Saint Paul est l’un des plus grands saints de l’Eglise catholique. Il avait pourtant très mal débuté, comme pharisiens persécuteur des chrétiens. A ce titre, il avait été témoin de la lapidation de saint Etienne (Actes des Apôtres, VI, 40). Puis il est devenu un apôtre majeur du Christ après l’apparition miraculeuse survenue sur le chemin de Damas (Actes des Apôtres, IX, 1-30). Rapidement instruit et baptisé, il a répandu le christianisme dans le bassin oriental de la Méditerranée, de la Syrie à la Grèce en passant par l’Anatolie. Ses écrits, collectés dans ses Epîtres, précisent encore aujourd’hui des points fondamentaux de la doctrine chrétienne. Toutefois, contrairement à ce que prétendent certains protestants, elle n’y est pas entièrement contenue. Ces épisodes des missions de Saint Paul, dits souvent Voyages de saint Paul, sont racontés dans les Actes des Apôtres, dont ils constituent la grosse seconde partie, des chapitres XIII à XXVIII. Ils ont été écrits par saint Luc, l’Evangéliste, proche de saint Paul et son biographe. Suivant la tradition catholique dont il n’y a pas lieu de douter, saint Paul est mort martyr lors de la persécution de Néron, vers 64-65. En tant que citoyen romain, privilège légal alors très loin d’être donné à tous les habitants de l’Empire, il a été décapité et non soumis à des supplices longs ou atroces conduisant à la mort.
Un film, actuellement diffusé dans les cinémas, propose de rendre hommage à saint Paul. Paul, Apôtre du Christ, d’Andrew Hyatt, renvoie dans son titre à cette qualité fondamentale d’apôtre revendiquée par saint Paul. Il n’était pas l’un des douze Apôtres et n’avait probablement pas connu le Christ lors de son enseignement sur la Terre. Mais il l’a vu par la suite au moins une fois, dans cette célèbre et grande vision sur le Chemin de Damas.
UN PEPLUM CHRETIEN, UN SPECTACLE PIEUX
Paul, Apôtre du Christ est un film qui se rattache fondamentalement au genre du péplum. Ce nom péplum est tiré d’un costume féminin grec antique. Ainsi il renvoie aux efforts d’habillements et de décors de ces films. Il indique aussi implicitement qu’il ne s’agit pas forcément d’une reconstitution archéologique des plus soignées, mais d’une tentative de restitution d’une atmosphère d’un monde disparu. Les péplums chrétiens forment un sous-genre du péplum. Ils ont été populaires dans les années 1950, comme en témoigne l’excellent Quo vadis ? de 1951, adaptation du roman historique chrétien de Sienkiewicz (1905). Quo vadis ? évoque aussi la persécution des premiers chrétiens sous Néron. Ce genre, signe de déchristianisation de nos sociétés occidentales, s’est fait de plus en plus rare à partir des années 1960. Ne s’est distingué de façon relativement récente que la Passion de Mel Gibson (2004), médiation catholique sur le Christ, ses souffrances, sa mort, sa Résurrection.
Paul, Apôtre du Christ est un péplum à moyens réduits. Le spectaculaire, souvent recherché par les amateurs du péplum, n’est pas toujours là. Par contre, la modestie du budget a été suppléée par une mise en scène intelligente. Le décor de Malte de 1600, qui a servi au tournage, ne ressemble certes que de loin, et même pour un public bienveillant, à la Rome antique du premier siècle… Pourtant, malgré cette faiblesse de l’arrière-plan, le spectateur est immergé dans l’atmosphère de la Persécution de Néron.
Les persécutions des chrétiens ont été effectives sous Néron, en dépit de ce que prétend couramment une fausse érudition moderne. Les supplices imposés aux chrétiens ont été décrits par Tacite, grand écrivain latin païen de peu postérieur aux faits. Ils sont bien montrés dans le film, sans complaisance dans l’horreur. Les chrétiens furent brûlés vifs, sous forme de torches humaines. C’était le supplice romain réservé aux incendiaires, Néron les ayant accusés, à tort évidemment, d’être coupables du Grand Incendie de Rome (été 64). Ils ont été martyrisés dans des jardins en périphérie de Rome. Petite erreur, le film montre le supplice au cœur de la ville elle-même, chose impossible sous peine de risquer de déclencher un nouvel incendie. Mais l’intensité dramatique y gagne.
Dans son ambition de reconstitution, le film nous a semblé juste dans l’esprit, et excellent dans les intentions.
LA FIGURE MAJEURE DE SAINT PAUL
Paul, Apôtre du Christ entend montrer les dernières semaines de la vie de saint Paul, captif à Rome, peu avant son exécution. Dans sa prison, saint Paul reçoit saint Luc : il lui dicte le récit de sa vie et ses ultimes épîtres. Le spectateur est heureux de retrouver ces vérités catholiques simplement exposées, aux antipodes des reconstructions modernistes ou rationalistes qui multiplient les scénarios complexes et plus ou moins aberrants, pourvu que l’on nie implicitement les vénérables traditions catholiques. Le film propose des images simples et belles.
Ces épisodes sont donc fidèles aux pieuses traditions catholiques et à l’exégèse biblique honnête : les Actes des Apôtres ont été en très large partie dictés par saint Paul à saint Luc. L’écrivain sacré a lui-même assisté directement à une partie des épisodes, d’où des échanges de souvenirs, présents dans Paul, Apôtre du Christ. Les ultimes Epîtres de saint Paul ont aussi été dictées de prison. Ce péplum chrétien comporte une dimension apologétique simple et juste. Ces scènes démontent par elles-mêmes la prétendue érudition biblique libérale allemande du XIXème siècle, qui tenait absolument à faire dire aux textes sacrés le contraire de ce qu’ils disent, en en faisant des palimpsestes très postérieurs – des IIème et IIIème siècles – sans aucun lien avec le saint Paul et saint Luc historiques. Ce péplum chrétien triomphe donc, dans sa simplicité même, de cet orgueil impie à la Renan.
Paul, Apôtre du Christ propose une interprétation convaincante de saint Paul. En prison, le Saint demeure ferme dans sa foi, prie, célèbre la messe – dans une version minimaliste, correspondant aux circonstances, mais digne et crédible. Il est tenté, comme tout chrétien en prison, de s’interroger sur le bienfondé de sa conduite passée, des erreurs qu’il a éventuellement pu commettre. Mais il ne s’effondre jamais, et se tient ferme face aux menaces, aux coups, aux humiliations. Il se montre un modèle, par sa constance et modestie, sans aucune fanfaronnade héroïque, pour les frères chrétiens persécutés.
Enfin, de sa prison, il refuse de donner des consignes précises pour une situation extérieure qu’il ne connaît par définition pas. Conformément au reste du film, son martyre est présenté de manière sobre et juste. Jusqu’au bout saint Paul impressionne ses bourreaux, pour lesquels il n’éprouve strictement aucune haine personnelle bien au contraire, par sa tranquille fermeté d’âme.
UNE VISION CREDIBLE DE LA PREMIERE COMMUNAUTE CHRETIENNE DE ROME SOUS LA PERSECUTION DE NERON
Pendant ce temps, la communauté chrétienne de Rome, terriblement menacée, hésite sur la conduite à tenir : faut-il fuir Rome ou continuer à s’y cacher ? La réponse n’est pas évidente. Les portraits de ces premiers chrétiens sonnent juste, avec les doutes et les angoisses qu’ils ont pu ressentir, peut-être les tentations violentes chez certains excités minoritaires – seul point du reste vraiment discutable du film -, mais menant tous ou presque une vraie vie de prière et d’œuvres charitables intenses. Les interprètes habitent vraiment leurs personnages ; on retrouve avec joie Jim Caviezel en particulier, célèbre pour son rôle du Christ dans la Passion de Mel Gibson.
Cette vision s’appuie sur deux personnages réels des premières communautés chrétiennes de Rome, le couple fondé par Aquila et Priscille. Ces deux personnages sont mentionnés dans les Actes des Apôtres, au chapitre XVIII, où ils rencontrent saint Paul à Corinthe. Saint Paul vient d’Athènes, et Aquila et Priscille de Rome, où ils ont fui la persécution précédente, celle de l’empereur Claude (en 49). Le film, qui relève du roman historique chrétien dans ce qu’il peut avoir de meilleur, en fait les chefs de facto de la communauté chrétienne de Rome, ou du moins d’une partie de cette communauté, sous la Persécution de Néron en 64. On aurait certes préféré voir le pape à la tête de cette communauté, le premier successeur de saint Pierre (probablement mort en 64), saint Lin (67-76). Saint Lin est malheureusement peu connu et le film repose implicitement sur l’hypothèse d’une vacance du trône pontifical, de quelques mois au moins, en attendant l’élection de saint Lin. Cette hypothèse, discutable, n’est pas absurde, et ne heurte pas les croyances catholiques.
Quant à Priscille, des critiques enthousiastes et des campagnes promotionnelles ont voulu voir en elle une « féministe chrétienne » ! Il y a là une contradiction dans les termes. Elle correspond plutôt à la femme forte de la Bible, louable à ce titre. Elle émet des opinions fortes, mais ne commande pas la communauté. Il n’y a, dans ce qui reste une œuvre de fiction, nulle erreur majeure du point de vue de l’Histoire de l’Eglise du premier siècle, ce qui est vraiment à saluer.
UN EMOUVANT PEPLUM CHRETIEN A VOIR
Paul, Apôtre du Christ évoque avec pertinence dans son fond saint Paul et les premières communautés chrétiennes. L’esprit du film est très juste. Ainsi, Paul, Apôtre du Christ est-il un émouvant péplum chrétien à voir.