L’ancien premier ministre travailliste Tony Blair publie dans The Telegraph une chronique visant à faire peur pour appeler les Britanniques à l’union et dessine un portrait robot de l’homme qui devra mener les négociations sur le Brexit: une expérience d’homme d’Etat et une conviction pro UE, de façon à « garder toutes les options ouvertes ». Bref, il s’agit de grignoter le résultat du vote populaire.
Sous couleur d’appel à l’unité nationale, à la modération et au bon sens, la tribune de Tony Blair est une descente en flamme du camp du Brexit (Nigel Farrage est vivement attaqué, et la possible remplaçante de David Cameron, Theresa May, reçoit un coup de griffe hypocrite), assortie d’un dépôt de candidature. Car l’homme politique jouissant d’une expérience d’homme d’Etat et d’une bonne connaissance des membres de l’UE et des mécanismes de celle-ci ressemble étrangement à Tony Blair lui-même.
Pour Tony Blair le scrutin du Brexit a ravagé le Royaume Uni
La tribune de Tony Blair s’ouvre par une violente peinture de la désolation du Royaume Uni après le vote sur le Brexit. Une description qui vise à engendrer la peur. « Le résultat est clair mais court. Le pays est maintenant profondément divisé, par régions, par générations, (…) » Etrange : c’est le cas après chaque scrutin, dans un système bipartisan comme celui de la Grande Bretagne. Pourquoi le noter cette fois, sinon pour créer un traumatisme après le Brexit ? Tel est d’ailleurs aussi le rôle de la pétition pour un second referendum et des manifestation anti-Brexit organisées à Londres. Cela fait partie d’une campagne d’intimidation et de sidération qui vise à faire oublier le résultat tout à fait net du vote et le caractère directement applicable de la décision qu’a prise le peuple britannique. Brodant sur ce thème, Tony Blair oppose « l’allégresse » des partisans du Brexit au « désarroi » des partisans du remain. Plus gravement, il ajoute que 48 % des Britanniques se sentent « privés de leurs droits et aliénés ». Ici, il y a comme un coup d’Etat mental de l’ancien premier ministre, qui refuse en quelque sorte le jeu normal de la démocratie élective.
Quel homme d’Etat pour mener les négociations avec l’UE ?
Partant de ces prémisses, Tony Blair se demande benoîtement s’il serait « vraiment raisonnable » de nommer un ministre partisan du Brexit pour négocier le Brexit ! Il demande même au premier ministre démissionnaire David Cameron, ouvertement partisan du maintien dans l’Europe de donner leur première « forme aux négociations ». Les raisons à cela tiennent selon Tony Blair au bon sens et à la technique. L’homme qui mènera les négociations doit bien connaître « la psychologie des 27 autres pays ». Avoir « une perception aigue des choses qui peuvent être compromises, de celles qui sont des lignes rouges ». En somme, « il va y avoir des négociations d’une extraordinaire complexité, où il y aura mille diables dans chaque détail ». Conclusion : « Cela demande une sérieuse expérience d’homme d’Etat ». Qui pourrait bien faire l’affaire ? Peut-être un homme politique britannique qui tenta sans y parvenir de devenir président de l’UE en 2009 ? Il s’appelait Tony Blair.
L’offre de service de Tony Blair, l’ami de l’UE
Quoi qu’il en soit, l’ancien premier ministre écarte l’hypothèse d’un second referendum sur le Brexit. Pour l’instant : « En fait, les gens ont bien le droit de changer d’opinion, mais ce n’est pas pour maintenant ». En attendant, selon lui, le « rôle du parlement sera capital ». Et « la Grande –Bretagne doit garder toutes les options ouvertes ». Traduisez : ne pas donner dans le Brexit triomphant, et évaluer « quelles sont les conséquences pratiques d’être hors du marché unique de l’UE, si il y a de la place pour un compromis partiel, quelle sera la décision des investisseurs américains, chinois, japonais », etc. Bref, selon Tony Blair, les Anglais seront « capables de comprendre les effets de (leurs) décisions ».
La conclusion est emphatique, c’est celle d’un « homme d’Etat » désireux de faire peur pour orienter les négociations avec l’UE de façon à gommer au maximum les effets du Brexit : « Notre nation est en péril. Pour en sortir nous devons être adultes, avancer avec calme, maturité, sans amertume. Notre avenir dans le monde en tant que nation et en tant que Royaume Uni est en jeu. »