En dépit de leurs anicroches officielles en Mer de Chine du sud, les États-Unis forment toujours plus l’armée chinoise

États-Unis forment armée chinoise Mer de Chine
 
Étrange politique américaine… Alors que la Mer de Chine du sud est le théâtre de leur animosité respective, que les États-Unis survolent les îlots chinois et accusent Pékin de pirater leurs serveurs, l’armée américaine n’en forme pas moins les troupes chinoises. Paradoxal, mais vrai. Les deux forces armées se sont entraînées, à très haut niveau, au sein du plus grand exercice militaire maritime international, le RIMPAC (Rim of the Pacific Exercise), qui a lieu deux fois par an, sous la direction du Commandement du Pacifique – c’était la première fois, en 2014, que Pékin y participait, sur proposition américaine. Il y a quelques mois, c’étaient ses officiers qui suivaient un cours à l’École de guerre, au pays d’Obama. On ne forme pas à tour de bras ses opposants, sans quelques bonnes raisons. A moins que…
 

RIMPAC : les États-Unis forment l’armée chinoise

 
Et le RIMPAC n’a été qu’une de ces occasions. Depuis plusieurs années, la Chine apprend beaucoup, par l’intermédiaire des États-Unis. Tant sur leurs tactiques, que sur leurs techniques et leurs procédures habituelles ou d’urgence. Depuis 2008, elle participe aux opérations de lutte contre la piraterie sous commandement américain dans l’océan Indien et la coopération s’est renforcée les trois dernières années.
 
Comment soutenir les navires déployés en pleine mer pendant une longue période, comment organiser le temps libre des marins lors des escales en pays étrangers… L’armée chinoise est l’élève et apprend sagement – grâce à l’US Navy, elle a même enfin compris que les contacts téléphoniques familiaux amélioraient le moral des troupes…
 
Elle apprend à détruire les armes chimiques, explore subrepticement les tactiques de guerre anti-sous-marins des forces américaines. Et n’oublie pas d’en profiter de façon moins officielle : l’été dernier, elle avait dépêché, pendant les opération du RIMPAC, près des îles Hawaï, un navire espion dédié à la collecte de renseignements…
 

L’armée chinoise au fait

 
Les navires chinois visitent désormais de manière régulière Djibouti, la plus grande base militaire américaine permanente en Afrique. L’armée chinoise y apprend le fonctionnement et l’organisation de cette force de frappe. Elle a adopté aujourd’hui le réseau de communication européen MERCURY qui permet aux marines de partager des données en temps réel sur des navires poursuivis : la Chine peut ainsi comprendre comment les alliés de l’OTAN coordonnent leurs efforts à chaque étape de l’engagement.
 
En février dernier, 29 officiers de la marine de guerre chinois ont même été conviés aux États-Unis, à l’Académie navale et à l’École de guerre où ils ont participé à une formation sur les rencontres imprévues en mer. La Chine sait désormais comment les États-Unis répondront à une provocation – de leur part ?!
 

La Mer de Chine du sud : un nœud de vipères ?

 
Cette politique entre militaires, « mil-mil » disent les américains, n’est pas du goût de tout le monde. L’amiral à la retraite, James Lyons, a déclaré : « La nature des régimes a son importance. Nous aidons dorénavant un état irréductiblement agressif, à développer son armée – à nos risques et périls. Il y a quelque chose de très faux dans l’administration Obama et les politiques chinoises du Pentagone »…
 
D’ailleurs, tout semble aller, officiellement, contre cette coopération de formation. La direction de l’armée américaine intensifie son niveau de confrontation dans la mer de Chine du Sud dont Pékin revendique 90 % de la surface et où elle assèche et aménage de multiples récifs et îlots afin d’y installer des infrastructures – qui ne sont pas apriori de loisir. Il y a quelques mois, le journal chinois Global Times estimait qu’une guerre était « inévitable » si Washington ne renonçait pas à exiger que Pékin arrête de bâtir dans ce secteur.
 
Début juillet, la nouvelle « stratégie militaire nationale » publiée par le Pentagone mentionnait quatre États, parmi lesquels la Chine, susceptibles de « menacer les intérêts de sécurité » des États-Unis. Ces derniers tiennent à maintenir leur présence dans la région, le secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter, l’a réaffirmé. Et même, apparemment, en dépit de la Chine : dans quelques jours, les États-Unis rencontrent l’Inde et le Japon pour décider de leurs exercices navals annuels, l’opération « Malabar », dans l’Océan Indien, lieu de passage de la majorité des hydrocarbures chinois – ce qui n’est pas censé beaucoup plaire à Pékin.
 
Mais qu’on se le dise, quand bien même certains croient voir clair en une guerre définie entre la Chine et les États-Unis, les relations « mil-mil » ne se portent décidément pas si mal. Dans quelque but que ce soit, le gouvernement Obama soigne l’interopérabilité.
 

Clémentine Jallais