Inconnu du grand public, enseignant dans plusieurs universités et docteur honoris causa d’un grand nombre, auteur d’une foule d’articles et d’ouvrages scientifiques, conseiller du premier ministre pendant sept ans, le français Jean Tirole a reçu le prix Nobel d’économie pour sa contribution à la gouvernance globale et au socialisme de marché.
Pour les médias Jean Tirole est un gentil sorcier
Sorcier : c’est une grosse tête mathématique, un théoricien auteur de travaux complexes auxquels on ne comprend rien, mais qui sont reconnus par ses pairs du monde entier, récompensés par de nombreuses médailles dont le Prix Nobel. Il a réussi une brillante carrière universitaire aux Etats-Unis, c’est tout dire !
Gentil : malgré tout cela, il est simple et timide, il va au travail en vélo, il s’occupe de vie quotidienne et d’environnement, il a tenu à revenir en France, à Toulouse, pays de la saucisse et de l’Airbus, pour y maintenir la recherche française et y importer ces méthodes américaines qui font s’épanouir les étudiants.
Devant un tel portrait, on se dit que les politiques seraient bien inspirés de se mettre à l’école d’un tel trésor vivant, et quand il parle « d’Etat moderne, plus léger », de « taxe de licenciement », de « contrat unique pour remplacer le CDI et le CDD », ou encore de « régulation des marchés », le public l’écoute avec sympathie. Ce sage pourrait peut-être nous tirer de la mouise où les brouillons nous ont mis.
Pas encore Prix Nobel, déjà la gouvernance globale
Mais quand on regarde de près son œuvre, on comprend pourquoi ce grand timide qui a participé à soixante-quinze grandes conférences internationales ne s’adresse jamais au public : parce que ce qu’il préconise est radicalement opposé à ce que souhaite le peuple.
Il faut le citer. C’est un peu pâteux, mais cela a le mérite d’être écrit noir sur blanc.
Dans un article publié en avril 2012 par la banque de France dans sa Revue de la stabilité financière, Jean Tirole se proposait de réformer « la gouvernance globale » et la « régulation bancaire » en étudiant les « propositions visant à mutualiser et restructurer une partie des dettes souveraines sous forme de dette supranationale et à introduire la notion de responsabilité conjointe et solidaire ». C’est clair, c’est la mise à mort de l’indépendance nationale par le biais de l’économie, et pour être encore plus net, il enfonçait le clou : le marasme de la zone euro est dû selon lui à l’absence « d’une stratégie économique globale ». Le remède préconisé par Jean Tirole est donc simple : « les pays membres doivent donc accepter de perdre un peu de leur souveraineté » pour « déléguer certaines compétences à des conseils de politique budgétaire indépendants » et « accepter une plus grande ingérenc ». En d’autres termes, se soumettre à des Sages qui les rendront indépendants de la volonté des peuples.
Jean Tirole au secours de l’effet de serre
Trois ans plus tôt, Jean Tirole avait publié un rapport sur le réchauffement climatique en vue de la conférence de Copenhague de 2009, qu’il présentait dans le Monde sous le titre : Copenhague ou l’heure de vérité. Avec pour but de préparer les institutions internationales à répondre au « défi posé par les prévisions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ». C’était donc reprendre pour argent comptant les chiffres fantaisistes construits par le GIEC, organisme politique partisan, afin de leur donner l’autorité de la science. Après cela Jean Tirole critiquait l’effort insuffisant des Etats du Nord et leur recommandait « d’avoir le courage de poser le problème des compensations à offrir aux pays pauvres pour leur participation à l’effort collectif ». Autrement dit il appelait le Nord riche à subventionner le Sud pauvre pour construire une politique pénalisant le contributeur. En somme : socialisme de marché, redistribution et suicide. En conclusion, l’économiste fixait une « feuille de route » aux négociateurs politiques de la conférence de Copenhague.
Le vrai nom de la « régulation » : socialisme de marché pour la gouvernance globale
Les quatre points principaux en étaient :
« Un objectif global de réduction des émissions des gaz à effet de serre conforme aux indications du GIEC »
« Le déploiement de satellites » espions pour surveiller les émissions
« Un système mondial de droits à polluer négociables ». Une usine à gaz fiscale propre à toutes les spéculations.
« Une gouvernance globale » Ainsi pourrait-on « traiter la dette environnementale des pays comme une dette souveraine (surveillée par le Fonds monétaire international) »
Jean Tirole n’est certes pas quelqu’un qui met son drapeau dans sa poche. Le jury du prix Nobel l’en a récompensé et le dit explicitement dans son explication de vote. En saluant « l’importante contribution théorique du lauréat en matière de régulation des marchés ». Notamment pour « la compréhension et la régulation des quelques très grandes firmes mondiales ». Cette régulation est précisément le socialisme de marché nécessaire à l’avènement de la gouvernance globale souhaitée par Jean Tirole.