Mercredi, le ministre cubain des Affaires étrangères a annoncé la tenue prochaine d’une nouvelle session de pourparlers entre Cuba et les États-Unis sur le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays. Cette rencontre aura lieu le 21 mai à Washington et pourrait conduire à la réouverture des ambassades, à court terme. L’île ne sacrifierait plus tant au communisme ? Les migrants qui traversent avec une force particulière depuis janvier vers les États-Unis, ne semblent pas partager ce point de vue…
Cette nouvelle session est une suite logique aux réunions de janvier et février dans le processus de réchauffement diplomatique en cours depuis le fameux 17 décembre, jour de l’annonce de l’amorce du dégel entre les deux voisins du continent, par les présidents Barack Obama et Raul Castro.
Mais la nomination d’ambassadeurs pour la Havane nécessite une chose : à savoir que Cuba soit retirée de la liste des pays soutenant le terrorisme, liste dont elle fait partie depuis 1982 pour son soutien aux rebelles FARC de Colombie et aux séparatistes basques d’ETA.
La proposition en a été faite par Barack Obama au Congrès qui doit rendre son verdict le 29 mai prochain. Les Républicains pourraient s’opposer à ce retrait, mais Obama userait sans doute alors de son droit de veto. « Après tout, ces 50 dernières années ont montré que l’isolement n’a pas marché. Il est temps d’adopter une nouvelle approche » a-t-il déclaré. Il a également lancé un appel aux législateurs étasuniens afin d’adopter les mesures nécessaires à la levée des sanctions économiques et financières – depuis 1996 et le durcissement de ces sanctions par la loi Helms-Burton, seul le Congrès est habilité à le faire.
Quelques ajustements pour rouvrir les ambassades
Il faudra faire des concessions et ajuster ses façons de faire, exacerbées par des années de lutte politique. Raul Castro a évoqué ces activités illégales comme la formation « de journalistes indépendants, que ce soit à la Sina [Section d’intérêts américaine, qui fait office d’ambassade depuis 1977] ou au domicile de diplomates ». Que tous ces diplomates se comportent désormais selon la convention de Vienne de 1961 !
Néanmoins, le temps sera sûrement long jusqu’à la « normalisation » proprement dite. La Havane exige « l’élimination de l’embargo (en vigueur depuis 1962) et la rétrocession de la base [américaine] de Guantanamo » située dans l’extrême sud-est de l’île, territoire occupé depuis 1903. D’autre part, les ardoises pèsent lourd. Cuba brandit celle des dommages causés, évalués par l’ONU à plus de 100 milliards de dollars. Les États-Unis, celle des propriétés récupérées et des entreprises nationalisées dans les années1960…
Il sera intéressant de voir jusqu’où est prêt à aller le gouvernement Obama pour se rapprocher de cette île communiste qui ne semble plus lui faire peur, pire qui semble le tenter.
Les migrants cubains cherchent à rejoindre les États-Unis avant que leur statut favorable ne disparaisse
A d’autres, en revanche, elle continue de faire peur. Depuis le début de l’année, le nombre de migrants, cherchant à entrer aux États-Unis, a bondi. Sur les trois premiers mois de l’année, 9.371 Cubains sont arrivés sur le sol américain, la plupart à Miami ou via la frontière mexicaine – une hausse de 118 % par rapport à la même période de 2014, d’après les calculs de l’agence des douanes et de la protection des frontières. Et les garde-côtes américains ont intercepté quelque 2.500 migrants depuis le 1er octobre, tentant de traverser sur des embarcations de fortune, les « balseros », les 140 km du détroit de Floride…
La raison ? La probable disparition de leur statut spécial de « réfugié cubain » si le réchauffement diplomatique persiste.
En effet, en vertu du « Cuban Refugee Adjustment Act » de 1966, les Cubains qui parviennent en territoire américain ont le droit de s’y installer et d’obtenir le statut de résident permanent. Un régime migratoire exceptionnel qui ne s’applique qu’à eux seuls, instauré à l’origine pour déstabiliser le pouvoir en permettant la fuite des opposants, ces « combattants de la liberté », pour organiser depuis son sol une contre-révolution à même de renverser le gouvernement communiste.
La « nouvelle approche » d’Obama à l’égard de Cuba… et des autres pays « communisants » ?
Entre 1960 et 1973, 400.000 Cubains se sont exilés vers les États-Unis., dans des conditions très favorables (accès aux soins, bourses, aides au logement etc…). Les années 1980 fragiliseront ces avantageuses conditions, tout en en conservant l’essentiel. Et, malgré la décision américaine de mai 1995 de renvoyer systématiquement vers l’île les « balseros » interceptés en mer, l’exception cubaine a demeuré jusque-là.
Certains se dépêchent donc d’y profiter… Ne s’accommodant décidément pas de l’idéologie communiste qui y règne en bonne place. Obama, lui, tente « une nouvelle approche », une approche conciliante qui devra pour beaucoup à l’évolution du gouvernement américain, copinant de plus en plus avec des pays communistes et post-communistes.