolo et pacifiste de la première heure, fut le skipper du premier bateau de Greenpeace contre les essais nucléaires en 1971. Il a quitté l’organisation, pas assez révolutionnaire pour lui et utilisé l’action directe dans tous les conflits où il s’est mêlé, en 73 avec les Black Panthers pour soutenir les droits civiques des Indiens, en 75 contre les baleiniers soviétiques, pour les bébés phoques ensuite, puis encore et toujours les baleines. En quarante ans, il aura éperonné 10 bateaux et coulé 11 dans l’idée de « sauver » les animaux marins. Pour échapper aux poursuites judiciaires de plusieurs pays, il s’est enfui dans des conditions rocambolesques, est resté des mois en mer. C’était le révolutionnaire arc-en-ciel type, une icône, comme on dit, il avait même une notice rouge d’Interpol aux fesses. Mais pour Youth for Climate Paris ce n’était que l’apparence derrière laquelle se cachait un fasciste.
Watson, vieux singe de la communication arc-en-ciel
Sa vieillesse le dit. En 2014, las d’une longue cavale, il s’est réfugie chez Brigitte Bardot, qu’il avait connue en 1977 dans le grand Nord quand elle l’avait aidé à promouvoir les bébé phoques. Il avait suivi les cours de communication de Marshall McLuhan : « Les médias comprennent quatre choses : sexe, scandale, violence et célébrités. J’ai donc mis cette maxime en application quand j’ai amené Brigitte Bardot sur la banquise. » Comme c’est élégamment dit ! Depuis, il a utilisé Bo Derek, Sean Connery et Pierce Brosnan. Mais ce cynisme de militant révolutionnaire ne le détourne pas de ses certitudes « biocentristes ». Lors de son mariage avec la blonde Yan Rusinovich en 2015 à Paris, il déclarait à Paris Match : « Ma philosophie est simple : la nature réglera la question du changement climatique d’une manière ou d’une autre. Le problème n’est pas la planète mais l’humanité ! La nature obéit à trois lois : diversité, interdépendance et limite des ressources. Lorsque nous volons les ressources d’autres espèces, nous provoquons un déséquilibre mettant en péril l’écosystème dans son ensemble. Au rythme où l’on va, on se dirige vers un effondrement. Probablement avant la fin du siècle. Le monde de 2050 ressemblera à celui de 1850 : il y aura pour se déplacer des bateaux à voile, des moulins à vent, des chevaux. » Voilà du terrorisme écolo arc-en-ciel très classique.
Soupçonné par l’antifascisme malgré son orthodoxie arc-en-ciel
Avec ce que cela suppose de malthusianisme décroissantiste : « Il y a 7,5 milliards d’habitants sur Terre. Quand je suis né, ils étaient moitié moins. Et on en compte 1 milliard de plus tous les dix ans. Or, le monde ne pourra pas subvenir aux besoins de 15 milliards de personnes. C’est impossible ! Le développement durable, c’est de la foutaise, un mot inventé pour dire : “Continuons comme ça.” Les pauvres veulent devenir riches et ces derniers, le rester. Il n’y a pas de pêche durable, pas de déforestation durable, pas de civilisation durable. Nous ne faisons que voler notre propre espèce. » Pourtant, malgré ces déclarations d’une parfaite orthodoxie arc-en-ciel, Watson a été attaqué par une quarantaine de ses jeunes émules à la fête de l’Huma. Zia, activiste antifasciste, participait à cette action « spontanée ». Elle a raconté à notre confrère Vert : « Nous avons voulu informer le public de qui était réellement Paul Watson. Je me souviens qu’il y avait plusieurs slogans : “Paul Watson n’est pas un camarade”, “Siamo tutti antifascisti” et “Notre écologie est anti-raciste”. » Selon elle, un groupe de militant·es s’est fait repousser « très violemment » par le service d’ordre, qui formait « un cordon ».
Une fan de l’antifascisme déçue par le SO de la fête de l’Huma
Diable ! Un service d’ordre à la fête de l’Huma ! Un cordon ? Que fait donc la police ? Pour Marie Chureau, étudiante en droit de 23 ans, militante « pour le climat et la justice sociale », cette Fête a été le théâtre d’une véritable « dissonance » : « J’ai passé du temps à clamer que les communistes étaient des antifascistes. Je me revendique moi-même de cet héritage-là. Je suis profondément déçue. » Voilà un sentiment directement lié au changement de la population de la fête de l’Huma : celle-ci s’est transformée en kermesse de la démocratie arc-en-ciel, la révolution a changé, le fascisme, l’antifascisme aussi, et leur rapport avec le communisme. Alertée par Youth for climate Paris, Maud Vermont, co-directrice de la rédaction de l’Huma, a fait passer un entretien préalable à Watson avant de confirmer son invitation. Heureusement tout va bien : « Toutes les accusations reposaient sur des ouï-dire. » Ouf ! Mais elle déplore l’incident provoqué par les écolos : « Des désaccords à gauche, il y en a. Que des militant·es expriment leur désaccord, c’est normal. Mais que des gens sans aucun argument empêchent la tenue d’un débat, cela s’apparente à du fascisme. » Voilà le mot lâché : qui perturbe la fête de l’Huma, événement communiste, est forcément fasciste. Cela devrait apprendre deux choses aux jeunes écolos. 1. Les méthodes qu’ils disent « fascistes » ne sont pas propres au fascisme. Beaucoup d’autres régimes recourent à la force ou à la ruse 2. En particulier ceux qui se réclament du socialisme ou du communisme. Cela, ce n’est pas à la fête de l’Huma qu’on le leur dira.
Pour l’antifascisme la convergence des luttes passe d’abord
Mais, toujours selon Vert, ils se posaient de bien d’autres questions, autour de la convergence des luttes, de la synergie des subversions anticapitalistes. Loan, autre militante anti-raciste présente, déplore : « Paul Watson considère, comme beaucoup, que l’écologie est la cause suprême. Mais on ne peut pas se déconnecter de nos engagements sociaux au prétexte qu’on défend la nature ! La lutte anti-raciste et la lutte écologiste sont des luttes qui s’embrassent. » C’est pourquoi notre confrère Reporterre est allé interviewer Watson sur sa péniche. Avec des reproches. D’abord sur ses liens avec des personnes dites « d’extrême droite ». Brigitte Bardot par exemple. Il s’est défendu. Il ne se « préoccupe pas des opinions politiques de (ses) alliés tant qu’ils sont écologiquement corrects. » Et il affirme : « Elle a sauvé des milliers de bébés phoques, et pour cela, je lui serai éternellement reconnaissant. »
Elémentaire pour Watson : le culte de Gaïa prime tout
C’est pour ça aussi qu’il a roulé sa bosse avec Dave Foreman, fondateur d’Earth First !, sorte d’écologiste conservateur et anti-immigration. Il s’en tient au « biocentrisme ». Strictement : « Politiquement, il n’existe pas de gauche ni de droite, parce que les conséquences d’une catastrophe écologique affectent tout le monde. » La terre « est un vaisseau spatial qui voyage dans la Voie lactée », des bactéries aux éléphants, un « équipage d’ingénieurs » maintient « le système de survie en état de marche ». Les hommes n’en sont que les passagers. Et « en nous amusant à faire de la politique ou en nous divertissant, nous assassinons les ingénieurs ». Filant la métaphore, Watson conclut : « Si l’équipage disparaît, le système de survie tombe en panne, et tous les êtres vivants meurent. »
Pour l’arc-en-ciel l’objectif passe par la dépopulation
Cela justifie son malthusianisme. Dès 2007 il préconisait de « réduire radicalement et intelligemment la population humaine à moins de 1 milliard ». Il confirme : « Cette planète ne peut pas supporter huit milliards d’êtres humains qui mangent des animaux. » Quand les marxistes d’Oxfam déplorent que les 10 % les plus riches de l’humanité soient cause de plus de 50 % des émissions de CO2, il ne le nie pas, mais ce n’est pas son affaire : « Quelqu’un devra s’atteler à la réduction du nombre d’humains, sinon ce sont les lois de l’écologie qui feront s’effondrer la population. » Lui entend « guérir » Gaïa du « virus humain ». Et souhaite à cet effet un permis de procréer : « Aux Etats-Unis, il faut un permis pour posséder une arme, pour conduire une voiture, pour piloter un avion. Presque tout… sauf pour avoir des enfants. Alors, on a des pédophiles qui ont des enfants, des dealers, des alcooliques, des toxicomanes. Est-ce que tout le monde, quelle que soit sa personnalité ou sa psychologie, devrait avoir le droit d’avoir un enfant ? Je pense que c’est une des raisons pour lesquelles on a tant de problèmes aujourd’hui. » Ici, on le voit, rien d’extrême droite : un malthusianisme socialiste aussi moralisateur qu’il est immoral, et faux qu’il est péremptoire. Chacun sait que la transition démographique du monde est presque achevée, que dans de nombreux pays la population régresse déjà, même l’ONU le dit, Watson ne saurait l’ignorer. Ses vaticinations absurdes sont un mensonge inspiré par la haine homicide de l’homme.
Une vue marxiste et arc-en-ciel de l’immigration
Cela régit aussi sa pensée sur l’immigration. En 2006 sur la chaîne canadienne CBC, il désignait la natalité élevée des familles immigrées la « seule responsable de l’augmentation de la population américaine ». Accusé de xénophobie raciste, il répond : « Ma position n’a pas changé, elle est la même que celle de César Chavez : contre le dumping social orchestré par l’agro-industrie. Je ne crois ni aux frontières ni aux nationalités. Tout être humain devrait avoir le droit de voyager et de travailler partout sur cette planète. Mais une immigration illimitée, c’est l’assurance d’une main-d’œuvre exploitée dans les champs, les hôtels, les restaurants. » C’est la doxa marxiste libre-échangiste qui voit dans la politique d’immigration arc-en-ciel une conséquence du capitalisme. Avec en prime ce mantra alarmiste : « Il y aura des vagues et des vagues de migrants venant d’Afrique, d’Amérique centrale. C’est une réalité liée changement climatique et aux régimes répressifs. Il faut un système responsable pour réguler ça. » Voilà encore du pur socialisme mondialiste. On comprend que Maud Vermont l’ait adoubé.
Watson vert avant d’être antifasciste
La place manque pour exposer les réponses ingénieuses (et sincères) de Watson à ceux qui l’accusent de sexisme et « d’écologie universaliste qui nie les droits culturels des peuples autochtones ». Ce qui le distingue des jeunes gens qui entendaient l’exclure de la fête de l’Huma, c’est sa conception de la convergence des luttes. Sans doute les combat, pour les lgbt, contre le racisme ou les héritages coloniaux sont-ils liés mais chacun doit suivre son chemin, chacun des torons de l’arc-en-ciel agir à sa guise. Tous sont subordonnés pour lui à Gaïa : « Ce sont toutes des luttes importantes, mais elles sont indépendantes de la question primordiale, qui est l’écologie. C’est elle qui détermine si nous survivrons ou non sur cette planète. » Autrement dit, tous les freaks de l’arc-en-ciel ne sont pas forcés de professer ensemble toutes les folies de l’arc-en-ciel. Telle est la conception de la liberté d’un fou guerrier de l’arc-en-ciel, telle est aussi sa forme de rationalité : c’est la terreur de l’écologisme qui doit l’emporter sur la terreur de l’antifascisme.
Plutôt la fête des phoques que celle de l’humanité
Il n’oublie pas cependant de plaire : « Mes positions ont toujours été claires. J’ai combattu le racisme toute ma vie. » Et : « Ma fille est à moitié chinoise. Et ma femme est “islamic”. Pas que j’approuve, parce que je n’aime aucune religion. Je n’aime pas les chrétiens, ni les juifs, ni les musulmans, ni les scientologues, ni personne. Mais c’est son choix, ça lui appartient. » Son culte de la Terre est indifférent aux religions comme aux nations, aux races et aux religions, bref, il est sans aucune frontière, arc-en-ciel. Et comme tel étranger à l’homme. En 2008, quatre chasseurs de phoques sont morts dans le Golfe du Saint-Laurent par accident, remorqués par un brise-glace. Watson indigna les Canadiens en leur reprochant d’être des « tueurs de bébés cruels » (« sadistic baby killers »). Il ne s’en repent pas aujourd’hui : « Tuer 400.000 phoques par an, ça, c’est une tragédie bien plus grande que la mort de quatre hommes. » Telle est la hiérarchie morale d’un antispéciste : il n’y a plus de spécificité humaine, seul compte le nombre. Telle est aussi la hiérarchie morale de l’antiracisme, que l’on a vue à l’œuvre sur Charlie Kirk : quand il n’est pas du côté du bien, la vie d’un homme ne compte pas.