Devant le refus catégorique de Brenda de subir une vaginoplastie, ses parents entament un suivi psychologique, censé l’aider à accepter l’opération. Se succèdent alors auprès de Brenda de nombreux spécialistes conscients du désastre… mais frileux.
A 11 ans, Brenda est inscrite dans une nouvelle école de Winnipeg. Le principal ne tarde pas à contacter la clinique psychopédagogique de la ville afin de signaler son cas. Brenda est anxieuse, associable et peureuse. C’est le psychologue Nebbs, qui avait déjà rencontré Brenda petite, qui la reçoit. Son rapport est sans équivoque : « Elle développe des pensées suicidaires et ses intérêts sont profondément masculins ».
Money contre la réalité
Brenda est confiée au jeune psychiatre Keith Sigmundson. Ce dernier parcourt les écrits de Money, rapportant « une identité de genre féminine sans équivoque » et reste sans voix dès la première entrevue : « elle n’avait rien de féminin ».
Il présente donc le cas à un groupe des meilleurs psychiatres, endocrinologues et pédiatres de la ville. Tous l’identifient comme ressemblant à un garçon mais décident, oubliant la souffrance terrible de l’enfant, de poursuivre le traitement estimant n’avoir « plus le choix ». La décision initiale de Money leur apparaît alors irréformable malgré l’évidence. Sigmundson avouera plus tard « C’était LE cas dont parlait toute la littérature spécialisée, nous devions essayer de faire le travail ».
Il pense alors qu’une femme sera plus à même d’aider au développement de la féminité de Brenda et choisit le docteur Moggey. Au fil des rencontres, le scepticisme de celle-ci grandit.
Brenda refuse de parler de chirurgie et de revoir le docteur Money qui lui « montre des photos de corps nus ». Le docteur est atterré « je ne vois ni l’enfant ni les parents que Money décrit. Ron boit et Janet est dépressive, personne n’est heureux ! ».
Elle écrit donc à Money, lui demandant plus d’informations, mais également des conseils alors qu’elle entend la crainte immense de Brenda à son égard. Il répond qu’il est « urgent qu’elle suive un traitement hormonal et une vaginoplastie ». Mais « les simples mots vagin ou pénis provoquent une panique explosive » chez Brenda. Moggey écrit donc une seconde fois, plus directement : « Elle régresse scolairement, n’a pas d’amis, et refuse de développer sa féminité. Elle trouve son corps sale ». Malgré ces constatations effrayantes, elle conclut, comme terrorisée par ce que pourrait penser Money de ce constat : « je travaille à la faire revenir vers vous, elle a besoin du traitement hormonal ». La réponse de Money ne mentionne que la conclusion, il est « soulagé qu’elle pousse Brenda à revenir ».
L’enfant abandonnée
Moggey déménage, et c’est le docteur Ingimundson qui prend le relais. Elle se dit « déconcertée » dès la première entrevue. Brenda tente d’être féminine, mais son rejet de la féminité est évident. Pourtant elle persévère estimant elle aussi ne pas avoir le choix, et abandonnant simultanément Brenda à son désespoir. Elle est pourtant mal à l’aise et a l’impression que « Brenda sait inconsciemment qu’elle était un garçon et qu’elle doit le taire ».
Elle comprend l’horreur du combat que mène Brenda : « Elle sent qu’elle est un garçon, mais cela veut alors dire que quelque chose ne va pas anatomiquement. Si elle l’accepte, que se passe-t-il ? ».
Elle pense que la connaissance de la vérité pourrait aider Brenda « à réussir le changement de sexe ».
Ron se contente alors de lui dire qu’un « médecin a fait une erreur », laissant Brenda dans l’incompréhension. Brenda se tait et précise « je me sens enfermée dans le bureau du docteur, comme en moi-même ». Mais qu’importe… ni ses parents, ni son psychiatre n’entendent ce énième cri de détresse. Ils sont tous comme paralysés par la décision initiale du professeur Money, internationalement reconnu, et qu’ils n’envisagent pas une seconde de contredire, quitte à étouffer la douleur d’un enfant qui n’attend que leur aide.
Un traitement contre son gré
Le traitement hormonal est imposé à Brenda par ses parents, qui suivent mot à mot les injonctions du professeur Money. Après avoir lu le livre et les rapports de Money, le docteur Winter, chargé de suivre le traitement, envisage sereinement le cas de Brenda. La première rencontre est pour lui aussi un choc « je n’avais jamais vu un patient craindre un docteur avec une si profonde émotion ».
Il force pourtant Brenda à prendre des hormones féminines, avec l’appui du docteur Ingmundson et l’aide de ses parents. Le changement de son corps laisse Brenda « mortifiée ». Mais tous les adultes en qui elle devrait pouvoir avoir confiance l’abandonnent, au profit des ordres du professeur qu’elle redoute.
Une détermination intacte
14 mois après le commencement du suivi psychiatrique, la détermination de Brenda concernant la vaginoplastie est la même. Winter est le premier à rencontrer Money à qui il décrit l’immense difficulté que représente le cas de Brenda. Money répète « tout est parfait, il n’y a aucun problème ». Dans le rapport de cette rencontre, ce dernier écrit pourtant : « Je pense vraiment que Brenda sait qu’elle a eu un pénis et probablement qu’elle a été considéré comme un garçon (sic) ».
Money montre à Winter les photos de nus dont parle Brenda, ce dernier les juge « sales ».
Mais il revient, de façon totalement incompréhensible, « encouragé » par cette visite : « j’étais jeune et rassuré qu’un expert mondialement connu ne considère pas le comportement de Brenda comme un obstacle » se justifiera-t-il plus tard.
Le docteur Ingimundson part en congé maternité et laisse Brenda entre les mains du docteur Cantor. Celle-ci explique très rapidement aux parents qu’il faut immédiatement permettre à Brenda de redevenir un garçon. Elle est la première à écouter Brenda et à vouloir son bien, quitte à contredire le professeur Money. Ron et Janet paniquent et, avec le soutien de Winter, demandent au docteur Singmundson de l’écarter, ce qu’il fait. Ils savent pourtant que cette décision serait salutaire pour Brenda. Tous persévèrent malgré sa dépression évidente, ses pensées suicidaires et son impression avouée de « survie ».
Enfin une oreille attentive
Sigmundson trouve alors une nouvelle psychiatre : le docteur McKenty. Elle est délicate et attentive. Brenda la teste sur certains exercices et finit par lui faire confiance.
Elle se confie donc « j’ai l’impression que ma mère m’a frappée entre les jambes ». McKenty et Sigmundson comprennent alors que Brenda sait inconsciemment que son état n’est pas naturel et qu’elle cherche la vérité. Janet est horrifiée et accepte de ne plus jamais revoir Money.
Brenda comprend alors que McKenty n’est pas liée à Money comme les autres et se livre comme elle ne l’avait jamais fait. Les médecins se rendent enfin à l’évidence : Brenda n’acceptera jamais la chirurgie. Seul Winter y croit encore, pensant que la vaginoplastie pourrait sauver le cas de Brenda comme le répète, niant la réalité, le professeur Money.
Exaspéré, il l’interroge « Veux-tu être une fille oui ou non ? » La réponse tombe pour la première fois « non ».
Winter rend les armes et confie à McKenty que Brenda doit savoir la vérité.
Elle l’apprend quelques jours plus tard de la bouche de son père et décide immédiatement de redevenir un garçon.