Des études sur la dépendance aux écrans, portables, smartphones et autres tablettes, il en sort tous les ans. Depuis 25 ans. Chaque fois, le constat est le même : le phénomène s’amplifie. La dernière enquête a été réalisée par le réseau santé Morphée, au cours de l’année scolaire 2013-2014, auprès de 776 collégiens d’Île-de-France. Les adolescents ont dit oui à l’esclavage. Même nocturne…
Les adolescents et leur portable
Cette nouvelle étude montre une augmentation du temps d’utilisation des appareils connectés en soirée et la nuit. Les adolescents ont décalé l’heure du coucher. Parmi les 12-14 ans, 73,5 % profitent d’un éveil nocturne spontané pour consulter leur portable, 15 % en profitent pour envoyer un message. Ou encore, un jeune sur deux avoue passer au moins une heure sur un appareil (tablette, ordinateur, téléphone portable) après le dîner. Pire, plus de 10 % des collégiens interrogés programment des réveils nocturnes pour interagir sur leur smartphone…
Les résultats ne se font pas attendre. 58 % de ces adolescents ont du mal à se réveiller tandis que 23% se sentent carrément somnolents en cours. La psychiatre Sylvie Royant-Parola, présidente du réseau santé Morphée, va plus loin : « Nos ados sont des mutants, le sommeil n’est plus un moment isolé où tout s’arrête avant une nouvelle journée ». Le manque de sommeil ainsi généré influe évidemment sur les résultats scolaires et la physiologie des individus, mais aussi sur le métabolisme en favorisant la prise de poids.
Il y a deux ans déjà, une enquête nous disait que 75 % des adolescents ne se séparaient pas de leur portable la nuit et le laissaient, allumé, sous l’oreiller… Aujourd’hui, non seulement ils ne s’en séparent pas, mais ils s’en servent ! L’accès à Internet a majoritairement accentué le phénomène. Fin 2009, un adolescent sur cinq y avait accès sur son mobile. Combien, aujourd’hui, ne l’ont pas ?
L’esclavage des « connectés »
Beaucoup mettent en garde contre cette addiction sociétale, cette cyber-dépendance, ou encore cette « nomophobiev» comme disent les anglo-saxons (« No Mobile Phobia »). Un certain nombre d’adolescents – et de plus grands… – ont un usage si intensif de leurs smartphones qu’ils ne peuvent rester dix minutes sans « vérifier » leurs messageries et surtout leurs réseaux sociaux. L’impossibilité de pouvoir le faire générant un véritable mal-être, voire une souffrance. C’est là qu’ils situent leur nouveau foyer, leurs repères, en dehors, souvent, du groupe familial. Cet attachement outrancier montre la réussite de cette société moderne dont le but reste, depuis plusieurs décennies, de soutirer l’enfant à l’influence de la cellule familiale.
Et les risques sanitaires ? ! On nous rebat les oreilles du tabac et autres scandales à point nommés, mais celui de ces ondes électro-magnétiques dont on mesure à peine tous les effets secondaires ? Malgré des centaines d’études sur cette épineuse question – l’OMS a quand même affirmé, en 2009, que l’utilisation du téléphone portable était « potentiellement » cancérogène – on laisse à ces chères têtes blondes et de plus en plus tôt, ces outils incontournables. Car ils le sont. Qui voudrait, qui pourrait revenir en arrière ? Tout dépend, aujourd’hui, de cette hyper connectivité.
Un professeur l’a bien compris, qui réagissait, il y a quelque temps, à un rapport publié par l’Académie des sciences de Suède, démontrant la nocivité des ondes, pour les adolescents, sur l’ADN des cellules du télé-encéphale et sur le développement neuronal. Dans un gros rapport sciemment intitulé, « Le Cerveau n’est pas tout », le professeur Binneth démontrait avec élégance que la société moderne prêtait une importance exagérée aux capacités intellectuelles et à la santé : « L’obsession de la performance intellectuelle ou de la bonne santé sont une invention des hygiénistes du XIXe siècle, il faut passer le cap, moderniser et réformer notre approche des techniques ». Moderniser en opposant comme unique impératif aux nouveautés techniques : « Est-ce que cela va me donner le sentiment de vivre mieux ? » Assurément. Et l’on obtient un bout de quelques années un bon troupeau d’adultes archi-dépendants aux appareils connectés et à tout ce qu’ils véhiculent.