La récente tuerie de San Bernardino en Californie perpétrée par un couple de jeunes mariés radicalisés, entrés sans encombre aux Etats-Unis, permet de lever le voile sur une pratique « secrète » du Département de la sécurité intérieure (DHS), aux conséquences désastreuses. Dans un reportage de la chaîne télévisée ABC, John Cohen, ancien sous-secrétaire au DHS, révèle que les agents d’immigration avaient interdiction d’utiliser les publications sur Internet des candidats à l’immigration aux Etats-Unis au nom des libertés civiles.
Au début de l’année 2014, le DHS avait refusé de mettre un terme à cette pratique, craignant la mauvaise publicité pour l’administration Obama qu’entraînerait un coup d’arrêt officiellement proclamé. Jeh Johson, secrétaire à la Sécurité intérieure, avait alors répété sa volonté de ne pas porter atteinte aux libertés civiles des demandeurs de visa.
Le Département de la sécurité intérieure des Etats-Unis soucieux de la vie privée des demandeurs de visa ?
Durant les neuf premiers mois de l’année 2014, les agents des services d’immigration n’ont donc pas eu le droit d’effectuer des recherches sur les activités Internet des demandeurs de visa, alors que leur filtrage aurait pu révéler bien des penchants pour la violence, des sympathies pour des groupe terroristes, voire un activisme djihadiste avéré.
Tashfeen Malik, la jeune femme pakistanaise co-auteur de l’attentat de San Bernardino qui a fait 14 victimes aurait ainsi pu être refusée sur le territoire américain au lieu de se voir accorder un visa en tant que fiancée. Les trois étapes de vérification de son passé – passage au crible de son identité et de ses empreintes par les fichiers de sécurité intérieure, entretiens personnels avec les autorités consulaires, puis avec les services d’immigration aux Etats-Unis –n’ont pas permis de relever son activisme pro-djihad sur les réseaux sociaux.
La surveillance des réseaux sociaux aurait pu éviter la tuerie de San Bernardino
John Cohen avait pourtant tiré la sonnette d’alarme, insistant sur la nécessité de surveiller plus intensément l’activité des demandeurs de visa sur les réseaux sociaux. Ses supérieurs craignaient l’impact négatif sur l’opinion de cette pratique si elle venait à être rendue publique. Depuis l’affaire Snowden qui a dévoilé au grand jour les activités de surveillance de la NSA, le DHS est resté sur ses gardes – paraît-il – en arguant du risque d’atteinte à la vie privée.
Certains assurent aussi que, même si les agents de l’immigration avaient eu le droit de surveiller les réseaux sociaux, Tashfeen Malik n’aurait pu être détectée suspecte de passer à l’acte terroriste dans la mesure où elle utilisait un pseudonyme. Quoi qu’il en soit, elle reçut son visa en mai 2014.
Les Etats-Unis respectent-ils vraiment à ce point la vie privée ?
La porte-parole du DHS, Marsha Catron, a déclaré que, depuis l’automne 2014, le DHS utilise trois programmes-pilotes qui surveillent l’activité des demandeurs de visa sur les réseaux sociaux. Toutefois, cette démarche resterait sans grande envergure selon les dires de certains agents. Le DHS est davantage soucieux de respecter la loi à lettre pour ne pas enfreindre les droits et les libertés civiles de tout un chacun, selon les déclarations de Marsha Catron.
Faut-il vraiment croire que les services américains sont à ce point soucieux de la vie privée, ou s’agit-il de justifier de nouveaux droits de surveillance à venir ?