Le secrétaire d’Etat à l’Education des Pays-Bas, Sander Dekker, vient de prendre la décision de refuser de financer une école islamique secondaire qui devait prochainement ouvrir ses portes à Amsterdam. Le ministère a argué du risque islamiste posé par son équipe dirigeante. Un tel refus de fonds publics constitue une première aux Pays-Bas, où règne le principe de la liberté de l’enseignement et (en théorie du moins) une vraie subsidiarité de l’État, qui accorde des subventions légales à tout groupe de parents désireux de créer une école, confessionnelle ou non, et qui participe ensuite largement au financement du fonctionnement des établissements. Les écoles publiques existent pour les parents qui n’auraient pas fait le choix d’une école privée.
Le système bénéficie évidemment aux musulmans comme aux protestants, aux catholiques, ou autres, et l’État n’exerce pas de contrôle direct sur les programmes d’enseignement – même si la pression de la pensée unique est sans doute plus lourde aux Pays-Bas qu’en France.
Le refus de fonds publics à une école islamique au nom de la « citoyenneté »
Dans le cadre de l’affaire Stichting Islamitisch Onderwijs Amsterdam (SIO), l’association éducative qui demandait l’aide de l’Etat pour son projet, le secrétaire d’Etat a justifié sa décision de refus dans une lettre à la Chambre, mettant en cause des déclarations « radicales » d’un des dirigeants. Elles avaient déclenché une enquête de l’inspection de l’Education qui a abouti à la conclusion que les inquiétudes persistaient, d’autant que l’association SIO refusait de répondre à des demandes de justification de sa capacité à remplir sa tâche éducative conformément à la loi.
L’accord pour la création d’une nouvelle école islamique à Amsterdam date de 2011 : à l’époque, le projet paraissait conforme aux exigences légales, rappelle la lettre de Sander Dekker. Mais en juin 2014, un dénommé Khoulani, membre du conseil d’administration, appelé publiquement au soutien à l’État islamique.
Commentaire du ministre : « Il n’est pas acceptable à mon sens qu’un dirigeant d’une école, fût-ce une école en voie de création, fasse de telles déclarations, ni que la direction s’abstienne de s’en désolidariser aussitôt et publiquement. L’école est un endroit où les jeunes se rencontrent et où règne la citoyenneté. En dernière analyse, la citoyenneté concerne les valeurs essentielles qui sont au fondement de notre société démocratique. »
Aux Pays-Bas, la liberté scolaire s’arrête devant la radicalisation islamique
Dekker souligne que de collègues de M. Khoulani ont attendu la fin août pour se distancier, par lettre privée à son intention, de « ses conceptions ». Le responsable devait quitter la direction au mois de septembre, mais le ministre souligne qu’il n’est pas parti à la demande de l’équipe dirigeante.
L’enquête subséquente devait convaincre Sander Dekker que l’école projetée ne serait pas en mesure de fournir un enseignement « conforme à l’état de droit démocratique néerlandais ». Sur la même période, la direction de l’école a formellement refusé de coopérer, indiquant encore au mois de février dernier qu’à son sens, l’inspection était illégale.
De tout cela, le ministre a conclu que l’équipe de créations de l’école n’était pas en mesure de répondre aux exigences légales pour pouvoir bénéficier d’un financement public, ni même de pouvoir bénéficier du statut de communauté éducative nécessaire pour ouvrir une école.
Au nombre de ces obligations, souligne la lettre, figure « la promotion de la citoyenneté active et de l’intégration sociale ». Elle estime qu’en l’absence de réaction immédiate et publique aux propos d’un dirigeant, même s’il a quitté l’équipe, rien ne permet d’assurer que les futurs élèves soient à l’abri de la diffusion d’une telle idéologie. « L’école doit fournir un environnement où les élèves apprennent les valeurs fondamentales de notre État de droit démocratique et la manière dont ils peuvent y fonctionner. Cela n’est possible que dans un environnement à l’abri de la violence, de l’idéologie extrémiste et de l’intolérance. SIO (…) n’a pas apporté la preuve d’en être capable, ni même d’en être désireux. »
Une nouvelle école musulmane néerlandaise interdite de création
Pour Sander Dekker, cette décision est une première, et il précise que « de manière habituelle » il ne « s’immisce pas dans cette phase de création d’une nouvelle école ». Le refus de fonds est donc présenté comme une mesure exceptionnelle : « La liberté de l’enseignement est un grand bien, mais ce n’est pas un blanc-seing en faveur d’un enseignement opposé aux valeurs de notre État de droit démocratique. »
Cette décision intervient alors qu’un projet de loi gouvernemental propose de faciliter au contraire l’ouverture de nouvelles écoles sous le titre « davantage de place pour les nouvelles écoles » – en augmentant les procédures de contrôle préalable, notamment sur la « citoyenneté ». « Hélas, cette place n’existe pas encore aujourd’hui. Cela doit changer, afin que je puisse intervenir plutôt que ce n’est le cas aujourd’hui » : on voit que la liberté reste relative.
Tant mieux, dira-t-on, si c’est pour empêcher des islamistes de prêcher la terreur. Il s’agit là de faits objectivement graves. Le risque existe pourtant de voir la dimension idéologique de promotion du relativisme maçonnique s’installer en lieu et place d’un contrôle de véritable moralité.
Comme un paradoxe ne vient jamais seul, le ministre a annoncé par la même occasion l’agrément d’une école secondaire à La Haye, dont le président se trouve être également celui de l’école rejetée d’Amsterdam. Il faut dire que l’école de La Haye a choisi de s’appeler De Ozonlaag (« la couche d’ozone ») et qu’elle affiche des convictions à la fois islamiques et hindouistes. Un syncrétisme des plus citoyens !