Les magistrats du Tribunal pénal international (TPI) pour l’ex-Yougoslavie ont acquitté jeudi le Serbe Vojislav Seselj, généralement qualifié par les media d’ultranationaliste, de tous les chefs d’accusation – et notamment des crimes de guerre et crimes contre l’humanité – qui le visaient.
Les procureurs du Tribunal de La Haye l’accusaient d’avoir lancé, dans les années 1990, des incitations au meurtre et à la persécution durant les guerres qui ont ensanglanté l’ex-Yougoslavie.
Vojislav Seselj acquitté par le Tribunal pénal international
« Avec l’acquittement pour l’ensemble des neuf chefs d’inculpation figurant dans l’acte d’accusation, le mandat d’arrêt délivré par la cour d’appel est caduc », a déclaré le président du tribunal, le juge Jean-Claude Antonetti. « Vojislav Seselj est désormais un homme libre », a-t-il conclu.
Cet arrêt est loin de faire l’unanimité. Le tout nouveau premier ministre croate, Tihomir Oreskovic, a ainsi dénoncé une décision honteuse et une défaite pour le Tribunal pénal international : « Ce verdict est une honte. C’est une défaite pour le tribunal et les procureurs de La Haye. »
Une déclaration qui est censée avoir d’autant plus de force qu’elle a été tenue à l’occasion d’une visite à Vukovar, ville croate assiégée en 1991 par les forces serbes.
A Zagreb, le ministère de l’Intérieur a annoncé peu après l’annonce de ce verdict que Vojislav Seselj était déclaré persona non grata en Croatie, et ce de manière permanente, car il représente « une menace pour l’ordre public ».
Le Serbe ne sera pas le bienvenu en Croatie
La population n’est pas en reste pour manifester son incompréhension. « Cet acquittement me laisse sans voix », déclare ainsi Vesna Bosanac, qui dirigeait un hôpital de Vukovar au moment du siège. « Mais le jugement de Dieu l’attend… », ajoute-t-elle. Comme nous tous…
L’arrêt rendu n’a d’ailleurs pas fait l’unanimité au sein du Tribunal pénal international lui-même, puisque le juge italien Flavia Lattanzi, l’un des trois présidents de la chambre, a accusé Seselj et ses partisans d’avoir, aux abords du tribunal, effectué des manœuvres d’intimidation contre les témoins à charge.
On peut comprendre ces diverses réactions. Vojislav Seselj, qui était à l’époque un proche de l’ancien président serbe Slobodan Milosevic, et à la tête du Parti radical serbe, la plus importante formation politique représentée au Parlement de Serbie, et qui a commandé des milices lors du conflit, sur les territoires des actuelles Croatie et en Bosnie, n’est sans doute pas un petit saint.
Parmi ce qui lui était reproché, l’accusation rappelait notamment que, lors du siège de Vukovar, il avait lancé un mot d’ordre pour qu’aucun oustachi ne quitte vivant la ville. Le Tribunal a paru prendre ces propos à la légère, affirmant que de tels propos ne relevaient pas de l’incitation au meurtre, mais plutôt d’un discours de propagande « visant à relever le moral des troupes », selon le juge Jean-Claude Antonetti.
Vojislav Seselj lui-même ne s’attendait pas au verdict du TPI…
Quoi qu’il en soit, personne ne s’attendait à un tel verdict. D’autant que, atteint d’un cancer du foie, sa libération en novembre 2014 pour raison de son état de santé, avait été déjà assez mal perçue. Vojislav Seselj n’y croyait pas qui avait prévenu qu’il ne regagnerait pas La Haye pour entendre la décision des juges.
Si l’on comprend les diverses réactions que provoque l’acquittement de Vojislav Seselj, on ne peut néanmoins dire que ce Tribunal ait jamais été complaisant avec les anciens dirigeants serbes. Si aujourd’hui donc il affirme qu’il n’est pas possible de prouver qu’il ait eu quelque responsabilité directe dans ce qu’on appelle le « nettoyage ethnique », il faut bien admettre qu’il n’y a pas lieu de le condamner…