On s’en serait un peu douté… Les musiques préférées des jeunes, les différentes sortes de pop music – les variétés, en bon français ! – sont d’une indigence totale. Au fil des ans, la complexité de leurs parole n’a cessé de décliner et en moyenne, il suffit aujourd’hui d’un niveau de lecture voisin de celui d’un élève de l’école primaire : un élève de 8e, pour être précis. Encore s’agit-il du niveau de lecture actuel : on sait que lui aussi s’est dégradé au fil des ans. Signe de l’abrutissement général ? La perte de vocabulaire est certainement un drame pour la civilisation, les rapports humains et la transmission de la culture ; que les jeunes soient abreuvés de néant dans leurs loisirs, c’est mauvais signe.
L’étude a été menée de la manière la plus sérieuse – même s’il n’avait pas d’autre objectif que de s’amuser un peu – par Andrew Powell-Morse, directeur du marketing de la société de vente en ligne de billets de spectacles SeatSmart. S’il conclut son article en refusant de porter un jugement – « Tout cela montre seulement à quel point la bêtise peut être divertissante », dit-il – on en retire tout de même l’idée que le cercle vicieux est bien installé : les jeunes préfèrent les « œuvres » les plus simples et les marchands de chansons ont intérêt à ce que celles-ci brillent par leur pauvreté lexicale pour obtenir des retours sur investissements.
Pop, R&B, rock : les paroles de la musique « jeune » ne dépasse pas le niveau de l’école primaire
Dans l’entreprise générale d’abrutissement facilitée par les pédagogies qui annihilent l’analyse et le raisonnement, c’est une réalité qu’il faut se garder de minimiser.
Andrew Powell-Morse a utilisé des outils d’évaluation de la difficulté de lecture d’un texte pour passer au crible 225 chansons de variétés qui ont passé au moins trois semaines en tête des hit parades aux Etats-Unis au cours des dix dernières années, dans les catégories pop, country, rock, R&B-et hip-hop. L’étude s’est bornée aux paroles elles-mêmes, sans tenir compte des éventuelles métaphores ni même du sens des mots. Elle s’est intéressée notamment à la longueur, et à la complexité orthographique des mots, en les comparant avec ce qui est attendu des enfants des différents niveaux du primaire.
Il s’avère que le niveau moyen est en chute significative : en 2005-2006, les paroles pouvaient être aisément lues par des élèves déjà bien engagés dans la 8e (CM1), au quart ou à la moitié du cursus ; en 2014, elles s’adressent plutôt aux jeunes en fin de 9e (CE2) : des gamins de 8 ans aux trois quarts de l’année.
Ce n’est d’ailleurs pas la musique la plus écoutée par les jeunes qui remonte le niveau : il apparaît que la country, la plus traditionnelle de ces genres, est aussi la musique qui fait appel au vocabulaire le plus évolué, mais aussi à une certaine richesse grammaticale et syntaxique. La pop et la R&B-hip-hop sont aux antipodes de cela : plus bavardes car plus longues, les chansons en disent moins au bout du compte, ce qui les rend abordables par une génération visuelle, habituée des écrans, des phrases élémentaires et de la parole creuse et rapide. (Précisons que tout n’est pas à sa charge : ces jeunes ne peuvent restituer ce qui ne leur est pas donné…)
Andrew Powell-Morse, directeur de marketing, dresse le portrait d’une génération primaire
Des noms ? Eminem, Mariah Carey ou Adèle sont plutôt au-dessus de la moyenne ; Lady Gaga, KeSha (adaptée aux élèves de CP) ou Beyoncé flirtent (dans tous les sens du terme) avec le bas du tableau.
Et quoi qu’il en soit, aucune des chansons analysées ne dépasse le niveau de la 7e.
C’est d’autant plus inquiétant que bien des jeunes se remplissent la tête avec ces imbécillités écoutées en boucle et de préférence avec des écouteurs qui non seulement les isolent d’un monde de moins en moins intelligible pour eux, mais permettent d’occuper, en concurrence avec TF1, tout leur espace cérébral disponible – au détriment de la pensée. Et nous n’avons abordé ni la morale ni la vision politique et sociale véhiculées par ces chansons.