Hommes, femmes, riches, pauvres, vieux, jeunes : unisexe et sans genre, l’unification du goût

Hommes, femmes, riches, pauvres, vieux, jeunes : unisexe et sans genre, l’unification du goût
 
C’est sans doute une manifestation de l’idéologie holistique du genre dans sa forme la plus quotidienne : la tendance actuelle à mépriser toutes les barrières sociales pour imposer une sorte de goût unifié et universel dans tous les domaines. Habillement, meubles, accessoires, « culture », musique : en matière de consommation, c’est l’unisexe qui tient le haut du pavé. Hommes, femmes, riches, pauvres, vieux, jeunes font l’objet d’un même marketing. Dans nos campagnes, les vieilles dames avec leurs coupes de cheveux masculines et leurs pantalons sans forme ressemblent surtout à… de vieux hommes : on le savait déjà. Mais la tendance s’infiltre partout.
 
Le thème fait l’objet d’un article d’humeur d’Anna Hart du Telegraph. Elle note de multiples exemples de cette unification du goût. Ils rendent compte d’une volonté des fabricants de vêtements et d’accessoire d’avoir une approche « unisexe », « gender neutral ». On devine les économies que cela permet, et l’élargissement des marchés potentiels – en même temps que cela aggrave l’uniformisation d’un monde globalisé.
 

Hommes et femmes s’habillent unisexe

 
Ainsi les grandes marques ont-elles de plus en plus des lignes de produits qui se moquent du sexe, du « genre », de l’âge, de la classe sociale, du métier, de la localisation de leurs clients potentiels. Et même de leurs revenus : Ikea et ses meubles à bas coût visent les riches comme les pauvres.
 
Aujourd’hui, signale Anna Hart, les adolescentes font des économies pour acheter des sacs Vuitton et les quinquagénaires se baladent en Nike. Dès le mois prochain, la chaîne britannique Selfridges mettra un point final à l’organisation de ses grands magasins : il n’y aura plus d’étages dédiés aux hommes ou aux femmes : la campagne « Agender » entrera en vigueur avec des tenues asexuées pour tous.
 
Des grandes marques comme Prada et Robert Clergerie ont déjà leurs collections unisexe, ou plutôt « sans genre » ou, serait-on tenté d’écrire, « transgenre ». Chez Selfridges, on l’explique clairement, fût-ce en jargonnant : il s’agit de « faire disparaître la division de genre binaire traditionnelle ». « L’attitude sans genre dans la mode est de plus en plus “ mainstream ” ; nous voulons enlever les valeurs de genre directives de l’habillement. »
 

Sans genre, le rêve des grandes marques

 
Tous en jogging informe ? C’est ce qu’annonçait Jacques Attali dans sa Brève histoire de l’avenir…
De même pour la musique. Aujourd’hui jeunes et sexagénaires partagent leurs goûts à 60 %…
 
Faut-il en conclure qu’il n’y a plus de tribus ? Il y a encore quelques années, les professeurs se plaignaient de voir leurs élèves se regrouper par affinités, sans manifester le moindre intérêt pour ceux qui ne faisaient pas partie de leur « tribu » clairement démarquée par les choix vestimentaires, les codes, une (non) pensée unifiée. Avec, souvent, une incapacité à avoir des échanges culturels avec leurs aînés.
 

Unification globale : hommes et femmes, riches et pauvres, jeunes et vieux « alignés » par internet

 
Il ne semble pas que les deux tendances soient nécessairement contradictoires. Les messages publicitaires uniformisent, ce qui amène forcément à s’aligner sur un plus petit commun dénominateur commun. La mode joue son rôle prescripteur. Puissament renforcé par internet.
 
Dans le même temps, internet favorise les comportements tribaux en créant une étanchéité de plus en plus grande entre les groupes, qui se retrouvent sur les mêmes sites, les mêmes forums, avec le même type d’information et d’opinions qui le plus souvent ne débordent pas d’une tribu sur l’autre. Mais la manière de s’en servir et d’y accéder, de se plonger de manière croissante dans un monde virtuels d’informations éphémères, crée d’un bout à l’autre du spectre un même type d’« homme nouveau ».
 
Et c’est plutôt inquiétant.