La constitution assure l’égalité des citoyens devant la loi quelle que soit leur origine, leur religion, leur race : les députés ont supprimé ce dernier mot, en rajoutant le sexe mais pas le genre. Pour des raisons politiques obscures. Le nouveau texte se mêle de tout et s’emmêle un peu.
Objectivement, cette révision de l’article premier de la constitution fera trois heureux : Adolf Hitler, Malcolm X et François Hollande. Le dernier parce que la suppression du mot race faisait partie de ses promesses de campagne, les deux autres, plus simplement, parce que la constitution n’assure plus l’égalité devant la loi de deux individus de races différentes. C’est objectivement indiscutable.
Avec la race, la constitution se mêle de vérité scientifique
Subjectivement, c’est autre chose. Le centriste professionnel Jean-Christope Lagarde, dont l’amendement a été choisi, se réjouit de la suppression du mot parce que selon lui la chose n’existe pas, le concept de race étant « scientifiquement infondé et juridiquement inopérant ». Il a le droit de le dire mais c’est une bêtise et un abus de pouvoir. Bêtise, je l’ai rappelé voilà quinze jours, parce que les races existent bien, malgré les incantations des députés. Abus de pouvoir, parce que si les députés ont pour vocation de faire la loi, ils n’ont pas celles de dire la vérité scientifique. Le nouveau texte est donc ridicule, néfaste et totalitaire. Le vote a fait l’unanimité des présents. Le brave Lagarde en est fier. La condamnation de Socrate aussi a fait l’unanimité, et Platon y voyait la marque de l’erreur tyrannique.
Binarisation de la société selon le sexe ou le genre : on s’emmêle
Ce n’est pas tout. L’égalité homme-femme étant la grande cause du quinquennat, la constitution garantit désormais les droits du citoyen sans distinction de sexe. Là encore l’enfer me semble pavé de bonnes intentions. Le mot sexe est terriblement ringardos, carrément craignos. Autant que la race. On doit dire genre. Et même quand on dit genre, il faut se garder comme de la peste de confondre identité de genre et expression de genre ! Sous peine de tomber dans la philosophie binaire et essentialiste. Arnaud Gauthier-Fawas l’a pourtant expliqué clairement à Daniel Schneidermann en lui disant : « Je ne suis pas un homme, monsieur ». Que l’assemblée nationale unanime ait cautionné la binarisation de la société selon le sexe donne le vertige et la mesure des progrès à faire !
La religion catholique est opposée à l’idéal maçon
Le maintien du mot religion me paraît tout aussi grave. Il est dangereux pour une république laïque et maçonne que les droits des citoyens soient garantis quelle que soit leur religion. D’ailleurs Pierre Waldeck-Rousseau, avocat et président du conseil, qui fut l’un des grands hommes de la troisième république, refusait tout droit civique aux prêtres, expliquant que ce n’étaient « pas des hommes comme les autres », en raison des vœux qu’ils avaient prononcés et les rendaient dangereux pour la république. En conclusion, cette nouvelle constitution me semble extrêmement dangereuse. Elle se mêle de tout et s’emmêle les pinceaux. La seule réforme qui m’aurait paru judicieuse, pour protéger les communautés fragiles et stigmatisées de l’essentialisation et de la binarisation populiste, aurait été plus simple et plus radicale : il suffisait d’interdire l’emploi du verbe être par la constitution. Je laisse ce projet à la réflexion de Jean-Christophe Lagarde, et gratuitement, encore.