Le Global Times, source contrôlée par le gouvernement communiste chinois, a publié cette semaine un reportage sur les moines du Tibet, potentiels fauteurs de troubles qu’il faut « éduquer à la citoyenneté ». Leur endoctrinement se fait aujourd’hui par intervention directe aussi bien dans les couvents masculins que féminins, où des représentants officiels du gouvernement séjournent en permanence, prenant part, éventuellement de manière majoritaire, dans les conseils de direction de ces institutions parfois fort anciennes. Le contrôle va jusqu’à l’installation de postes de police dans l’enceinte des couvents, dès lors qu’elles comptent au moins 100 « religieux ». L’objectif est de casser dans l’œuf toute velléité de séparatisme.
Que le bouddhisme puisse être violent – contrairement aux idées reçues – n’est pas une surprise. Les chrétiens missionnaires dans les pays orientaux ont payé de leur vie leur fidélité et leur désir d’amener leurs peuples à la vraie foi. Dans le cas du Tibet contemporain, sous la coupe du communisme chinois, les révoltes menées par les moines bouddhistes n’ont pas manqué, d’autant qu’il leur est interdit de vénérer celui qu’ils considèrent comme leur divin chef spirituel, le Dalaï Lama. L’article du Global Times s’ouvre d’ailleurs sur le souvenir des 19 morts et 382 blessés à la suite du soulèvement séparatiste de 300 moines en mars 2015.
Des fonctionnaires du gouvernement chinois installés dans les monastères tibétains pour les contrôler
Depuis lors, les contrôles se sont intensifiés – pour le plus grand bonheur de tous, s’il faut en croire le quotidien communiste. Dans un premier temps, les trois sites historiques de Lhasa ont été fermés aux touristes, comme le monastère Drepung, qui a dû cesser toute activité pendant cinq mois – avec un gros manque à gagner à la clef.
Privés de ressources, les monastères se sont en quelque sorte soumis, suggère le Global Times. Un programme d’« amélioration des conditions de vie et d’éducation patriotique » a été mis en place, avec deux cours d’endoctrinement hebdomadaire que les moines sont obligés de suivre, tandis que les établissements de plus de 20 moines ou nonnes doivent obligatoirement compter des fonctionnaires désignés par le gouvernement dans leur conseil de direction. C’est le cas à Drepung, où celui-ci compte 13 fonctionnaires pour 12 moines bouddhistes, le directeur étant bien sûr désigné par le pouvoir.
Les fonctionnaires racontent qu’ils ont peu à peu gagné la confiance des moines qui n’hésitent plus, désormais, à se tourner vers eux pour obtenir des aides financières ou des soins ; à Drepung, le gouvernement s’est chargé de rénover une partie des bâtiments, d’améliorer la voirie d’accès, l’acheminement de l’eau et de l’électricité : « Aujourd’hui, tous les moines ont accès à la télévision, au téléphone et à Internet », se félicite le Global Times.
L’endoctrinement contre le séparatisme passe par la soumission matérielle des moines
L’un des moines reconnaît de manière candide&nbps;: « Regarder la télévision, spécialement les programmes d’information nationale, peut empêcher les moines de croire les histoires répandues par les séparatistes. »
A quoi s’ajoute la mise en place d’un programme d’endoctrinement direct au sein des monastères : les cours d’éducation patriotique visent à développer la « conscience nationale », la « conscience civique » et la « conscience légale » des moines afin de combattre les tentations de séparatisme. Les cours insistent sur les moines du passé qui ont prêché l’harmonie, la solidarité ethnique en accord avec la « pensée majoritaire ». Pro-chinoise… La frontière est clairement tracée entre ce qu’ils ont le droit de croire en leur for intérieur et ce qu’ils doivent professer pour être en accord avec les lois chinoises.
Il y va de leur prospérité… Comme l’explique Norbu, chef du comité de direction de Drepung : « Les moines peuvent évaluer les avantages et les inconvénients liés à l’agitation qu’ils pourraient avoir envie de créer, en considérant que les revenus de Drepung, principalement constitués de ventes de tickets d’entrée et de dons, se sont effondrés après que certains moines eurent participé aux émeutes de 2008. »
Tenus par l’argent ? Cela jette une lumière nouvelle sur la vie des moines tibétains – vue cependant à travers le prisme du gouvernement chinois. Tout ce que raconte le Global Times est en soi-même de la propagande…
Ce que l’on comprend surtout, c’est que les modes de la domination communiste sur ces « religieux » ne sont pas si différents de la propagande laïciste que l’on observe en Occident, et particulièrement en France, non pas directement au sein des communautés religieuses qui gardent leur liberté mais dans l’endoctrinement médiatique et scolaire, qui vise avant tout à promouvoir la « citoyenneté ».