On voit régulièrement dans la presse dite d’« extrême droite » des accusations contre les Etats-Unis à propos du financement des migrations massives actuelles vers l’Europe. Ce serait là une « géostratégie » pleinement assumée par les Etats-Unis, au service de leur « impérialisme », aux dires de Vladimir Poutine lui-même qui déclarait cela à la Radio Television Suisse fin juillet. Et voilà la Russie de nouveau présentée comme un rempart : contre l’idéologie du genre, l’islamisation de l’Europe, le Nouvel Ordre mondial imposé par les Etats-Unis… Pourtant, une lecture plus froide de la crise des migrants suscite de nombreuses questions à leur sujet.
Le premier point, et peut-être le plus important, vient d’un simple constat de la réalité. Si les pays de l’Union européenne sont aujourd’hui sous une pression migratoire que rien ne semble pouvoir contenir – alors même que les décisions à prendre sont simples dans leur principe – elle n’est pas seule à subir des milliers et des centaines de milliers d’entrées de personnes étrangères à sa culture dont le nombre à lui seul rend si difficile l’assimilation, et même, aujourd’hui, l’intégration si on entend par celle-ci l’installation de communautés d’origine étrangère qui gardent une bonne part de leur identité.
Les Etats-Unis comme l’Europe ont leur crise des migrants
Il est exact que le pouvoir politique des pays de l’UE, pas plus que l’Union européenne elle-même, ne prône les mesures indispensables, et qu’Obama est le premier à encourager l’Europe à se montrer accueillante, quitte à « prendre » aux Etats-Unis quelques milliers de Syriens supplémentaires. Si on commençait par mettre fin à la batterie de mesures sociales qui viennent en aide aux personnes entrant clandestinement dans ces pays et qui sont à ce titre des délinquants, et à cesser de proclamer que les migrants sont les bienvenus, l’information circulerait vite et efficacement vers les pays d’émigration économique. Les vrais réfugiés y auraient tout intérêt.
Mais il n’est pas moins vrai que les Etats-Unis eux-mêmes se trouvent face à un dramatique problème de l’immigration clandestine. Les débats, interminables, sur ces populations considérables, tournent autour de leur régularisation. En attendant, on les compte par millions, dans un pays qui a moins d’habitants que l’ensemble des pays de l’UE, et ils sont eux aussi bien éloignés de la culture américaine.
Certes beaucoup de ces immigrés clandestins, pour la plupart économiques, partagent avec les Etats-Unis une culture chrétienne, et ils ne font que s’ajouter dans le melting pot qui en a fait une nation populeuse et riche. Mais même les arrivants d’Amérique centrale et d’Amérique latine sont en premier lieu des déracinés. Qui imposent leur langue et leur style de vie.
Mêmes opérations de déstabilisation contre les Etats-Unis
De plus en plus, les immigrés qui posent leurs valises aux Etats-Unis viennent d’ailleurs : l’immigration chinoise et asiatique est en plein essor et les Etats-Unis connaissent eux aussi les problèmes culturels associés à l’arrivée massive de personnes d’horizons religieux différents. Le politiquement correct fait le reste, en affirmant, là-bas comme en Europe, que les religions se valent et qu’affirmer la « supériorité » d’une culture sur une autre constitue une discrimination.
Au fond, c’est un même profil, un même modèle qui se répète : la population d’origine, plus ou moins oublieuse de ses traditions et de sa foi (chrétienne d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique) se trouve confrontée la présence massive de gens différents qui rendent la rupture plus radicale encore.
Quels sont les pays qui restent préservés par rapport à ces mouvements de population ? La Chine… La Russie… L’ex-URSS a certes ses Républiques islamiques avec lesquelles la Russie a rétabli ses liens pour retrouver à près sa configuration d’avant la chute du communisme. Chute toute relative qui a permis aux chrétiens de ne plus être persécutés pour leur foi et aux Russes de renouer avec leur histoire, ce qui n’est pas rien, mais qui laisse en place bien des mécanismes de l’époque soviétique.
Bref, le bloc communiste reste préservé de ces migrations déstabilisantes qui ont pour cause le saccage des frontières et pour effet – malgré les murs qu’on érige ici ou là – d’abattre aussi les frontières dans les esprits, d’opérer le grand mélange des races et des religions. Solve et coagula, dit le principe maçonnique : comment ne pas le voir dans cette opération d’unification mondiale par le mélange des peuples et des cultures ?
L’opération consiste à abolir les frontières et les peuples
L’ex-URSS et la Chine, pourtant confrontées toutes deux à divers degrés à l’hiver démographique, sans être évidemment totalement à l’abri du problème, affichent une bien plus grande cohérence nationale et préservent leur identité, ce qui leur donne une belle longueur d’avance sur les nations occidentales.
A qui profite la crise des migrants ? Certainement pas à l’Europe, mais pas non plus aux Etats-Unis qui ont leurs propres innombrables poches d’instabilité dont les récentes émeutes urbaines ont largement rappelé l’existence.
La Russie – avec Poutine qui lance ses accusations – a finalement le loisir de voir le spectacle se dérouler et d’en attendre les éventuels dividendes, s’offrant en outre la possibilité de se poser en sauveur de l’Occident. A géostratégie, géostratégie et demi…
Religions et cultures se valent partout – mais la Chine et la Russie conservent les leurs
La vraie question est de savoir quelles sont les forces en jeu, et qui les actionne. Les grandes lignes de force que l’on devine ou que l’on voit sont multiples ; elles peuvent être communes, contradictoires ou hostiles les unes aux autres. En vrac : l’extrême gauche « extrêmement » présent en Amérique latine, appuyée sur les pays émergents asiatiques ouvertement ou plus discrètement communistes. Le mondialisme qui pousse vers la constitution de grands ensembles régionaux contre les intérêts de nations, Etats-Unis compris : on pense aux grandes zones de libre-échange et à la création d’unions sur le modèle de l’UE, dans laquelle la Russie elle-même est impliquée à travers l’Union eurasienne. L’islam, qui a sa propre dynamique totalitaire et qui peut être au service d’autres forces ou penser les utiliser à son gré. La haute finance toujours, mais aujourd’hui contestée et mise à l’amende par les grandes institutions mondialistes. Eh oui, il ne faut pas oublier l’ONU et sa force de frappe… Et pour « lier » le tout à la manière d’une sauce idéologique, la « protection de l’environnement », une dynamique où l’Eglise elle-même se laisse prendre.
Parler des Etats-Unis comme seuls et principaux responsables de cet état de fait alors qu’ils en subissent les lourdes conséquences témoigne d’un aveuglement réel, à vrai dire largement encouragé par nombre de médias dits « alternatifs » qui laissent volontiers une partie du tableau à l’ombre.
Voir la « droite » européenne s’aligner aussi candidement sur le « sauveur » russe est plus inquiétant encore.