Après plusieurs mois de débat, le comité d’éthique britannique vient de donner son autorisation à la conception de bébés éprouvettes à partir de l’ADN de trois parents, un père et deux mères. Une révolution morale qui a pour prétexte l’amélioration de la santé publique.
Le Royaume-uni devient ainsi le premier pays où l’État donne l’autorisation de bouleverser la famille et la filiation non seulement par le biais de la loi mais par celui de la biologie. Les députés anglais ont approuvé la chose dès février 2015, mais un processus d’un an et demie a dû être suivi pour lasser les résistances. Au mois de novembre un « comité d’experts indépendants » (indépendants de quoi, nommés par qui et comment ?) a recommandé une « adoption prudente » (un bouleversement modéré, une mise à mort provisoire). Aujourd’hui le comité d’éthique britannique a donné son feu vert « prudent et pas enthousiaste », selon Sally Cheshire, présidente de l’Autorité de régulation de l’assistance médicale à la procréation et à la recherche en embryologie (HFEA). Malgré les précautions hypocrite de langage, la chose est bien entérinée, et, selon la même Sally Cheshire, « c’est une décision historique et je suis sûre que les patients prêts à bénéficier de cette technique seront ravis ».
Des éprouvettes pour un bébé, un père et deux mères
Le prétexte mis en avant par les partisans de cette révolution qui change le rapport à la vie et à la famille de l’humanité est en effet la lutte contre une maladie fort rare. Comme dans toutes les grandes révolutions éthiques récentes, il y a un raisonnement à la limite qui joue sur de très petites minorités conjugué à l’exploitation de la sentimentalité. Ici, la « souffrance » d’une centaine de couples par an. En effet, environ 125 bébés naissent chaque année en Grande-Bretagne avec un dysfonctionnement mitochondrial transmis par la mère, et la conception de bébés éprouvettes devrait permettre de résoudre ce problème. Les mitochondries sont des petites structures spécialisées présentes dans les cellules qui transforment le glucose en molécule énergétique. Défectueuses, elles provoquent un déficit énergétique et peuvent causer des maladies dégénératives telles que le diabète ou la myopathie.
Pour bloquer la transmission de la maladie de la mère à l’enfant, on retire de l’ovule de la mère la mauvaise mitochondrie pour la remplacer par une mitochondrie saine provenant d’une autre femme. Après avoir été fécondé par le sperme du père en laboratoire, l’ovule est ensuite implanté dans l’utérus de la mère.
Autorisation sans précaution d’une révolution
Les partisans de cette technique font valoir que l’ADN mitochondrial représente moins de 1 % de la quantité totale d’ADN contenue dans une cellule humaine, et que par conséquent l’enfant portera la plupart des caractéristiques génétiques de son père et de sa mère, malgré l’intervention de l’autre mère. Cet argument de pourcentage est enfantin. Et il faut savoir aussi que le changement génétique dû à cette intervention se transmettra de génération en génération, sans qu’on puisse, même du simple point de vue médical, en mesurer les conséquences. Il n’y a donc pas seulement dans cette démarche une volonté démiurgique de se substituer à la nature et à Dieu, mais un côté apprenti-sorcier manifeste : où est le sacro-saint principe de précaution invoqué à tout bout de champ en d’autres domaines ?
Le comité d’éthique britannique légalise le crime
Mais les arguments moraux ni technologiques n’ont le pouvoir d’arrêter un processus voulu par l’humanisme mondial. Le docteur John Zhang, du centre New Hope fertility de New York a déjà pratiqué la chose avec une équipe internationale et le premier bébé éprouvette à deux mères est déjà né, en avril au Mexique. Comme la technique est interdite aux États-Unis, cette équipe médicale internationale a tourné la loi en allant pratiquer l’opération dans un pays qui est en la matière un territoire de non-droit où les loges sont reines, aucune loi ne régissant cette question. Maintenant, l’autorisation du comité d’éthique britannique va permettre au processus de changer de vitesse et de faire les choses au grand jour et en grand. Le professeur Mary Herbert, de l’université de Newcastle, qui a mis au point la technique expérimentale qui sera utilisée, s’est réjouie : « Maintenant, nous avons besoin de donneurs d’ovules ». Enfin, plutôt, en français, de donneuses.