L’évêque d’Insbruck a excommunié Martha Heizer, présidente autrichienne du mouvement progressiste Wir sind Kirche (« nous sommes Eglise ») pour avoir assisté à une parodie de messe sacrilège. Derrière ce fait précis se cache une forêt de doctrines et d’actes hérétiques commis en réseaux qui préparent un schisme progressiste ou une subversion complète de l’Eglise catholique. Par Octave Thibault.
L’Eglise catholique subit depuis la clôture du Concile de Vatican II (1962-1965) la pression de groupes progressistes se réclamant de lui.
« Vatican II » tient surtout de l’incantation ; ils se gardent bien de citations précises, tant la lettre des textes du Concile reste en fait en retrait des réformes opérées par les papes post-conciliaires, et en particulier par Paul VI et sa nouvelle Messe, aggravée en France où on la chante intégralement en langue vulgaire (1969).
« Nous sommes Eglise » est la bonne traduction de l’allemand « Wir sind Kirche ».
L’interprétation courante « nous sommes l’Eglise » constitue une erreur : en fait l’allemand est aussi maltraité que le français par l’usage d’une expression « se voulant sens », selon le pédantisme progressiste aussi prétentieux qu’assez superficiel ; des fidèles qui se rassemblent « font Eglise », ce qui est à peu près la définition d’une Eglise pour beaucoup d’obédiences protestantes, une organisation démocratique spontanée, d’égaux, sans hiérarchie. « Nous sommes L’Eglise » signifierait une prétention à incarner la seule véritable Eglise, à exclure tous les autres chrétiens, ou même seulement les autres catholiques, ce qui constitue un lourd contresens.
Nous sommes Eglise – Wir sind Kirche – We are Church
De nombreuses associations progressistes se succèdent dans le monde germanique –Allemagne, Autriche, Suisse- depuis 1965.
La plus connue est désormais « Nous sommes Eglise », fondée en 1995 en Autriche, et étendue dès la même année à l’ensemble du monde germanophone. Il s’est associé à des mouvements-frères, dans le monde anglophone, qui portent le même nom – « We are Church ». Le mouvement présente un catalogue de revendication, un peu sur un mode d’exigences syndicales.
Elles figurent en bonne place sur le site du mouvement wir-sind-kirche.de. Les autorités romaines sont priées de reconnaître le droit au mariage des prêtres, de procéder à l’ordination de femmes (au nom de l’égalité des sexes), de reconnaître une égalité totale entre tous les chrétiens, catholiques ou non, avec égal accès aux sacrements. De même la morale sexuelle devrait changer, avec l’autorisation totale de la contraception, et la sortie du « discours de l’exclusion » sur l’avortement…
On retrouve là les croyances des obédiences protestantes les plus progressistes, sans rien de vraiment commun avec l’Eglise catholique ; pourtant c’est à cette dernière que le mouvement entend imposer ses convictions. C’est elle la cible. Nous sommes église, et les autres associations progressistes qui travaillent en réseau avec elle sont des instruments à proprement parler anti-catholiques.
Enfin condamnée ?
Le 21 mai 2014, l’évêque d’Innsbruck, capitale du Tyrol, en Autriche, Mgr Manfred Scheuer, remet à Mme Martha Heizer, en personne, et à son mari, un décret d’excommunication. Etre excommunié consiste à être éloigné des sacrements de l’Eglise ; cela ne peut être levé que par une réparation significative, et publique, si la faute l’est. Bien évidemment, Mme Heizer déclare devant des journalistes autrichiens ravis que ça ne lui fait rien, qu’elle ne reconnaît pas la procédure.
Qu’est-ce à dire ? Elle est certainement opposée au principe même d’exclure des croyants de la communauté, donc refuse la sanction. On croirait un élève insolent de l’éducation nationale refusant son exclusion d’un établissement, chose peut-être possible maintenant… Mais en principe pas dans l’Eglise. Mme Heizer fait le jeu des ennemis de l’Eglise en clamant qu’elle refuse d’être mis dans le même cas que les « prêtres pédophiles ».
Les journalistes désinformateurs clament dans les pays germanophones qu’il y aurait d’un côté les gentils progressistes, injustement persécutés par les autorités, de l’autre les affreux pédophiles. Ce type de militantisme destructeur, de l’intérieur de l’Eglise, rappelle assez « Golias » en France.
Qu’a donc fait Mme Heizer pour être sanctionnée ? Lui a-t-on reproché son militantisme pour des propositions si évidemment contraires aux coutumes et principes de l’Eglise catholique ? En fait, n’a été condamnée non l’ensemble de ses engagements, qui mériteraient de l’être, mais un scandale public et un seul, la participation à une parodie de Messe.
Des laïcs, dont des femmes, ont concélébré en sa présence une liturgie imitant la Messe catholique. On retrouve le concept du sacerdoce universel de Luther, étendu aux femmes, chose impensable au XVIème siècle ; selon cette doctrine, n’importe quel baptisé adulte et digne – de par sa vie et son instruction – peut célébrer un culte et réaliser la consubstantiation – et non évidemment la transsubstantiation catholique.
En assistant à une telle « eucharistie », Mme Heizer a participé activement à un culte non-catholique, c’est bien un cas d’excommunication automatique.
Mme Heizer est une personnalité importante, une des dirigeantes, de « Nous sommes Eglise ». Son excommunication personnelle incrimine indirectement tout son mouvement.
Quid de Rome ?
Mais il n’y a pas condamnation explicite totale d’une association qui professe publiquement, radicalement autre chose que les croyances de l’Eglise catholique. Le discours voulu moderne, d’inclusion et non de sanction du pape François trouve là ses limites. Les sanctions qu’il n’est pas imaginable de ne pas prendre face aux pires provocateurs paraissent bien légères. Encore espère-t-on que les autorités romaines ne décident pas d’annuler l’excommunication par un biais ou un autre, ce dont il y a lieu de craindre hélas qu’elles soient parfaitement capables.
L’association « Nous sommes église » ne se désolidarise pas le moins du monde de sa dirigeante condamnée, et maintient au contraire un synode provocateur à Rome-même. Décidément, des sanctions collectives devraient s’imposer face à une mutinerie caractérisée, que l’on pourrait proprement nommer schisme et hérésie – c’est-à-dire définition de la foi contraire à celle de l’Eglise.
Cette affaire devrait attirer l’attention des autorités romaines sur les dizaines de groupes religieux qui se proclament « Eglise catholique », en essayant de donner une nouvelle définition – et constituent des schismes progressistes, souvent issus de dissidences de dissidences, via la Petite-Eglise d’Utrecht ou les Vieux-Catholiques : ils partagent à peu près le programme de « Nous sommes Eglise », médiatisent des « ordinations » de femmes, des « messes » célébrées par des femmes, et bénéficient d’une publicité totalement disproportionnée à leur importance numérique, quelques centaines ou milliers tout au plus de fidèles pour chaque groupe, à comparer au milliard en principe de catholiques authentiques.
Il conviendrait de réserver l’appellation « catholique » aux groupes effectivement en communion avec Rome. En commençant par dénoncer publiquement les usurpations, ce qui est très rarement fait par souci « œcuménique », alors que le danger de confusion est réel pour des fidèles peu formés ou a fortiori des âmes extérieures à l’Eglise catholique véritable.