Nigel Farage revient en politique pour « finir » le Parti conservateur britannique et incarner l’opposition

Farage finir Parti conservateur
 

Coup de tonnerre outre-Manche ! Nigel Farage a déjoué les pronostics et surpris quasi tout le monde en annonçant, lundi 3 juin, son retour dans l’arène politique : non seulement le souverainiste britannique a annoncé qu’il prendrait part aux élections législatives du 4 juillet, sous la bannière du parti Reform UK (né du Parti du Brexit fondé par ses soins), mais il en prendra également la tête, remplaçant l’homme d’affaires Richard Tice.

Il avait dit l’inverse, il y a dix jours ? Il l’a reconnu avec sa franchise habituelle, lors d’une conférence de presse : « J’ai changé d’avis ! » L’ancien leader de l’UKIP (United Kingdom Independence Party) qui s’était commué, depuis plusieurs années, en animateur de télévision sur la chaîne conservatrice GB News, veut porter les couleurs du récent parti réformiste passé de 5 % à plus de 12 % des intentions de vote en un an.

La nouvelle fait assurément du bruit de part et d’autre du spectre politique. Chez les conservateurs, parce qu’ils voient arriver le bourreau, « la grosse boule de démolition » comme a dit un ancien chef du parti, qui pourrait les achever. Chez les travaillistes, parce qu’ils voient peut-être survenir leur futur vrai chef de l’opposition politique. Nigel Farage estimait, il y a un an, que le Brexit avait échoué, que les conservateurs n’avaient pas tenu leurs engagements : il veut aujourd’hui transformer l’essai, élargir ce non à Bruxelles à un non à la tiédeur et à l’accommodement politiques qui font se retrouver dans le même panier Tories et Whigs. Et il n’y a qu’un moyen.

 

Dégommer les « idiots ennuyeux » du Parti conservateur au pouvoir (N. Farage)

C’est une question de principe, en somme : « Les conservateurs ont trahi la Grande-Bretagne, les réformistes ne resteront pas à l’écart » a-t-il déclaré. « Il y a un rejet de la classe politique dans le pays, à un point jamais vu dans l’époque moderne. Je ne peux laisser tomber ces millions de gens. (…) Ce que j’ai l’intention de mener, c’est une révolte politique. Oui, une révolte. Nous tournons le dos au statu quo politique. Plus rien ne fonctionne dans ce pays. Nous sommes en déclin. Cette situation ne pourra être inversée qu’avec audace. »

« Il ne fait aucun doute que j’ai pris un gros risque en abandonnant la vie dont je jouis actuellement pour travailler à une vision de la Grande-Bretagne si détestée par nos élites mal avisées. Mais l’état de la nation ne me laisse pas le choix. »

Nigel Farage n’est pas fou pour autant. Celui qui a tenté par sept fois, sans succès, de se faire élire ne vise pas de victoire notable au Parlement.

Les derniers sondages donnent même le Parti travailliste largement en tête, comme une redite voire un dépassement de la majorité écrasante qu’avait obtenue Tony Blair lors des élections de 1997 qui avaient assuré la domination de la gauche pendant treize ans. Le sondage YouGov donne, sur une Chambre de 650 sièges, 422 sièges au Parti travailliste de Keir Starmer, ce qui serait la plus grande majorité de l’histoire politique britannique moderne, comme le notait Breitbart. Les conservateurs n’en conserveraient que 140, contre les 365 obtenus après leur victoire historique de 2019 : leur chiffre le plus bas depuis 1906…

 

« Remodeler le centre-droit, quoi que cela signifie » en incarnant l’opposition (N. Farage)

Seulement, ce sondage est survenu avant l’annonce de Farage. Un Farage qui se dit réellement confiant dans l’obtention de sièges, face à un Parti conservateur qu’il juge « au bord de l’effondrement total ». Les analystes confirment d’ailleurs que ce sera le cas si Farage parvient à amener le Parti réformiste à 18 % des voix. Il rêve même de dépasser les chiffres du Parti conservateur… ce qui représenterait un bouleversement majeur et un signe politique (Reform UK, en tant que parti du Brexit, a bien réussi à obtenir 5,2 millions de voix contre 1,5 million pour les conservateurs lors des élections au Parlement de l’Union européenne en 2019). Mais les victoires sont, en pratique, difficiles et le plus souvent réservées aux gros partis en vue, confortés par le système électoral uninominal majoritaire à un tour.

C’est surtout un positionnement pour la suite. « Le véritable plan est d’être le parti d’opposition au prochain parlement et le plus grand parti des élections générales de 2029. », affirme Farage, qui appelle d’ailleurs les conservateurs à faire défection, les Suella Braverman à quitter le navire !

Pratiquement, Nigel Farage vise au moins le siège de Clacton, au sud-est de l’Angleterre. C’est la seule circonscription que l’UKIP ait jamais remportée lors d’élections générales et le soutien au Parti réformiste y monterait en flèche, s’appuyant sur les nombreux électeurs qui y avaient voté pour le Brexit en 2016 (72 %). Ce siège pourrait lui constituer sa plateforme parlementaire pour les cinq prochaines années.

 

« Redonner sa grandeur à la Grande-Bretagne » (N. Farage)

Comment réagissent les conservateurs, pris au dépourvu ? Le très fade Premier ministre et chef du Parti, Rishi Sunak, avait pourtant essayé d’aller vite… Il a hâté les élections que tout le monde prévoyait pourtant à l’automne, en les avançant au 4 juillet pour ne pas souffrir davantage de la sclérose politique et, qui sait, éviter Farage : ce faisant, il l’a peut-être paradoxalement décidé, en menant un début de campagne désastreux.

Quoi qu’il en soit, bien que certains des siens pleurent en arguant qu’il fallait passer un accord pour éviter une Bérézina, Sunak est passé en mode attaque. Dès lundi soir, il a averti les électeurs qui envisageaient de passer des conservateurs aux réformistes que tout ce à quoi ils tenaient serait mis en danger s’ils soutenaient le parti de M. Farage. Pire, cette décision pourrait même aider le leader travailliste à emporter la Chambre. Ce qui est un piètre argument vu les résultats escomptés par le sondage.

Et de promettre moult réductions d’impôts pour les retraités, la réintroduction du service national et l’affirmation de son projet d’envoyer des demandeurs d’asile illégaux au Rwanda (jusqu’à présent, un seul volontaire bien payé a quitté les côtes britanniques, faisait remarquer le National Review…). Le contrôle des frontières promis n’a été qu’un leurre : les conservateurs ont couvert la pire période de migration massive de l’histoire britannique. Et si les tendances de croissance persistent, le PIB par habitant sera plus élevé dans l’ancienne nation communiste de Pologne qu’au Royaume-Uni d’ici à 2030, selon la Banque mondiale…

Pour Nigel Farage qui, en 2019, a contribué à la victoire de Boris Johnson lors des élections générales, en faisant en sorte que les candidats du Brexit Party ne se présentent pas contre les députés conservateurs, c’est une trahison.

Et s’il devenait, à l’instar d’un Trump qui a défié les Eléphants et accédé à la Maison Blanche comme le notait Newsmax, la nouvelle figure de proue de la droite britannique ? Il est déjà, désormais, une pierre d’achoppement. Car le Parti conservateur, dans sa descente aux enfers, sera très probablement obligé de composer avec le Parti réformiste renaissant. Et Farage ne compte pas, cette fois-ci, être gentil – il n’y a aucun intérêt pour le pays. Le 6 juillet 2016, Anne Dolhein écrivait ici même que « le retour de Nigel Farage en politique pourrait bien devenir une nécessité, vu son talent pour exposer les malhonnêtetés et les incohérences de ses adversaires ». C’est chose faite !

 

Clémentine Jallais