La Californie est régulièrement mise à l’honneur par le biais de ses start-ups devenues des géants mondiaux d’internet tels que Google, Facebook, Twitter ou Snapchat… Il en existe d’autres sur lesquelles la publicité est plus discrète : c’est le cas de la start-up Proteus, pourtant valorisée à 1,2 milliards de dollars.
Cette discrétion est sans doute due à son activité : Proteus Digital développe de minuscules puces électroniques de la taille d’un grain de sable, destinées à être placées dans les médicaments délivrés sur ordonnance. Ces petites puces électroniques sont activées par les sucs gastriques de l’estomac et transmettent alors à votre médecin le nom des médicaments ingérés et l’heure d’ingestion.
Officiellement, les puces électroniques de Proteus sont développées pour le bien du patient
Tout ceci se fait « pour le bien » du patient, bien entendu. Le but officiel de la manœuvre est effectivement de l’aider à mieux se soigner en lui signalant l’oubli d’un médicament, en envoyant directement une nouvelle boîte lorsque la dernière est terminée, en informant le médecin de l’évolution de son état… Il n’est pas encore prévu que la puce électronique déclenche une l’hospitalisation en cas de nécessité, mais ça ne saurait tarder. Pour l’internement d’office, il faudra encore patienter.
Ce scénario de science-fiction est pourtant bien réel ; les puces électroniques du système Proteus ont déjà trois ans et ont été approuvées par les autorités de santé américaines. Elles sont actuellement déployées aux Etats-Unis, et le seront donc bientôt en Europe.
Des puces électroniques de surveillance pour augmenter la vente de médicaments
Derrière les ambitions officielles, on décèle des intentions bien plus difficiles à avouer que livre pourtant le Wall Street Journal. Ce dernier affirme que le but de ces puces électroniques est de « résoudre un problème partagé par les médecins, les compagnies pharmaceutiques, et les assurances santé : les gens ne prennent pas toujours leurs médicaments, ce qui peut entraîner de plus mauvais résultats médicaux, réduire les ventes de médicaments, et augmenter les dépenses de santé… pour prendre des parts de marché, le système Proteus doit prouver qu’il parvient à augmenter le rythme auquel les patients prennent leurs médicaments… »
La vérité est moins reluisante : le système vise en effet à augmenter la consommation de médicaments. Les patients seront toujours libres d’avaler ou non leurs médicaments, certes, mais pour combien de temps ?
Et bientôt une sanction pour le « mauvais » patient qui ne prendra pas ses médicaments ?
Comment ne pas craindre que la prochaine étape soit une sanction financière pour le « mauvais patient » qui ne prendrait pas ses médicaments en nombre, en temps et en heure ? Comment pourraient réagir les autorités si un patient remettait en cause l’efficacité de l’un de ces médicaments ? L’accuserait-on de refuser de se soigner et d’imposer un surcoût élevé à la communauté ?
Avant de conclure, le Wall Street Journal précise que d’autres start-up s’intéressent à cette idée prometteuse : MeadWestvaco Corp et Express Scripts Holding Co… La surveillance du patient s’organise et, à travers elle, la surveillance des hommes. Pourrons-nous y résister ? Rien n’est moins sûr.
Béatrice Romée