La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen a voté en faveur du déclenchement de la procédure de sanctions de l’article 7 du Traité sur l’UE à l’encontre de la Hongrie, estimant que la démocratie et l’état de droit sont menacés dans ce pays depuis que les électeurs s’obstinent à confier les rênes du pouvoir au Fidesz et à son allié chrétien-démocrate. Le texte, qui avait été présenté par le député Vert néerlandaise Judith Sargentini cinq jours seulement après la nouvelle victoire écrasante du Fidesz aux élections du 8 avril, a été adopté par la commission LIBE par 37 voix contre 19.
La procédure de l’article 7 brandie contre deux pays en même temps n’a aucune chance d’aboutir
Le projet de résolution de la commission fera l’objet d’un vote en assemblée plénière en septembre. Il faudra alors les deux tiers des voix du Parlement européen pour porter la procédure devant le Conseil de l’UE qui devait justement, ce mardi, entendre la défense de la Pologne dans le cadre de la procédure de sanctions sous le régime de l’article 7 enclenchée en décembre par la Commission européenne. Malgré quelques concessions de la Pologne, la Commission a en effet considéré qu’il fallait poursuivre la procédure puisque Varsovie n’a pas mis en œuvre toutes ses « recommandations », le PiS continuant plutôt d’appliquer les promesses faites à ses électeurs en ce qui concerne la réforme de l’institution judiciaire qui est le principal point de discorde avec Bruxelles.
Sachant que pour que des sanctions soient adoptés il faudra, à la dernière étape de ces procédures, l’unanimité des voix au Conseil en dehors de celle du pays incriminé, le soutien mutuel de la Pologne et de la Hongrie est assuré et ces procédures n’ont donc aucune chance d’aboutir. Le hasard faisant bien les choses, le point suivant de l’ordre du jour de la commission LIBE lundi concernait l’adoption d’une proposition de résolution donnant des « orientations pour les Etats membres en vue d’éviter la criminalisation de l’aide humanitaire ». Il se trouve qu’un des points critiqués par les députés au Parlement européen, c’est l’adoption la semaine dernière par l’Assemblée nationale hongroise des lois « Stop Soros » visant tout particulièrement les ONG favorisant l’immigration illégale. La Commission de Venise a elle aussi appelé Budapest à revenir sur ces lois. Si la Commission de Venise n’est en théorie qu’un organe consultatif du Conseil de l’Europe, ses avis servent souvent à justifier les résolutions du Parlement européen et l’action de la Commission européenne.
La Hongrie estime que la demande de sanctions des députés au Parlement européen est motivée par sa lutte contre l’immigration illégale
La réaction de la Hongrie ne s’est pas fait attendre lundi. Le ministre des Affaires étrangères hongrois Péter Szijjártó et le premier ministre Viktor Orbán ont estimé que le projet de résolution adopté par la commission LIBE du Parlement européen était un nouveau rapport inspiré par Soros et qu’à Bruxelles on défend les vues et les intérêts du spéculateur américain tandis qu’en Hongrie on défend les intérêts des Hongrois. Pour Orbán, la commission LIBE cherche à exercer une pression sur la Hongrie pour qu’elle change ses positions sur l’immigration. A Bruxelles, a encore expliqué le ministre des Affaires étrangères hongrois, « On considère l’immigration et le remplacement de population qui en découle comme une valeur », tandis que « Nous, nous considérons la sécurité, la protection de la famille et de la culture chrétienne ainsi que le respect pour le travail comme étant les valeurs européennes qu’il faut respecter et défendre ». Pour le Premier ministre hongrois, c’est aussi le Groupe de Visegrád (V4) qui est attaqué à travers la Hongrie. Quant au porte-parole du Fidesz, il a fait remarquer que le haut représentant de l’UE pour la politique extérieure, Federica Mogherini, venait de confirmer une fois de plus (lors du récent sommet UE-G5 Sahel à Bruxelles) que le véritable objectif de la Commission européenne est de faire venir des immigrants en Europe, « alors que nous, en Hongrie, nous pensons que l’immigration est en train de ruiner l’Europe ».