Le monde risque-t-il une nouvelle crise financière ? Après des années d’assouplissement quantitatif par les grandes banques centrales (ce qu’on appelait auparavant faire tourner la planche à billets) pour relancer l’économie mondiale et alors que l’inflation reste extrêmement réduite, à la limite de la déflation, l’émission nette d’obligations pourrait passer de zéro à mille milliards de dollars l’année prochaine puis à 3.000 milliards de dollars les années suivantes. Une évolution due à l’endettement des Etats qui vient absorber les liquidités mises sur le marché par les banques centrales à un moment où la dette publique des pays riches ne trouve plus acquéreur auprès des pays émergents : avec les prix du pétrole, l’Arabie saoudite doit puiser 100 milliards de dollars par an dans ses réserves monétaires pour couvrir son déficit budgétaire, et plusieurs pays de l’OPEP sont dans la même situation. De leur côté, la Chine, l’Asie du Sud-Est et l’Amérique latine n’accumulent plus les réserves monétaires comme il y a dix ans.
Davantage d’obligations souveraines sur le marché + moins d’acquéreurs potentiels = baisse des obligations et hausse des intérêts payés pour financer la dette
Quant aux grandes banques centrales des pays riches, elles sont en train de ralentir leur politique d’assouplissement quantitatif. La BCE n’a pas le choix : elle est sur le point d’atteindre le plafond des 33 % des obligations émises par le Portugal et elle n’en est plus très loin pour l’Allemagne, la Finlande, les Pays-Bas et l’Espagne. Au-delà de cette limite, ses achats de dette souveraine seraient considérés comme un financement de la dette publique des Etats de la zone euro, ce qui lui est interdit.
De son côté, la Fed prévoit de commencer à vendre les titres obligataires en sa possession à partir du mois de septembre et elle devrait bientôt alimenter le marché de ses bons du trésor américains et de ses titres hypothécaires au rythme de 50 milliards de dollars par mois. Quant à la Banque du Japon, elle a déjà réduit ses achats de titres de dette dans le cadre de sa politique d’assouplissement quantitatif, les faisant passer de 60 à environ 40 milliards de dollars par mois.
L’assouplissement quantitatif a maintenu le rendement des obligations artificiellement bas mais n’a pas eu l’effet escompté sur l’inflation
Cet accroissement de l’offre disponible sur le marché des obligations devrait logiquement faire baisser leurs prix et donc accroître leurs rendements. Ceci, dans un contexte d’inflation proche de zéro, ressemble beaucoup, en particulier pour la zone euro, à la combinaison d’envolée de la dette et de déflation qu’a connue le Japon. La fin de l’austérité financière dans la zone euro est une carte qui ne pouvait être jouée qu’une seule fois, or son effet stimulant est en train de disparaître. La semaine dernière, le rendement des bons du trésor allemands a doublé en quatre sessions boursières, et les marchés obligataires ont vécu à peu près la même chose en France, au Royaume-Uni et en Italie.
Est-ce le début d’une hausse durable des intérêts que devront verser à leurs créanciers les Etats qui s’endettent ? Pour la France, dont la dette publique équivaut désormais à 96 % du PIB, ce pourrait être très compliqué à gérer.