Morgane est le prénom de l’héroïne de ce film de science-fiction américain. Il relève de la science-fiction dans ce qu’elle peut avoir de plus utile, du moins dans son projet : arpenter les chemins des réalisations scientifiques proches, envisageables dans un avenir prévisible à partir de techniques existantes ou presque. Morgane est une créature de laboratoire, un sujet à numéro et lettres. Elle a un code, comme un veau ou un rat. Le prénom n’est considéré que comme une convention pratique, comme les éthologues en usent couramment pour les grands singes, ou d’autres types d’animaux. Morgane est un prototype particulièrement ambitieux. Elle a connu des stades embryonnaire et fœtal externes – hors d’un placenta maternel -, une hybridation avec des composants informatiques au niveau du cerveau, des manipulations génétiques diverses donnant une grande force et une croissance accélérée, le tout en conservant une apparence humaine normale, voire séduisante. Après de nombreux échecs avoués, un laboratoire serait parvenu avec Morgane à une quasi-réussite. Un problème résiderait dans des manifestations nouvelles et dangereuses, les pulsions violentes du sujet. La grande entreprise-mère décide d’envoyer une enquêtrice, observatrice rigoureuse et neutre – les membres du projet sont supposés trop impliqués émotionnellement, donc mauvais juges – évaluer précisément la situation et décider de l’avenir du « produit ».
Morgane pose de réelles questions
Nous nous dirigeons en effet, à vue humaine, vers des manipulations monstrueuses du vivant, en y incluant l’homme. Sur les ¾ du film, cet avenir dangereux, absolument immoral, est dénoncé, sinon subtilement, du moins de manière relativement efficace et contenue. Morgane est un être humain, et cette évidence est niée ; elle est considérée formellement comme une bête ou un ordinateur. On peut que songer déjà aujourd’hui aux enfants avortés ou aux vieillards euthanasiés, déshumanisés. Voilà à quoi nous mèneront de tels « progrès », qui sont des régressions morales formidables. La charge est certes parfois un peu lourde, en mêlant les thèmes du capitalisme anonyme et du militarisme, mais n’est nullement absurde et n’en est que plus inquiétante. Le dernier quart du film convaincra moins, la narration retombant au niveau du banal film d’action ; il n’est pas mauvais en soi, mais ne propose plus de réflexion ; en outre, il est assez violent. La violence douce et froide nous avait paru en fait plus convaincante que la brute, même si elle reste dans une certaine logique du film.
Morgane intéressera probablement les amateurs de science-fiction, au sens large, avec son singulier mélange de science-fiction intellectuelle, puis populaire. Il n’est seulement pas du tout certain que ce film puisse atteindre un public plus large, même s’il pose de réelles questions.