L’AIIB (Asian Infrastructure Investment Bank) contre la domination des Etats-Unis

AIIB-Asian-Infrastructure-Investment-Bank-contre-domination-Etats-Unis-1
 
Une fronde contre la toute-puissance du dollar redessine la carte de la haute finance et du pouvoir : on commence à parler de l’installation de la nouvelle banque d’investissement à dominante chinoise, l’AIIB (Asian Infrastructure Investment Bank) comme de l’événement qui aura le plus modifié la gouvernance économique globale depuis que celle-ci s’est imposée sous la houlette des Etats-Unis. Leaders incontestés depuis la Seconde Guerre mondiale au moins par la primauté du dollar et par le biais des institutions financières internationales, les Etats-Unis commencent à réagir avec nervosité face aux manœuvres non seulement asiatiques, mais aussi européennes, alors que de nombreux Etats européens se précipitent pour participer à l’initiative chinoise.
 

Le Royaume-Uni, premier à rejoindre l’Asian Infrastructure Investment Bank

 
Le Royaume-Uni aura été le premier grand pays européen à annoncer son propos de devenir membre fondateur de l’AIIB, avec toute la force que donne cette place de premier. L’allié de choix de Washington avait-il osé s’affranchir ainsi d’Oncle Sam ? L’Allemagne, la France et l’Italie n’ont pas tardé à suivre l’exemple, talonnés par le Luxembourg et la Suisse. Au total l’AIIB peut déjà compter sur une trentaine de pays, et l’Australie serait en voie de rejoindre le nouveau « club ».
 

L’Europe rejoint l’AIIB en « oubliant » l’allié américain

 
Vu de loin, rien de tout cela ne semble ni très concerté, ni témoin d’une stratégie précise, mais aussi bien les Etats-Unis que la Chine – ou du moins certains de leurs hauts responsables – veulent interpréter ces décisions comme annonciatrices d’un plan qui pousserait l’Europe dans les bras de l’Asie, tout en l’éloignant de l’allié américain.
 
Ce serait même le signe de la forte volonté politique de l’Europe, où l’euro a résisté – sans trop de surprise et malgré les prédictions – à la crise grecque, puisque l’euro est la pierre angulaire d’un édifice construit pour s’opposer à la prééminence du dollar. Les préoccupations et les intérêts financiers surpassent ainsi tous les autres, y compris les exigences de l’alliance militaire avec les Etats-Unis, vite oubliée quand la haute finance européenne peut s’allier avec les communistes chinois. Une nouvelle « ruée vers l’or » irrésistible, commente le New York Times.
 
Les lignes de fracture restent perméables et les nouveaux grands blocs se dessinent dans le monde la haute finance autour du dollar, de l’euro et du yuan devenu convertible et qui joue un rôle croissant comme monnaie de référence dans les crédits documentaires. Que le Royaume-Uni participe à cette nouvelle donne malgré ses liens très privilégiés avec New York est un fait remarquable en soi : il peut indiquer une dissension réelle, ou alors une manière habile de jouer sur deux tableaux à la fois. S’immiscer dans les affaires du concurrent chinois permet aussi de l’influencer et dans une certaine mesure, de le contrôler.
 

Les Etats-Unis dépassés par les événements s’en prennent au Royaume-Uni qui a rallié l’AIIB

 
Ce n’est pas ainsi que les Etats-Unis comprennent la défection britannique, cependant : une déclaration insolite de la part de la Maison Blanche dénonce de manière indirecte mais réelle l’initiative du Royaume-Uni en invitant celui-ci à utiliser son « influence » sur l’AIIB pour qu’elle respecte des hautes exigences de gouvernance imposées par la Banque mondiale.
 
Cette Chine qui est en quelque sorte maintenue sous tutelle dans les institutions financières dominées par le monde anglo-saxon et japonais : FMI, Banque mondiale et même l’Asian Development Bank.
 
Mais au fond, même s’il est question de devises, d’investissements, d’argent et de rentabilité, ces manœuvres tournent surtout autour du pouvoir.
 

Les pays émergents contre la domination des Etats-Unis

 
L’irritation des pays émergents par rapport à leurs droits décisionnaires au sein du FMI a pu donner de la force au mouvement de promotion de l’AIIB et à la disparition progressive d’un monde dominé par le dollar et un unique bloc financier : « Je crois qu’il peut bien s’agir d’un événement regrettable et qu’il pourrait bien se révéler plus important que nous ne l’imaginons aujourd’hui », a déclaré le sénateur républicain Jeff Sessions de l’Alabama, lors du Forum de Bruxelles, lieu d’un dialogue transatlantique annuel du German Marshall Fund.
 
A qui la faute ? Un responsable de l’administration Obama affirme qu’à force de traîner des pieds pour réformer le FMI afin de prendre en compte les droits des pays émergents notamment, le Congrès américain a « donné à la Chine une occasion de s’affirmer ».
 
Mieux : se dresser contre la haute finance, en créant ses propres structures et sa propre haute finance.