En Chine, un rédacteur en chef exclu pour avoir médit de la politique du Parti dans le Xinjiang musulman

Chine rédacteur chef exclu Parti Xinjiang musulman Zhao Xinwei
 
Il avait pourtant des titres, mais en Chine, on ne badine pas avec « la ligne ». Secrétaire du Comité du Parti, rédacteur en chef et sous-directeur du Xinjiang Daily, Zhao Xinwei vient d’être démis de ses fonctions et exclu du Parti communiste pour avoir proféré des opinions divergentes quant à la politique anti-musulmane du gouvernement dans cette région du Xinjiang.
 
Alors que le libéralisme économique y bat son plein – ou presque –, que le yuan est sur le point, selon le FMI, de rentrer dans son panier de monnaies de réserves, que le pays veut afficher plus que jamais sa mutation écologique et son engagement auprès des grandes puissances mondiales, le totalitarisme communiste n’en finit pas de resserrer son étreinte…
 

Zhao Xinwei, rédacteur en chef exclu pour avoir parlé « incorrectement »

 
Selon l’agence officielle Chine Nouvelle, Zhao Xinwei aurait « gravement contrevenu au règlement du Parti », en discutant « incorrectement » de la stratégie gouvernementale dans la violence qui a dévasté cette région occidentale chinoise. Il est coupable « d’avoir intentionnellement pris des décisions contraires aux orientations pour le travail de la presse dans la Région autonome du Xinjiang », alors qu’il fallait précisément « accorder ses paroles et ses actes à la politique du Parti »…
 
Parallèlement, l’ancien rédacteur en chef est aussi accusé d’abus de pouvoir et de malversations économiques – pots de vin et gaspillages d’argent public.
 
Cette deuxième accusation est systématiquement utilisée – car tout le pays fonctionne de cette façon. C’est à la première raison qu’il faut s’intéresser.
 

La politique du Parti contre « le terrorisme » musulman dans le Xinjiang

 
Dans les faits – qui ne sont pas rappelés par les organes officiels – Zhao Xinwei s’est précisément interrogé sur la manipulation opérée par le Parti communiste contre la minorité ouïghoure musulmane du nord-ouest du pays. En effet, depuis 2009, de violentes tensions opposent dans le Xinjiang les Hans, peuple chinois historique à cette population turcophone devenue majoritaire dans la région et sujette à une exclusion sociale et économique.
 
Qui dit protestation, dit dissidence pour le Parti. En mai 2014, après une série d’attaques meurtrières de la communauté musulmane, Pékin avait lancé une « guerre du peuple contre le terrorisme ». En juin dernier, elle interdisait d’y pratiquer librement le jeûne pendant la période du ramadan.
 
Cette politique est à mettre en regard de la répression qui s’abat depuis plusieurs années sur les paroisses catholiques et les églises chrétiennes : rien au-dessus du Parti. Et si violence on lui oppose, violence plus grande il montrera…
 
Zhao Xinwei n’a pas été la seule victime de cet impératif totalitaire. D’autres, comme l’ancien secrétaire du parti du Bureau de secours de la pauvreté de la région autonome ouïghoure du Xinjiang, ont été également mis en examen pour « violations graves » disciplinaires. L’universitaire respecté, Ilham Tohti, qui avait osé élever la voix en septembre sur le sujet, s’est vu emprisonné à vie pour « incitation au séparatisme »…
 

Dans la droite ligne des évolutions « modernes » du Parti Communiste en Chine

 
L’étau totalitaire se resserre. Les nouvelles directives du Parti, officialisées le 22 octobre dernier, qui sous-tendent ce limogeage en règle, sont là pour le prouver. Elles ont établi deux ensembles de règles, l’un sur la gouvernance propre, applicable pour la première fois à tous les membres du PCC et une autre sur les sanctions pour ceux qui enfreignent le code de conduite du Parti.
 
Outre l’interdiction de se saouler, de jouer au golf ou « d’avoir des relations sexuelles inappropriées avec les autres » (sic), il est devenu strictement interdit de « faire des commentaires sans fondement sur les politiques nationales ». Est ainsi visé tout ce qui est « préjudiciable à l’unité du Parti », donc toute critique, toute diffamation étatique, toute « déformation » historique.
 
Leurs promoteurs y voient « une étape importante dans la bataille du Parti contre la corruption ». Dirons-nous, plutôt, contre la dissidence… Le directeur du Département de lois à la Commission, a eu un grand mot : il a déclaré qu’un membre qui agit contre le Parti « perturbe gravement les pensées des gens »… Ils pourraient se mettre à penser par eux-mêmes !
 
Cette évolution est caractéristique de la présidence de Xi Jinping que d’aucuns qualifient de « leader chinois le plus puissant depuis Mao ». Depuis sa prise de pouvoir en novembre 2012, tout adversaire ou simple modérateur du Parti se voit écarté – et manu militari.
 

Clémentine Jallais