Alors qu’on n’en finit pas de découvrir des témoignages de victimes des abus sexuels dont elles accusent de manière circonstanciée le P. Marko Rupnik, ce prêtre slovène et mosaïste vient d’être renvoyée de la Compagnie de Jésus « en raison de son refus obstiné d’observer le vœu d’obéissance » et « d’entreprendre un chemin de vérité et de confrontation avec le mal dénoncé par de nombreuses personnes qui se sont senties blessées » (« senties blessées », la bonne blague ! on parle de viols sous divers prétextes « spirituels » !). Son art a marqué l’ère postconciliaire et demeure en vogue. Pourtant, il est transgressif et annonciateur de ses perversions sexuelles, assure la chroniqueuse Hilary White.
Rupnik, enfant chéri de l’art postconciliaire
Pourquoi reste-t-il si présent dans l’Eglise, ornant des hauts-lieu de pèlerinage ou servant de logo à divers événements, comme le Jubilé de la miséricorde ? Peut-on, doit-on séparer l’homme de son art et conserver celui-ci tout en condamnant celui-là ? Certainement pas, répond Hilary White, journaliste, chroniqueuse et elle-même artiste cherchant à retrouver un véritable art sacré avec ses normes strictes et fécondes. Pour elle, l’œuvre de Rupnik, dans sa dimension grimaçante et narquoise qu’elle met parfaitement en lumière, montre que ses perversions sexuelles sont une expression de sa perversion générale.
Nous vous proposons ci-dessous la traduction intégrale de sa réflexion sur l’art sacré post-conciliaire et ses profonds désordres. Il s’agit d’un nouveau texte de fond, qui cherche à mettre en lumière les lignes de force de ce que nous vivons dans un monde apparemment devenu fou ; un texte long, en phase avec le temps des vacances où l’on a plus de liberté pour lire et se former.
Les perversions délibérées de l’art sacré
Passionnante réflexion que celle de Hilary White, qui offre le regard du penseur doublé de celui de la femme de l’art qui connaît en profondeur les outils, les gestes, les raisonnements de l’artiste, et qui s’applique à connaître en profondeur les normes de l’art sacré oriental, byzantin, et occidental, en particulier médiéval. Cela lui permet d’offrir au lecteur de vraies clefs d’interprétation.
Nous vous proposons cette traduction avec l’aimable autorisation de The Remnant, qui a publié la version originale de cet article, et de son auteur, Hilary White. – J.S.
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Qui est Marko Ivan Rupnik, et pourquoi les bergogliens l’ont-ils couvert ?
Marko Rupnik : affaire classée
Je parlerai peu du cas du père Marko Rupnik, artiste mosaïste et ancien jésuite, sous l’angle de son histoire et de ses détails. Je préfère parler de son art, et de ce qu’il signifie. On trouve partout les grandes lignes de ce scandale. Le Pillar Catholic a couvert cette affaire de manière assez régulière, avec ses hauts et ses bas – il n’y a là rien d’étonnant si l’on connaît un peu la situation du Vatican et de l’ordre des Jésuites.
L’affaire semble s’être stabilisée, ni le Vatican ni l’ordre des Jésuites n’étant apparemment intéressés par le fond du problème, à savoir que le Slovène Marko Rupnik, la tête d’affiche la plus prisée du régime en matière de révolution culturelle « vaticano-deuxiste », s’est créé un harem personnel de femmes qu’il a manipulées dans le cadre d’activités sexuelles grotesquement pseudo-religieuses, trop épouvantables et blasphématoires pour être évoquées avec quiconque. Il reste prêtre – ayant été brièvement excommunié pour l’un des délits canoniques (crimes canoniques) les plus graves qu’un prêtre puisse commettre, il a été pardonné parce que, nous assure-t-on, « il s’est repenti ». Bon, je suppose qu’il va falloir croire cela sur parole.
Depuis lors, il a été expulsé de la Compagnie de Jésus pour « désobéissance » (aucun détail n’a été fourni), mais son organisation, Centro Aletti, y compris l’« ordre religieux » féminin qu’il a fondé pour la faire fonctionner, reste en place, et ses membres, ainsi que ses amis et défenseurs personnels, occupent toujours des postes importants au sein de la curie romaine.
Même si vous ne connaissez pas son nom, vous connaissez son œuvre
Ce qu’il faut retenir d’emblée, c’est son immense importance en tant que personnage public, en tant que représentant artistique de premier plan du régime post-conciliaire du Nouvel Ordo. Ses représentations sont l’étalon-or de l’esthétique « iconique » et officielle de l’esthétique de Vatican II. A ce titre, il est une célébrité dans le monde du Nouvel Ordo.
Ses mosaïques ornent les façades ou l’intérieur de quelques-unes des églises les plus importantes du monde catholique, y compris Lourdes, Fatima et le sanctuaire où repose Padre Pio ; elles sont à la une des publications catholiques officielles, depuis les missels d’autel jusqu’aux vêtements et draperies liturgiques, en passant par les magazines et les bulletins d’information. Si vous avez assisté à une cérémonie liturgique selon le Nouvel Ordo au cours de ces dix dernières années, vous la connaissez. C’est l’art « officiel » du Nouveau Paradigme. Les projets diocésains aux titres bureaucratiques et boursouflés – tels « La mission de l’Eglise dans le monde moderne à la lumière de Vatican II » du « Centre pour l’enrichissement de la foi » du diocèse de Perth – raffolent de ses œuvres pour illustrer leurs sites web, par exemple.
En Italie, il est également célèbre pour ses prédications, ses exposés catéchétiques et ses conférences qui passent, ou sont passées, régulièrement à la télévision et sont largement diffusées sur YouTube. Bref, il est un éminent porte-parole de l’idéologie du Nouveau Paradigme, un acteur majeur de la diffusion de ses idées auprès des catholiques ordinaires, surtout en Italie.
En 1966, l’artiste suisse Annie Vallotton a été chargée de créer des centaines d’illustrations avec des personnages-allumettes pour La Bible de la Bonne Nouvelle. Compte tenu de la qualité de la traduction en « langage clair », ces images étaient en effet idéales.
L’art par et pour les petits enfants
Nous connaissons tous ce type d’art, du moins d’une manière globale : c’est l’art qui nous indique que nous sommes restés coincés à jamais dans l’ambre de l’année 1969. L’art de Rupnik est l’art du « Vatican-deuxisme », l’équivalent visuel de la musique de Dan Schutte et des Jésuites de Saint-Louis. (Et ce n’est certainement pas un hasard s’ils sont tous deux jésuites).
Ce style est tellement répandu que choisir un seul exemple revient à prendre une feuille dans un monceau de feuilles d’automne. La couverture de ce joyau académique, très lu, j’en suis sûre, en est un exemple très représentatif :
Des images fragmentées pour des esprits fragmentés
Qu’est-ce qui le caractérise ? En un seul mot ? La puérilité. Cet art est délibérément conçu pour avoir un aspect « primitif », à la manière des productions artistiques d’une classe de maternelle : couleurs vives en gros blocs, lignes et angles vacillants, mal assortis ou non parallèles, incohérence visuelle, figures vaguement représentatives – comme les portraits en bâtons qu’un enfant fait de sa mère et de son père. Cela correspondait bien à la mode sociale de la fin des années 1960, qui consistait à rejeter les normes de comportement antérieures et à adopter une approche enfantine, groovy et insouciante de la vie, y compris de la religion. Les règles, dans l’art et la religion, c’est pour les ringards.
Il est intéressant de noter que tout ce qui est publié par le Synode, que ce soit physiquement ou virtuellement, s’appuie fortement sur ce postulat de travail. Les utilisateurs de Twitter se moquent régulièrement de la propagande en ligne du Synode à cause de son esthétique enfantine et incohérente, à la limite de la parodie.
Il s’agit d’un style qui a été mis à la mode dans le monde séculier – principalement dans l’édition et la publicité – dans les années 60. Mais il semble s’être incrusté dans l’esprit des responsables de la production matérielle de l’Eglise catholique comme un rémora sur un requin. Son omniprésence dans l’institution catholique en 2023 indique visuellement que les idées, l’esthétique et les objectifs des années 1960 nous accompagneront à perpétuité, ce qui correspond tout à fait au message souhaité par le régime. Malgré le vaste exode des « jeunes » qui ont déserté les bancs d’église, l’adoption de l’esthétique de 1969 est encore aujourd’hui vigoureusement défendue dans les universités catholiques pour « rendre la foi pertinente » ou « accessible ».
Pourquoi Marko Rupnik a-t-il été si outrageusement protégé par le régime bergoglien ? Parce qu’il ne pouvait en être autrement. Il est l’incarnation vivante de la finalité esthétique de l’ensemble du projet de Vatican II, le Nouveau Paradigme. Il en constitue le propagandiste visuel par excellence, et le condamner de manière significative pour ses crimes reviendrait à condamner le projet tout entier. Ils redoutent certainement qu’une telle condamnation ne soit ainsi perçue comme telle dans l’esprit du public.
Quand on sait tout cela, il est impossible de s’étonner que, comme l’a tweeté Diane Montagna, Rome n’ait nullement l’intention d’approuver le retrait de ses œuvres de tout endroit où elles ont été installées ou utilisées. « Une réunion avec les hauts fonctionnaires du Dicastère du Vatican pour les communications a conclu que rien n’empêchait de continuer à utiliser les mosaïques de Rupnik. Ils ont déclaré que l’œuvre devait être considérée pour ses propres mérites et dissociée de la vie personnelle de l’artiste. »
Un tollé s’est déclenché sur Twitter lorsque le site Internet et la page Twitter en langue italienne vatican.va ont continué à utiliser les œuvres d’art de Rupnik dans leurs publications. On a beaucoup moins remarqué que Natasha Govekar, disciple de Rupnik et membre clef de son organisation, est employée par le Dicastère pour la communication en tant que « directrice de la direction théologico-pastorale ».
Les œuvres elles-mêmes disaient déjà tout
La forme est le sens
Le fait de séparer l’homme de son art est une question importante et nous donne un autre indice sur la raison pour laquelle les échelons supérieurs de la hiérarchie, en particulier à Rome où était basé Rupnik, sont si désireux de continuer à utiliser son travail. Son œuvre est l’expression de ses perversions, ce qui, si vous connaissez un tant soit peu l’art byzantin et l’histoire de l’art liturgique catholique latin depuis les années 60, est parfaitement logique.
« Son obsession sexuelle n’était pas un phénomène isolé, mais profondément liée à sa conception de l’art et à sa pensée théologique. » Cette formule provient d’une de ses victimes de manipulation et d’abus sexuels, interviewée dans les médias italiens et citée par Diane Montagna dans the Pillar Catholic. Dans ce cas précis, l’œuvre – qui est essentiellement idéologique, et non pas religieuse au sens chrétien du terme – ne peut être séparée de l’homme. Son art est une perversion des normes byzantines et il est indissociable de sa perversion de la théologie : celle qu’il a utilisée pour justifier et perpétrer ses crimes ; ils sont tout d’une pièce.
La raison pour laquelle nous avons du mal à le comprendre est qu’en Occident, il y a 500 ans, nous avons définitivement séparé les arts plastiques – la peinture, la sculpture et l’architecture – de la liturgie. Nous avons dissocié l’art chrétien de son lien intrinsèque originel avec la pratique chrétienne. Nous n’apprécions l’art qui orne nos autels que pour sa beauté visuelle, et nous le jugeons selon des critères purement subjectifs.
Dans le christianisme oriental, les icônes font simplement partie de la liturgie et sont inséparables de toute pratique chrétienne. On peut avoir des icônes à la maison pour la dévotion privée, mais leur valeur est dérivée de la liturgie, en tant qu’expression du culte collectif offert à Dieu par l’Eglise. Une icône domestique est considérée comme un objet saint – l’équivalent d’une relique sacrée ou d’un sacrement – en raison de son lien avec la liturgie.
Pendant 500 ans, nos peintures et nos statues ont exprimé les sentiments personnels des peintres et des sculpteurs (et de leurs commanditaires). La liturgie du Nouvel Ordo, avec toutes ses options et son laxisme rubricaire, est devenue une toile au service de l’expression personnelle du clergé ou, plus souvent, des commissions liturgiques des paroisses. C’est ainsi que nous avons abouti à une liturgie qui, aujourd’hui, exprime presque toujours une théologie qui s’éloigne du contenu de la foi.
En un mot, nous avons oublié ce qu’est l’art sacré et à quoi il sert, et qu’il est impossible de le séparer des intentions de ses créateurs.
L’œuvre de Rupnik n’est pas byzantine, c’est une parodie et une perversion de l’art byzantin
Vous rappelez-vous les mots « Hagan lío » ? Ces gens vénèrent littéralement le chaos, le désordre et l’anti-rationalité. Leurs méthodes sont la subversion et la transgression d’expressions du sens auxquelles on tient. C’est pourquoi l’art désordonné, le style de vie désordonné, la théologie désordonnée et la psychologie désordonnée de Rupnik sont tous liés.
Qu’est-ce que cela signifie ? Pour comprendre la nature transgressive et subversive du travail du père Rupnik, il est nécessaire de comprendre le style qu’il parodie. La plupart des gens normaux regardent ses mosaïques et éprouvent un vague sentiment de malaise. Elles sont clairement destinées à évoquer l’art byzantin ancien, mais elles sont d’une certaine manière décalées, « anti-vraies ». L’omniprésence des yeux noirs et vides est souvent soulignée, et constitue l’aspect le plus évident de ce sentiment de malaise.
Mais en réalité, son travail s’inscrit dans une tendance – populaire dans de puissants cercles ecclésiastiques depuis les années 1970 – de faux primitivisme. Il s’agit de singer non pas les formes et les canons – les règles – de l’art byzantin, mais son antiquité et son caractère « primitif » à l’intention les sensibilités modernes.
Il ne s’agit pas d’une imitation de l’art byzantin, mais d’une parodie, qui tourne en dérision son caractère « primitif » aux yeux des Occidentaux de l’après-Renaissance. C’est l’œuvre d’un homme à l’esprit malade et à la volonté désordonnée, qui se moque de ses aînés et de ceux qui le dépassent.
Le véritable art byzantin vise à transmettre le sacré, le bien et le vrai dans toutes leurs perfections ultimes, même lorsqu’il semble un peu rugueux en raison de son antiquité ou des limites de l’époque et du lieu où il fut créé.
Le parfum de vérité, d’ancienneté et d’authenticité qui se dégage de ces images, même si leur exécution est « primitive », est à mille lieues des moqueries narquoises de Rupnik à l’égard de ce style.
Une chapelle égyptienne ou copte éthiopienne vieille de 1.500 ans semblera « primitive » à nos yeux modernes gâchés par les machines. Comme pour toute œuvre réalisée à la main, les lignes sont irrégulières, les pigments naturels sont décolorés, le plâtre de la fresque peut être ébréché et fragmenté. Mais l’œuvre elle-même a été conçue par ses créateurs antiques pour transmettre un sens dans un langage visuel précis qu’ils savaient utiliser.
Chapelle palatine, Palerme
Leur objectif était d’exprimer avec précision des réalités universelles et intemporelles, les perfections absolues de Dieu, à l’aide d’un langage visuel symbolique précis qu’ils maîtrisaient parfaitement, tout comme les spectateurs auxquels ils s’adressaient.
L’art de Rupnik, en revanche, est un art délibérément transgressif sur le plan théologique et esthétique. Son but n’est pas d’illustrer ou même d’expliquer didactiquement les idées théologiques chrétiennes, mais de les déformer. En fait, en prenant ces expressions visuelles de la théologie chrétienne – en utilisant le vocabulaire théologique visuel byzantin traditionnel – il atteint le même objectif que le modernisme théologique verbal : il utilise les mêmes « mots » – les formes visuelles – pour signifier des choses différentes.
Il utilise ce langage sacral pour désacraliser ce dont il parle. Il prend l’extrême précision et la rationalité de l’art chrétien byzantin pour en faire un chaos, un charabia visuel. Son style, qui imite les gribouillages des enfants, implique que les choses chrétiennes qu’il dépeint sont des absurdités, des imprécisions et, en fin de compte, des non-sens, des histoires qui ne conviennent qu’aux enfants. L’art de Rupnik est délibérément subversif par rapport à son matériau d’origine ; il est antirationnel et anti-mathématique.
Regardez ce que je veux dire : voici son ouvrage sur la façade de la basilique de Lourdes :
Une caractéristique majeure du faux-primitivisme catholique des années 1970 est l’asymétrie délibérée. Traditionnellement, les lignes devraient s’accorder et avoir un sens visuel géométrique. Mais ces lignes sont biscornues et ne nous disent rien (j’ai ajouté les lignes rouges pour que ce soit clair). Le Christ du baptême à gauche se situe apparemment aléatoirement plus bas que le Christ de la Transfiguration (peut-être ?) à droite.
Un examen plus approfondi de cette façade nous montre que le caractère aléatoire et le chaos de la composition sont manifestement délibérés et subvertissent délibérément à la fois la Christologie traditionnelle de l’Eglise et les caractéristiques architecturales néo-gothiques (hautement symétriques, mathématiquement précises et symboliques) de l’édifice. Il ne s’agit ni de Christologie catholique ni d’architecture gothique, mais d’une moquerie et d’une subversion délibérées de celles-ci.
Ses lignes et ses angles sont délibérément imprécis, brisés, fragmentés et aléatoires comme on n’en trouve même pas dans la nature, et encore moins dans l’esprit rationnel formellement mathématique de l’homme occidental médiéval ou dans l’art sacré médiéval et byzantin. Des angles qui ne vont nulle part et ne pointent vers rien, et qui sont apparemment ajoutés sans autre raison que de perturber le flux de mouvement d’une figure vers l’autre.
Visuellement et théologiquement, ce n’est qu’un fouillis. Pourquoi tous les angles et les lignes de direction sont-ils aléatoires et asymétriques ? Pourquoi, dans chaque section, le Christ est-il représenté sur le côté, comme s’il n’en était pas le but ? Quel est le message ici ? Qu’il n’y a pas de symétrie ou d’ordre dans la constitution divine ? Que le Christ n’est pas au centre, mais qu’il n’est qu’un des acteurs de l’histoire ? Personne n’a-t-il donc un jour posé la question ?
Voici un examen plus approfondi de la mosaïque de la Transfiguration (ou peut-être s’agit-il d’un Pantocrator, c’est difficile à dire…).
Vous pourriez dire qu’il s’agit simplement d’une représentation normale du Christ dans une « mandorle » – la forme traditionnelle en amande qui représente la porte ou l’ouverture de ce monde vers le ciel –, tenant sa main dans une attitude de bénédiction byzantine classique. Mais regardez plus attentivement.
Dans l’art byzantin et médiéval occidental traditionnel, la mandorle est une forme géométrique mathématiquement précise, qui symbolise les perfections ultimes de Dieu et les réalités célestes.
Mais que nous est-il donné ici ?
Non seulement la forme de Rupnik ne présente pas de précision mathématique, mais elle est délibérément brisée, déséquilibrée, fracturée et imprévisible. Il s’agit d’un ciel qui ne fait pas irruption avec ses perfections dans ce monde naturel aléatoire et chaotique, mais qui est brisé et dissous, vaincu par ce dernier. A l’intérieur, là où normalement nous apercevons les gloires dorées du ciel, il n’y a que le bleu du ciel naturel de ce monde, et des formes inquiétantes, brisées et aléatoires qui pourraient être des rochers noirs et tranchants.
Si vous savez ce qu’est censée signifier une mandorle, vous comprenez aussitôt quel est le message : cette représentation est une répudiation consciente de cette signification, une négation de celle-ci. La mandorle est brisée, inégale, aléatoire ; elle signifie que la réalité de Dieu n’est ni parfaite ni définitive. Même au paradis, il existe des dangers inconnus et imprévisibles, et l’on ne peut pas faire entièrement confiance à Dieu lui-même.
La subversion comme idéologie
Considérons maintenant l’art liturgique de la période postconciliaire – non seulement les peintures, les sculptures et les mosaïques, mais aussi le mobilier d’autel, les vêtements, l’architecture, etc. Il s’agit d’un style inventé à la fin des années 1960 et déployé dans l’Eglise en même temps et pour la même raison que le nouveau rite liturgique. Il a été conçu spécifiquement pour être transgressif, pour vous donner littéralement l’impression d’être déséquilibré, désaxé.
Tout doit être asymétrique, les formes sans relation les unes avec les autres ; les lignes ne vont nulle part et s’arrêtent brusquement, elles sont doubles ou triples mais jamais parallèles, les coins et les angles ne se rencontrent pas, les arêtes irrégulières ne montrent pas de formes cohérentes, et les coins ne sont jamais d’équerre. Tout cela pourrait être justifié, par ceux qui ignorent les canons byzantins, comme étant une « expression personnelle » ou comme obéissant aux normes de l’art représentatif naturaliste moderne – l’impressionnisme, etc.
Mais ce n’est pas ainsi que se présente cet art liturgique. Il se présente comme une « mise à jour » de l’art sacré chrétien byzantin en comptant sur le fait que nous ne remarquerons rien.
Mais le véritable art sacré chrétien byzantin est si précis qu’il peut être cartographié mathématiquement :
Les écarts par rapport à ces canons précis – ces règles – sont justement des écarts, des déviations, des erreurs à éviter dans la mesure où les compétences, les outils et les matériaux disponibles le permettent. Les artistes byzantins s’efforçaient de faire correspondre leur travail à cet idéal précis, et non de le subvertir délibérément.
L’œuvre de Rupnik est une rébellion puérile contre les fondements philosophiques de la pensée chrétienne, tout ce corps de métaphysique qui dit que les choses réelles sont réelles et ne sont pas sujettes à nos caprices et préférences personnels. Personne n’aurait dû être surpris par le fait que la perversion de ces formes artistiques traditionnelles s’accompagne d’autres types de perversions.
Hilary White
On peut retrouver Hilary White sur son site professionnel ici.