Réunis à Budapest le vendredi 2 mars, les représentants des parlements du V4, ou Groupe de Visegrád (Hongrie, Pologne, Slovaquie, Tchéquie), ont confirmé leur intention de prendre ensemble la défense d’autres politiques pour l’Union européenne en redonnant un rôle accru aux parlements nationaux, en défendant les valeurs européennes comprises comme étant les valeurs chrétiennes et en promouvant des politiques favorisant la natalité plutôt que l’immigration de masse voulue par Bruxelles, Paris et Berlin en réponse à la crise démographique. Pour compenser le départ du Royaume-Uni, leur allié traditionnel avec lequel ils veulent un accord garantissant les meilleures relations possibles tout en respectant le résultat du référendum sur le Brexit, les quatre pays militent en faveur d’un nouvel élargissement de l’UE vers l’Est (Moldavie) et dans les Balkans occidentaux. Néanmoins, les participants aux rencontres parlementaires de Budapest ont mis en garde contre une reproduction par l’UE du modèle yougoslave dans cette région : les identités et les particularités nationales doivent être respectées.
Dans l’UE, une telle coopération entre parlements nationaux n’existe que dans les pays du V4 et en Scandinavie
Le V4 accroît sa coopération pour une vision alternative de l’avenir de l’Union européenne. La coopération entre les quatre ne se fait pas seulement au niveau de l’exécutif. Pour renforcer les collaborations et la confiance et pour parler d’une seule voix face à l’axe franco-germano-bruxellois, les présidents des parlements ainsi que des représentants des commissions parlementaires se rencontrent régulièrement. Un tel niveau de coopération ne se rencontre ailleurs en Europe qu’en Scandinavie, ainsi qu’a expliqué à votre correspondant Maciej Szymanowski, spécialiste du V4 (dont il parle toutes les langues) et conseiller pour les questions internationales du président de la Diète polonaise Marek Kuchciński. Pour Szymanowski, ces rencontres régulières à différents niveaux renforcent la confiance et permettent de mieux gérer les divergences occasionnelles.
A Budapest, les représentants du V4 prennent la défense d’une vraie alternative pour l’Europe
Comme lors de la réunion informelle de début décembre, les seuls médias français à couvrir cette rencontre étaient ceux de la réinfosphère : Réinformation.TV, le Visegrád Post, le quotidien Présent et TV Libertés. Pourtant, le V4 pèse son poids. Ainsi que l’a fait remarquer le ministre des Affaires étrangères hongrois Péter Szijjártó vendredi devant les parlementaires des quatre pays, le commerce extérieur de l’Allemagne avec le V4 est de 54 % supérieur à celui de l’Allemagne avec la France et vaut trois fois celui de l’Allemagne avec l’Italie. Mais le problème des grands médias français avec le V4, ce sont justement les propositions de ces quatre pays soutenues à des degrés divers par la majeure partie de l’Europe centrale et orientale. Des propositions qui constituent une véritable alternative pour l’Europe.
C’est ainsi que Szijjártó s’en est violemment pris au Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières en discussion à l’ONU. Le Global Compact, comme on l’appelle aussi, voudrait faire des migrations un droit. Pourtant, arrêter l’immigration illégale de masse est possible, a-t-il souligné. La Hongrie l’a fait justement avec l’aide active de ses amis du Groupe de Visegrád : un bel exemple de solidarité européenne face à une Grèce qui acheminait vers le Nord, en violation des règles communes, les immigrants arrivés illégalement sur son territoire.
Les valeurs chrétiennes plutôt que l’idéologie du genre et les politiques d’aide à la natalité plutôt que l’immigration de masse
Dans ce domaine, les représentants des parlements du V4 ont confirmé leur refus de la politique de relocalisations forcées que voudraient imposer Bruxelles, Paris, Berlin et Rome. Les représentants des Commissions sociales des parlements nationaux réunis à Budapest ont insisté sur la nécessité de répondre à la crise démographique par des politiques familiales qui servent les nations. La Hongrie, qui est la première à s’être engagée sur cette voix en 2010, est déjà parvenue à faire remonter son taux de fécondité par femme de 1,26 en 2010 à 1,5 en 2016. L’objectif hongrois est d’avoir en moyenne 2,1 enfants par femme d’ici à 2030. Parallèlement à ces politiques en faveur de la famille, les représentants des commissions sociales des parlements du V4 ont redit leur opposition à l’idéologie du genre et leur volonté de défendre l’institution du mariage et les droits des enfants.
Le groupe de Visegrad favorable à la PAC, aux fonds de cohésion et à la coopération militaire entre pays de l’UE
Il existe toutefois des points de convergence potentiels entre les quatre de Visegrád et la France. C’est ainsi que ces pays d’Europe centrale tiennent à préserver la Politique agricole commune (PAC) et qu’ils voudraient, pour compenser le départ du Royaume-Uni, une augmentation des cotisations au budget européen afin de préserver les fonds de cohésion dont les fruits sont justement très visibles dans les ex-pays de l’Est. Ceux-ci connaissent en effet une croissance dynamique et soutenue et rattrapent progressivement l’autre partie du continent à laquelle le communisme fut épargné en vertu des accords de Yalta, même si beaucoup reste à faire.
Les présidents de parlement et délégués des commissions parlementaires des quatre pays ont aussi parlé coopération militaire au sein de l’UE et projets d’infrastructures dans le cadre de l’Initiative des Trois mers.
L’opposition du V4 à l’instrumentalisation de la notion d’état de droit pour sanctionner la Pologne
Il a bien sûr été également question de la procédure de sanction lancée contre la Pologne par la Commission européenne en décembre. Les parlementaires du V4 ont exprimé leur opposition à une telle instrumentalisation des valeurs européennes évoquées à l’article 2 du Traité. Des valeurs qu’ils affirment par ailleurs soutenir. Face à la question posée par votre correspondant de savoir si le V4 avait l’intention de défendre ces valeurs européennes quand elles sont réellement violées – notamment dans le domaine de la liberté d’expression – en France ou en Allemagne, le président du Sénat polonais Stanisław Karczewski a préféré botter en touche : il a confirmé qu’il en avait été question au cours des discussions de la journée mais a ajouté que cela n’avait pas été un sujet central. Visiblement, dans ce domaine, ces quatre pays restent sur le mode défensif même si la démocratie et les libertés civiques s’y portent en réalité plutôt mieux qu’à l’ouest du continent, entre autres du fait de l’absence de menace islamo-terroriste mais aussi grâce à leur plus grand pluralisme médiatique et à l’existence d’une vraie droite, héritière de la dissidence de l’époque communiste, pour s’opposer à la dictature du politiquement correct que cherche à imposer une certaine gauche.
La vraie raison des attaques de Bruxelles contre la Pologne vue d’Europe centrale et orientale
Les présidents des deux chambres polonaises, décorés vendredi après-midi de la grande croix de l’Ordre du mérite hongrois remis par le président János Áder, ont chaleureusement remercié leurs homologues hongrois de la résolution adoptée le 21 février par l’Assemblée nationale de Hongrie, appelant le gouvernement de Viktor Orbán « à soutenir la Pologne, à empêcher la réduction des droits garantis à la Pologne en vertu des articles de l’UE, et à s’opposer aux propositions qui restreindraient les droits fondamentaux dont la Pologne jouit en tant que membre de l’UE ».
Pour les Hongrois – et cela a été dit aussi bien lors des rencontres parlementaires de vendredi que par le premier ministre Viktor Orbán à la radio hongroise après qu’il eut rencontré les présidents de la Diète et du Sénat polonais –, les attaques à répétition contre la Pologne ont une unique explication véritable : la Pologne, de par sa taille, est le moteur du dynamisme de l’Europe centrale et orientale et de son intégration. Si Varsovie devait céder, il serait beaucoup plus difficile aux autres pays de s’opposer aux politiques fédéralistes et immigrationnistes voulues à Bruxelles, Paris et Berlin. Et c’est justement la raison pour laquelle la Pologne n’est pas seule dans ce conflit, car ce sont bien deux visions de l’Europe qui s’affrontent sous le prétexte fallacieux d’atteintes supposées à l’état de droit et à la démocratie par le gouvernement du PiS en Pologne et du Fidesz en Hongrie.