A l’issue du Forum économique mondial qui s’est tenu à Davos la semaine dernière, le site officiel du World Economic Forum a publié une synthèse des conclusions de cette édition 2017 de la rencontre des grands de ce monde. On pourrait résumer cela en quelques mots : Davos pour le socialisme. Dans un contexte de rejet croissant de la globalisation, de ce mondialisme politique et économique dont le Forum économique mondial est l’un des partisans les plus influents, les leaders politiques et économiques du monde sont d’accord, selon le site weforum.org, pour demander un meilleur partage des richesses.
Cela peut s’entendre de deux façons. S’il s’agissait simplement de demander que chaque personne qui travaille participe de manière juste au bénéfice et à la richesse qu’elle contribue à créer, il n’y aurait pas grand-chose à redire. Mais justement, l’autre manière de répartir les biens, qui part de l’idée selon laquelle la plus grande injustice serait l’inégalité elle-même, et qui passe par la redistribution, est elle aussi plus que jamais à l’ordre du jour. Les points de vue peuvent être différents selon les personnes. Mais le message est là au fond : il faut à tout prix réduire les inégalités (plutôt que de s’intéresser au juste salaire).
Au Forum économique mondial, promotion du socialisme
L’éditorial du Forum économique mondial, entièrement assumé comme représentant le point de vue des mondialistes de Davos, leur attribue le mécontentement populaire, qui selon lui favorise le nationalisme russe et chinois et explique aussi bien le Brexit que la montée des populismes dans le monde. Il invoque d’intervention de Winnie Byanyima qui au nom d’Oxfam international s’est scandalisée devant le prestigieux auditoire d’hommes de pouvoir, d’argent et d’influence, de ce que « huit hommes possèdent la même richesse que les 3,6 milliards hommes qui constituent la moitié la plus pauvre de l’humanité » – « Nous devons rééquilibrer cette économie injuste », a-t-elle assuré.
La richesse des uns est-elle cause de la pauvreté des autres ? Si c’était vrai, il faudrait prendre en compte cette donnée et organiser une chasse aux richissimes, sans doute. Mais c’est précisément le mondialisme, le passage quasi obligé par les géants de l’informatique comme Microsoft, les déséquilibres induits par la mise en compétition de pays qui traitent leurs travailleurs en esclaves avec des salaires de misère, et ceux qui les ponctionnent au détriment de leur liberté au nom d’un illusoire bien-être social, poussant hors de toute proportion de coût du travail, qui sont à la racine de beaucoup de mécontentement actuel. La réponse, selon Davos, consisterait à faire payer les plus riches pour créer des « filets de sécurité pour les dépossédés », comme a pu le dire universitaire d’Oxford Ian Goldin à Davos. Laisser proliférer le mal en faisant des braves gens les obligés des bénéficiaires de la mondialisation.
A Davos, le meilleur partage richesses comme réponse au « populisme »
C’est Christine Lagarde, présidente du Fonds monétaire international, qui a explicitement appelé à une nouvelle redistribution pour venir au secours de la classe moyenne aujourd’hui « prise en étau et en colère ». « Le temps est devenu de mettre en place les politiques. Nous savons qu’elles sont efficaces. Face à une vraie crise, quel genre de mesure prendre pour réduire l’inégalité ? Cela signifie probablement davantage de redistribution », a-t-elle déclaré.
Le professeur Richard Baldwin, professeur d’économie internationale à l’Institut universitaire d’études internationales et de développement à Genève, a abondé en son sens. Dans un entretien accordé à Bloomberg à Davos, il a déclaré : « Nous devons payer pour obtenir la cohésion sociale dont nous avons besoin pour que nos sociétés continuent de progresser, en acceptant que cela peut se traduire par une lourde charge fiscale sur les gens. »
Les sociétés socialisantes, aujourd’hui tentées par le populisme pour parler comme les leaders de Davos, s’adonnent déjà très largement à ce soi-disant remède, qui dans la pratique, pèse lourdement sur le droit à la propriété et sur les libertés réelles, fortement liées aux libertés économiques.
Un meilleur partage des richesses par la répartition et la taxation
Intervenant pour la dernière fois comme vice-président des Etats-Unis, Joe Biden s’est dit fervent partisan d’une hausse des impôts pour améliorer le niveau de vie de la classe moyenne. Vous avez bien lu : davantage taxer pour enrichir une certaine catégorie de la population, d’ailleurs non définie. Il a ajouté : « Notre but devrait être de faire un monde où le niveau de vie de chacun peut augmenter ensemble. » Il faut adopter des mesures de « bon sens » pour « mettre en œuvre un système de taxation progressif et équitable où chacun paye sa juste part ».
Plusieurs remarques. La première, c’est que l’impôt progressif auquel fait référence l’ex vice-président américain est à l’origine une revendication de Karl Marx. Instrument privilégié de la redistribution, elle a toujours consisté à appauvrir les gens à peu près aisés tout en maintenant les pauvres dans une dépendance croissante vis-à-vis de l’Etat, tandis que de belles nomenklaturas se sont toujours constituées partout, et que dans les sociétés socialistes où le communisme a été le mieux appliqué, la misère a été de mieux en mieux partagée. Deuxième remarque : comment définit-on le niveau de vie ? S’il s’agit de le considérer en nature : droits aux soins, à l’éducation, etc., rien n’empêche de considérer que tout est gagné lorsque toute la population bénéficie des mêmes soins socialisés et de la même éducation dite nationale, et ainsi de suite. Autrement dit, le niveau de vie se résume en ce qui est donné à tous, mais par l’État, au détriment des libertés individuelles.
Et de plus en plus, les personnes influentes à Davos, tel Scott Santens, membre fondateur du Projet de sécurité économique, rejoint par Marc Benioff qui fait partie du conseil de la Fondation du Forum économique mondial, préconisent la mise en place d’un revenu universel, distribué par l’Etat. Benioff vient de déclarer dans la revue Fortune qu’il faut « envisager la question du revenu de base universel, où les gouvernements donneraient aux citoyens un revenu supplémentaire par rapport à ce qu’ils obtiennent de leur travail ».
D’autres préconisent une meilleure prise de participation aux frais du travail au niveau des entreprises : Hamdi Ulukaya, PDG de Chobani, la grande marque du yaourt à la grecque aux États-Unis, a préféré donner à ses employés à plein temps la possibilité de participer à la croissance de l’entreprise, une participation qui a donné de bons résultats y compris sur le plan économique, grâce à une plus grande implication des collaborateurs. D’autres intervenants à Davos ont insisté sur le rôle de la croissance pour améliorer la situation de tous.
Mais pour ce qui est du forum de Davos lui-même, la recommandation finale est sans ambiguïté : « Il faut s’éloigner de la focalisation sur la simple création de richesses pour arriver à réaliser une combinaison d’autres objectifs, en vue de créer un développement plus inclusif. »
Mot à la mode. Qui cache une orientation claire : aller vers plus de socialisme, impulsé au niveau mondial.