Après l’avion – et quelques autres incidents… – le bateau. Dimanche, un destroyer de l’armée russe a évité de justesse un bateau de pêche turc dans la mer Egée. L’incident, qui aurait pu n’être qu’anecdotique, a été perçu, dans le climat de tension actuel, comme un nouveau signe de provocation. Et a déclenché, de part et d’autre, de nouvelles déclarations où le simple ressentiment cèle mal l’envie d’en découdre…
L’incident s’est déroulé le 13 décembre, au large de l’île grecque de Lemnos, c’est-à-dire au nord de la mer Egée. Un bateau de pêche turc se trouvait à moins de 500 mètres d’un bâtiment militaire russe. Celui-ci a tenté de contacter les pilotes du bateau turc afin d’éviter une collision. Silence radio. Aussi le comandant du navire russe a-t-il finalement effectué des tirs de sommation, afin de prévenir son vis-à-vis, la distance étant cependant suffisamment grande, précise-t-on à Moscou, pour qu’il n’y ait aucun risque.
Nouveau signe de tension en mer Egée
Incident banal ? Peut-être. Mais dans l’état de tension actuel, chacun veut y voir une mauvaise manière, une provocation de la part de l’autre. La Russie a donc immédiatement convoqué l’attaché militaire turc en poste à Moscou. De son côté, le ministre turc des Affaires étrangères a déclaré vouloir d’abord s’entretenir avec les propriétaires du bateau, afin de savoir ce qui s’était réellement passé, et indiqué vouloir régler cette affaire par le dialogue.
Mais est-ce encore le temps du dialogue, quand, à Moscou comme à Ankara, on estime que la responsabilité est entière en face, et on exige, en quelque sorte, que l’autre s’amende ?
On notera d’ailleurs que l’état-major de l’armée turque a interdit ce même dimanche au personnel militaire de se rendre en Russie, que ce soit pour des raisons privées ou pour des vacances, et ce jusqu’à nouvel ordre, « par mesure de précaution »… Le dialogue dont se prévaut le ministre semble n’est plus, aujourd’hui, qu’un vœu pieu.
D’ailleurs, le commandant du chalutier turc accuse la Russie de mensonge, affirmant même qu’il n’y a eu aucun tir de la part du destroyer. « Nous sommes passés à moins d’un mille d’un navire de guerre qui était au mouillage, ajoute-t-il. Nous ne savions même pas que c’était un navire russe, nous pensions que c’était un navire de l’OTAN. »
Qui croire de la Russie ou de la Turquie ?
On peut envisager de douter de la sincérité russe – avec prudence, Moscou semblant prête à l’asséner avec des arguments frappants, même si pour l’heure, elle se contente de dénoncer des « actions provocatrices ». Mais il paraît délicat d’accorder un blanc-seing à la Turquie au seul motif qu’elle serait notre allié, et que nous sommes en train de signer des accords avec elle – accords qu’elle semble d’ailleurs ne vouloir observer qu’a minima…
Le temps du dialogue affirmé par Mevlüt Cavusoglu, le ministre turc des Affaires étrangères, pourrait donc n’avoir qu’une durée très courte, et être même déjà passé, si l’on en juge par les propos tenus de part et d’autre. Lui-même avait d’ailleurs prévenu que la patience d’Ankara avait « des limites »…