La presse française n’a pas ignoré l’affaire de ce maire de la région d’Oaxaca, au Mexique, qui a « épousé » un caïman femelle « pour assurer prospérité et abondance pour ses concitoyens », comme le raconte par exemple BFM. « Rituel ancestral », « tradition vieille de 230 ans », la fête qui a mobilisé tout le village de San Pedro Huamelula commémore le mariage de représentants de deux ethnies voisine, les Huaves et les Chontelas, qui firent ainsi la paix au terme de multiples différends et escarmouches. Pourquoi la jeune fille est-elle aujourd’hui symbolisée par un reptile ? On se le demande. Mais la démarche de Victor Hugo Sosa est un véritable signe des temps où la superstition se le dispute à l’indigénisme sans discernement. Et les médias qui sont si prompts à ridiculiser la foi de nos pères se pâment (ou en tout cas rapportent sans la moindre critique) une telle cérémonie purement païenne.
Mariage d’un maire mexicain et d’un caïman qui symbolise la « terre-mère »
Pas un mot, non plus, pour le petit caïman, promené de demeure en demeure pour y être pris dans les bras par les habitants qui font danser la « mariée » : celle-ci a été solidement muselée (on ne sait jamais…), affublée de divers habits, y compris « robe » blanche et voile ; elle a été promenée dans tout le village au son de la musique traditionnelle. Les amis des animaux sont restés muets.
La presse locale, elle, précise que la cérémonie « possède un caractère symbolique qui représente d’une certaine manière l’union de l’être humain avec le divin ; on espère qu’elle apporte une bonne récolte ». Alors que ses deux acolytes viennent de mettre genou en terre et de faire un signe de croix – syncrétisme oblige – le maire ouvre la fête en parlant de « paix » et de « bons équilibres ».
Il déclare aussi, solennellement : « J’accepte cette responsabilité car nous nous aimons : c’est ce qui est important, il ne peut y avoir de mariage si on ne s’aime pas. Nous nous aimons et j’accepte d’épouser la princesse. » Cette dernière n’a pas acquiescé, on s’en doute.
Un chroniqueur du village a précisé que cette union est de la plus haute importance puisqu’elle « permet de se relier à l’emblème de la terre mère, tout cela pour demander au puissant la pluie, la germination des semences, toutes ces choses qui sont la paix et l’harmonie de l’homme chontal ».
Ou mariage avec le serpent ?
Ce même chroniqueur, Jaime Zárate, assurait en 2021 que l’animal – grand lézard, crocodile ou caïman – est « baptisé » dans l’église catholique par le curé du village pour recevoir le nom de l’épouse du maire du moment ; et que sa peau rugueuse et accidentée figure la croûte terrestre.
Peut-être s’agit-il plutôt d’une bénédiction, comme on peut le voir ici, sur les images de la cérémonie filmée fin juin. Curieuse religion.
Cette tribune publiée sur Oaxaca.com ajoutait : « Ce rituel pourrait contribuer efficacement à la conservation de l’espèce et des écosystèmes qu’elle partage avec les sociétés humaines, car c’est grâce à ce type de rituel que la relation intime et indissoluble avec la nature, c’est-à-dire avec le territoire, est maintenue. La défense des territoires et des biens naturels communs est essentielle pour faire face à la crise climatique, ainsi qu’à la perte accélérée et irréversible de la biodiversité dont nous dépendons tous pour notre survie. Il faut de toute urgence un rétablissement, oui un “reset” par rapport à la vision capitaliste qui a amené notre maison, la planète Terre, à un point qui est peut-être de non-retour. »
L’heure est à la fascination pour le paganisme, à la prise au sérieux de ce qui aurait pu relever d’une forme de canular, du simple folklore et – certainement – de la religion catholique mal assimilée et mélangée aux faux dieux locaux. Rien de très admirable, mais aujourd’hui on y voit la sagesse des peuples, et les images de la « mariée » caïman font le tour du monde.
Il n’y a plus qu’à attendre la mise sur pied officiel d’un rite mexicain, demandée par le cardinal Arizmendi Esquivel, tel qu’il se pratique déjà officieusement dans le diocèse de San Cristobal, avec la conduite de certaines oraisons par un « ancien » selon les codes indigènes, le rôle des femmes chargées des encensements, comme dans la vidéo en lien ci-dessus, et la danse pour l’action de grâces après la communion.