Plusieurs parlements nationaux d’Europe centrale et orientale étaient représentés par leur président ou leur vice-président à ce sommet organisé par la Pologne à la Diète polonaise les 17 et 18 mai à Varsovie (le troisième en moins d’un an). Il s’agissait des parlements de Lettonie, Lituanie, Pologne, Slovaquie, Hongrie, Roumanie, Moldavie, Bulgarie, Croatie, Serbie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Albanie, Grèce, Ukraine, Turquie, Azerbaïdjan et Géorgie, avec aussi la présence de représentants, à titre d’observateurs, d’Estonie, d’Autriche, de Tchéquie, de Macédoine, de Biélorussie et d’Arménie.
« L’Europe doit respirer avec ses deux poumons : celui de l’Est et celui de l’Ouest »
Il est intéressant de voir que l’Autriche est de toutes ces initiatives de coopération en Europe centrale et orientale, puisqu’elle participe aussi, en tant que membre, à l’Initiative polono-croate dite « des Trois mers » (mer Baltique, mer Noire et mer Adriatique), qui réunit 12 pays dans l’axe Nord-Sud centre-européen dans le cadre d’une coopération renforcée au sein de l’Union européenne. Pour Maciej Szymanowski, conseiller pour les Affaires étrangères du président de la Diète polonaise, que j’ai interrogé en marge du sommet, si Vienne se rapproche de plus en plus activement de l’Europe centrale et orientale, c’est parce qu’elle a très peur d’un nouveau tsunami migratoire. Le parti national-conservateur FPÖ, s’il participe à un prochain gouvernement, envisage même de rejoindre le Groupe de Visegrád (V4 : Pologne, Tchéquie, Slovaquie et Hongrie). Cette région de l’Europe, qui rattrape progressivement son retard économique sur la partie occidentale du continent, compte bien peser sur l’avenir de l’UE à l’heure où le nouveau président français voudrait couper l’Union européenne en deux avec sa vision d’un noyau dur quasi-fédéral. À Varsovie hier, les Polonais ont rappelé à la fin de la rencontre que « L’Europe doit respirer avec ses deux poumons : celui de l’Est et celui de l’Ouest ».
Renforcer les infrastructures et les coopérations et faire que l’Europe centrale et orientale parle d’une seule voix
Concrètement, l’objectif affiché de ces coopérations régionales où la Pologne est particulièrement active depuis l’arrivée du parti conservateur Droit et Justice (PiS) au pouvoir, est à la fois économique, stratégique et politique. Économique, car il s’agit de renforcer les infrastructures routières, ferroviaires, énergétiques et de télécommunications sur l’axe Nord-Sud, des pays Baltes à la mer Noire et à la Méditerranée, un axe jusqu’ici délaissé au profit de l’axe Est-Ouest, et mettre la région au centre de la nouvelle Route de la soie chinoise. Stratégique, car il s’agit pour les pays d’Europe centrale et orientale de pouvoir s’approvisionner en gaz depuis les ports de la Baltique et de la Méditerranée, afin de ne plus dépendre exclusivement du gaz russe. Politique, car le but est aussi d’être solidaires contre la politique invasive de « l’étranger proche » menée par Moscou et de parler d’une seule voie au sein de l’Union européenne. Une voix qui défend les souverainetés nationales et les libertés recouvrées après des décennies de dictature communiste face aux vues fédéralistes, immigrationnistes et libérales-libertaires qui dominent à l’ouest du continent.
Le sommet entre parlements nationaux à Varsovie pourrait revêtir un caractère cyclique
Tels étaient les éléments dominants des interventions lors des sessions plénières à la Diète hier. Ces sessions s’accompagnaient de discussions bilatérales entre les présidents ou vice-présidents de différents parlements nationaux mais celles-ci n’étaient pas ouvertes aux journalistes. La Pologne voudrait que ces sommets se déroulent de façon cyclique pour une diplomatie parlementaire venant compléter et renforcer les relations intergouvernementales.
Une Europe centrale et orientale partagée entre sa peur de la Russie et ses craintes face aux pressions migratoires
Pour la plupart des pays représentés hier et avant-hier à Varsovie, l’Union européenne et l’OTAN doivent rester des organisations ouvertes aux nouveaux membres qui respecteraient leurs critères d’adhésion. L’OTAN est ici majoritairement perçue comme facteur de stabilité et de sécurité face à l’expansionnisme russe. La menace russe a été particulièrement soulignée par les parlementaires de Pologne, Moldavie, Ukraine et Géorgie, mais elle était finalement reléguée au second plan par la menace migratoire et terroriste devenue prioritaire pour la plupart des pays des Balkans et du flanc oriental de l’Union européenne.