Tariq Ramadan divise Valls et Plenel : la gauche se déchire entre islamophobes et antisémites, comme au temps de SOS Racisme

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Manuel Valls accuse Plenel, le patron de Médiapart, d’avoir menti par omission en cachant ce qu’il savait des agressions sexuelles commises par l’islamiste Tariq Ramadan. Cela divise la gauche antiraciste entre antisémites et islamophobes, comme au temps de SOS Racisme.
 
Les accusations de viol portées contre Tariq Ramadan réjouissent Manuel Vals. Il donne le coup de pied de l’âne à l’intellectuel islamiste tombé de son piédestal de gauche et en profite pour égratigner au passage Edwy Plenel, le pape de Médiapart : la gauche se déchire entre partisans d’Israël et thuriféraire de l’islam arabe.
 
Les féministes antisémites se frottaient les mains en balançant Harvey Weinstein, les islamophobes jubilent de voir tomber le porc Tariq Ramadan. Quant aux faits, on me permettra de trouver que toutes les accusatrices se sont pas franchement blanc-bleu, mais bon, laissons faire l’enquête. En attendant, comme dirait Manuel Vals, « à la justice, maintenant, de l’établir mais enfin, les faits, comme on dit, semblent très concordants ».
 

Derrière Tariq, Valls vise Plenel au fusil à tirer dans les coins

 
L’ancien premier ministre a perdu sa superbe, il s’est laissé pousser une barbe de trois jours, il doit reconquérir galons et statut, il est passé de chef de gouvernement à chef de projet dans le lobbying politique. Aussi épaule-t-il avec application son fusil à tirer dans les coins : « Il faut que la vérité éclate sur ce soi-disant intellectuel, promoteur de la charia, prédicateur islamiste, qui a fait un mal terrible dans notre jeunesse avec ses cassettes, ses prêches dans nos mosquées, ses invitations sur tous les plateaux, ses amitiés, ses complicités – je pense à Edwy Plenel. Il y a un moment où il faut dire : ça suffit ! »
 
Et voilà le travail. Tariq Ramadan, ses petites jeunes filles montées dans la chambre du pilier de l’islam, ses petites porcheries sans voiles, ses violences, ce n’est qu’un détail au fond. Ce qui compte, c’est la guerre entre deux gauches, celle qui est inconditionnelle d’Israël, méfiante à ce titre contre l’antisémitisme musulman qui se répand dans les banlieues, les quartiers et jusque dans l’Éducation nationale, et celle qui, au nom de la Palestine, répand l’amour de l’invasion et de l’islam en France.
 
En 2003, à l’occasion du forum social européen, Valls et Mélenchon avaient signé ensemble une tribune intitulée Monsieur Ramadan ne peut pas être des nôtres, où on lisait entre autres : « L’extrême-droite est notre ennemie, sans doute ni ambiguïté. Monsieur Ramadan, lui, prétend être notre ami. Il inscrit sa dénonciation des juifs dans un cadre progressiste, au nom de la défense de la Palestine, des valeurs de l’humanité. Il le fait dans le cadre de la préparation du Forum social. Cette manipulation est d’autant plus odieuse ».
 
Depuis qu’à la fin du mois de septembre Manuel Valls a dénoncé les discussions en cours entre Clémentine Autin et Tariq Ramadan, il soupçonne la France Insoumise « d’islamo-gauchisme ». Mélenchon pour l’instant n’a pas vraiment répondu. C’est qu’il a bonne mémoire. Il se souvient de la chute de SOS racisme, qui avait divisé la gauche et permis le retour de la « droite » chiraquienne au pouvoir. En d’autres termes, il protège ses gamelles.
 

Fabrication et rupture de SOS Racisme : islamophobes et antisémites

 
Que s’est-il en effet passé à l’époque ? Inconnu en 1984, le jeune mouvement SOS Racisme a profité du bouillonnement de l’immigration à l’époque (marche des beurs, percée du FN) pour devenir la principale courroie de transmission du PS, une fois qu’il eut été pris en main par Bernard Henri Lévy. Ses troupes se composaient surtout de jeunes arabes musulmans, ses cadres de gauchistes juifs issus de l’UEJF, l’union des étudiants juifs de France. Parmi eux Julien Dray, Eric Ghebaly, Harlem Désir, etc. Elle mit ainsi le pied à l’étrier à toute une génération de jeunes révolutionnaires profiteurs mitterrandiens. Mais au tournant de 1990 et 1991 eut lieu la guerre du Golfe. Les piétons arabes musulmans se rendirent compte qu’ils n’avaient pas les mêmes intérêts que leurs jeunes maîtres intellectuels juifs, sans doute de gauche, mais féaux d’Israël. Ce fut la rupture, les insultes réciproques, et la perte de puissance. Voilà ce qui menace aujourd’hui la gauche hors les murs.
 

Valls lance une querelle d’intouchables entre Charlie et Plenel

 
Plenel s’est défendu comme un beau diable. Lui antisémite ? Ce ne serait pas plutôt Valls qui serait raciste islamophobe ? Voici ce qu’il dit : « Il y a quelque chose de très détestable à l’égard de Tariq Ramadan. Moi je lis, j’écoute tout ce qu’il a dit. On a parlé pendant trois heures et demie, nous n’avions aucun désaccord sur le fond. Il a été très ferme dans la solidarité, sur la liberté “Ah, il n’est pas clair. Ah, il a un double langage”. Encore une fois, je le lis et je l’écoute et je ne vois pas d’ambiguïté. Et il a fait plein de livres. Qu’est-ce que ça dit ce truc “Il est ambigu” ? “Ah l’Arabe, il est un peu fourbe. Ah l’Arabe, il a double langage”. […] Il ne faut pas diaboliser quelqu’un parce que c’est un intellectuel musulman ». Une dialectique inusable, insuffisante cependant pour impressionner Manuel Valls, qui enfonce le clou avec autant de vigueur que lorsqu’il maniait le marteau du 49-3.
 

Ramadan pris dans la rafle avec les antisémites de gauche

 
Pour lui, Plenel n’est pas le seul complice : « On est complice quand il y a de la complaisance par rapport à des individus, à des organisations comme les Frères musulmans, comme les Indigènes de la République ». Et de dénoncer les coupables : « Quand une partie de la presse progressistes, une presse de qualité – je pense aux Inrockuptibles, au Bondy Blog – quand on reçoit et quand on a reçu Tariq Ramadan, y compris sur Europe 1 et c’est toujours le même journaliste Frédéric Taddeï qui le reçoit depuis des années comme avant il avait reçu des personnalités comme Dieudonné ou Soral, alors on abdique ». Trois noms sulfureux, Dieudonné, Soral, Taddéi, et une accusation claire : ils sont antisémites.
 

Charlie descend Plenel

 
Ne nous perdons pas dans le détail. Inutile de noter que Bondy Blog n’a jamais publié d’interview de Tariq Ramadan ou que Taddéi a un bon alibi : ce qui compte c’est que « la presse de qualité » se divise, et la gauche avec elle. Il y avait en effet dans la presse de gauche, ou de qualité, c’est synonyme, deux titres intouchables, Charlie et Médiapart. Médiapart est censé nous dire toute la vérité qui n’est pas bonne à dire, sous la directions de l’inamovible Edwy Plenel, trotskiste et ancien copain, quand il était au monde du ministre de l’intérieur Pierre Joxe, que l’on a vu à l’œuvre dans trois affaires : les manipulations du Rainbow Warrior et de Carpentras, l’agression sexuelle de la fille du ministre Besson en pleine soirée à l’opéra de Paris. Or aujourd’hui les intouchables Charlie et Médiapart se lacèrent. Donnant dans l’ironie de comptoir, Charlie a en effet titré : « Affaire Ramadan, Médiapart révèle : on ne savait pas ».
 

Pour Valls, la France insoumise est islamo-gauchiste

 
Plenel avait publié toute une enquête prétendument fouillée sur Tariq Ramadan où pas un mot n’est dit même au conditionnel sur les penchants du beau Tariq. La gifle est forte. D’autant que Charlie est une institution. Toute la France, ses corps constitués, ses autorités morales et religieuses, ont défilé en disant « je suis Charlie ». Comme le note avec une naïveté charmante le rédacteur en chef de Marianne Renaud Dély, Charlie peut « tout se permettre ».C’est pourquoi il y a le feu au lac pour la presse de qualité islamophobe et la gauche pro palestinienne. Aussi ont-elles fait publier une lettre ouverte contre « une campagne de délation » jugée « inique et dangereuse ». Las, le grand nombre des signataires ne peut masquer la maigreur de leur autorité. A part Thomas Pikety, Olivier Besancenot, Costa-Gavras et Caroline De Haas, ils n’ont trouvé que des troisièmes couteaux. A tel point qu’ils ont enrôlé Alain Genestar parmi les intellectuels !
L’affaire est à suivre de près, car la guerre israélo-arabe importée sur le sol de France par la gauche risque de connaître, comme en 1990, un rebondissement capital.
 

Pauline Mille