Pour la première fois en trois ans, le « Davos d’été » – la réunion du Forum économique mondial ou « Rencontre des nouveaux champion » qui se tient en Chine – s’est tenue en « présentiel » après la fin des restrictions covid. Et quel « présentiel » : le Premier ministre chinois, Li Qiang, est arrivé, mardi, à l’inauguration de la session plénière d’ouverture flanqué de Klaus Schwab lui-même, qui a inauguré la rencontre avec un déluge de propos insipides, véritable pipotron des termes convenus de la gouvernance globale, allant de « ces temps de changement sans précédent » à la « disruption » en passant par les « défis sociaux et environnementaux ». « Le monde a besoin de leaders audacieux et visionnaires, capables de maîtriser la puissance de l’innovation pour le bien commun »…
Il est presque superfétatoire de noter la lettre de tels discours. Il faut que le monde entier – « régions, nations, cultures » – coopère pour faire advenir un avenir « plus paisible, inclusif, durable et résilient ». Ces mots-clefs recouvrent les concepts fondamentaux du globalisme tel qu’on les entend de manière uniforme à travers le monde dont on nous explique, à Davos comme à Moscou comme à Tianjin (lieu de la rencontre du World Economic Forum) qu’il est multipolaire. Multipolaire peut-être, mais polarisé en un seul sens.
Au nom du Forum économique mondial, Klaus Schwab salue les « disrupteurs »
Et de saluer les 1.500 responsables présents des mondes des entrepreneurs, des responsables de gouvernement, des artistes… « Vous êtes les pionniers, les disrupteurs, les créateurs qui façonnez les nouvelles frontières du progrès humain ! » Avec une « responsabilité sociale et environnementale », évidemment.
On peut s’arrêter là, le reste était dans la même veine, mais non sans noter que la collaboration et l’estime mutuelle entre le Forum économique mondiale et la Chine – et donc le Parti communiste chinois, nommément désigné par Schwab qui saluait Li Qiang, membre du Comité permanent du Politburo de celui-ci. Schwab a également chanté les louanges de l’économie, du développement et du rôle diplomatique croissant de la Chine, dans le concert des nations qui doivent « travailler ensemble au bien-être collectif de l’humanité ».
Que l’humanité le veuille ou non, d’ailleurs – c’est le principe de toute utopie et de tout « collectif » démesuré au point d’être collectiviste…
La Chine, habituée du Forum économique mondial, reçoit de nouveau le « Davos d’été »
La Chine est depuis toujours bien reçue au Forum de Davos : Xi Jinping lui-même a assuré l’ouverture de l’édition (virtuelle) de janvier 2021 ; idem en janvier 2022, pour défendre la mondialisation économique ; en janvier dernier, il s’est fait représenter par son envoyé spécial, le vice-Premier ministre Liu He pour promouvoir le retour à « une bonne division du travail » au niveau mondial et aux « chaînes de valeur » qui prévalaient avant le covid.
Et c’est cela qu’il faut retenir de ces rencontres du Forum économique mondial : la grande entente, la grande complicité même entre l’environnementalisme et le communisme, entre un système prétendument libéral mais surtout ouvert au dirigisme mondial et un pays d’ouverture très contrôlée à l’économie de marché, dont la population est surveillée dans ses moindres mouvements.
C’est sans surprise que Schwab a déclaré, lors de sa rencontre officielle avec le Premier ministre Li Qiang, lundi, que le Forum économique mondial « apprécie grandement les contributions importantes de la Chine à la lutte contre la pandémie de covid-19 ». Oui, la Chine qui a lancé les confinements, qui a créé la mode de la ventilation néfaste des malades dont on comprend aujourd’hui qu’elle a aggravé la létalité du covid, la Chine qui a tout fait pour occulter ses origines et qui a tyrannisé sa propre population jusqu’à ce que celle-ci n’en puisse plus…
Davos, par la voix de Schwab, salue également « la promotion de la réduction de la pauvreté mondiale » assurée par la Chine : « Le monde entier profite du développement de la Chine ! » Les pays dont les industries ont été délocalisées à son profit ?
Li Qiang et Klaus Schwab s’entendent comme larrons en forum
Mais comme le souligne l’agence d’information d’Etat chinoise Xinhua, « M. Schwab a indiqué que le FEM est prêt à approfondir son partenariat avec la Chine, à encourager toutes les parties à renforcer la communication, à renforcer la confiance mutuelle et à élargir la coopération, à obtenir des avantages mutuels et des résultats gagnant-gagnant, à lutter conjointement contre le changement climatique et d’autres défis mondiaux, et à promouvoir la construction d’une communauté d’avenir partagé pour l’humanité. »
Même son de cloche chez Li Qiang, qui a demandé lors de la session inaugurale ce mardi matin toujours plus de « communication », de « coopération » : « L’absence de communication effective et le manque de perception globale, holistique et globale aboutit facilement aux préjugés et même aux stéréotype », a-t-il dit. Comme tout mondialiste qui se respecte il a plaidé pour une lutte commune contre « les défis globaux ».
Mia Mottley, Premier ministre de la Barbade qui avait lancé la semaine précédente un sommet pour un « nouveau pacte financier » à Paris avec Emmanuel Macron, a été elle aussi très applaudie en Chine en réclamant toujours plus d’argent en provenance des pays développés pour financer les pays en développement : le secteur privé devrait injecter 1.500 milliards de dollars, a-t-elle déclaré.
Tout ce petit monde dit au fond la même chose. Pour Li, c’est la « numérisation de l’économie » qui va permettre d’aboutir à cette globalisation. Et Davos applaudit.