Mathiew Otieno sur Mercatornet.com revient sur une réalité trop souvent tue ou mal traitée : la place de l’Eglise catholique en Afrique, non pas en tant que religion, mais en tant que première organisation non gouvernementale (ONG) de fourniture de soins de santé. Cette empreinte se voit d’autant plus que le pays est pauvre : dans certaines régions de l’Afrique subsaharienne, l’Eglise est même le premier prestataire de santé à pouvoir s’occuper des populations.
L’Eglise catholique a vocation à soigner les corps tout autant que les âmes et cette charité, cette compassion tirées de l’application de l’Evangile portent leurs fruits en soutenant, sur le sol africain, la culture de vie dans tous ses aspects – ce qui lui vaut l’ire de bon nombre de prestataires progressistes en termes de santé sexuelle et de « droits reproductifs ». Elles contribuent aussi sûrement à amener de nouvelles âmes à la vraie foi : entre 2011 et 2021, le nombre de catholiques y a augmenté de 33 %, atteignant le nombre de 265 millions.
Les ONG, épine dorsale du système de santé africain
Dans la majeure partie de l’Afrique comme dans celle de l’Europe, les soins de santé sont considérés comme un service public, censé être gratuit ou peu coûteux. Mais en réalité, nous dit Mathiew Otieno, « la plupart des gouvernements africains sont des prestataires de soins de santé pathétiques. Les établissements qu’ils gèrent sont, en règle générale, tellement délabrés, en sous-effectif, dysfonctionnels, sous-financés et inégalement répartis que la plupart des Africains n’envisagent de s’y faire soigner qu’en dernier recours ».
Les établissements non gouvernementaux fournissent donc une part importante des services de santé primaires du continent et sont prisés. Soit ce sont des entreprises strictement privées, dont la clientèle se limite aux membres les plus aisés de la société, c’est-à-dire un pouillème de la population. Soit ce sont des établissements d’un autre type, essentiellement à but non lucratif et pour la plupart confessionnels : nettement plus fiables que le système public, et plus abordables que le système privé, ce sont eux qui attirent la masse des patients africains.
L’Eglise catholique en représente la plus grande part : si à l’échelle mondiale, sa contribution aux services de santé est d’environ 25 %, elle atteint 40 à 70 % dans certaines parties de l’Afrique subsaharienne, en particulier dans les zones rurales isolées, comme en Ouganda où beaucoup d’établissements de soins catholiques fournissent les seuls soins disponibles à la population…
Selon les chiffres du Rapport mondial sur le développement humain intégral publié en 2022, dans le cadre du projet Global Catholic Education, sur les 5.245 hôpitaux dirigés par l’Eglise catholique dans le monde entier, 1.418 sont en Afrique, soit 27 % de l’ensemble. Plus de 35 % des centres de santé catholiques de par le monde se situent sur ce continent et 37,8 % de toutes les léproseries. Les nurseries et les orphelinats représentent, eux, environ 20 %.
Et pourtant, le système, dans son entier, reste bien faible. Pour mille habitants, 16 pays africains proposent entre 1 et 2 lits médicalisés ; 25 pays en proposent moins d’un. Pour comparaison, la France en offre 6 et l’Allemagne, près de 8, des chiffres qui ont pourtant baissé depuis plusieurs années.
L’Afrique : un champ de mission
La tradition des hôpitaux catholiques est longue et remonte à l’Europe médiévale et même au-delà : c’est saint Basile, au IVe siècle, qui fonda le premier hôpital chrétien à Césarée en Cappadoce. L’Eglise catholique fournit ainsi les premiers prestataires de soins de santé modernes dans de nombreux pays. Et l’Afrique est tout particulièrement concernée, de par l’histoire de sa colonisation : les missionnaires ont créé des établissements de santé, généralement à côté des écoles, pour servir les autochtones. Et c’est ainsi qu’au moment de l’indépendance, la plupart des soins de santé du continent étaient assurés par des établissements créés par des missionnaires chrétiens.
Les pays africains ont eu, alors, diverses attitudes. De nombreux gouvernements comme l’Afrique du Sud, désireux de consolider leur contrôle sur les systèmes de santé de leur pays, ont nationalisé bon nombre de ces établissements. Mais dans plus d’une douzaine de pays, comme la République démocratique du Congo ou le Kenya, la part de marché confessionnelle des prestataires de santé représente toujours plus de la moitié du système de santé. Même si les difficultés vont croissantes, comme au Kenya où le Fonds national d’assurance maladie cumule les dettes à leur égard et menace de les faire effondrer… (comme le notait une réplique du film Blood Diamond, « CCA : C’est Ça l’Afrique »).
Même aujourd’hui, donc, les établissements confessionnels constituent la principale source de services de santé dans de nombreuses régions du continent. Et étant donné que l’Eglise catholique est de loin l’acteur le plus important dans ce secteur, « on peut très bien dire qu’elle est l’épine dorsale du système de santé du continent », affirme le journaliste de MercatorNews.
Le caractère sacré de la vie humaine : au cœur de l’éthique des soins de santé de l’Eglise catholique
Ce qui n’empêche pas qu’elle soit constamment attaquée, en particulier pour ses prises de positions sur la santé sexuelle et reproductive et la question du VIH/SIDA. La désapprobation de l’Eglise catholique à l’égard de l’utilisation du préservatif, qui signifiait que les établissements catholiques ne pouvaient pas en distribuer, a suscité beaucoup de colère et de dérision. Plus récemment, la controverse a tourné autour de la contraception et de l’avortement, non fournis par ses établissements de santé. Et comme il s’agit du principal fournisseur de soins dans beaucoup de territoires, ces derniers sont, dans les faits, exclus de ces « services ».
Et ce sont bien évidemment les Occidentaux progressistes qui s’en agacent ! « Pour les Africains ordinaires, blasés par un service gouvernemental médiocre et exclus par des prestataires privés élitistes, les soins de santé catholiques sont une bénédiction. Il est abordable, accessible, de bonne qualité, attentionné et fiable. Ses valeurs sont centrées sur la dignité humaine, ce qui la rend véritablement accueillante pour tous ceux qui en ont besoin. Aucune controverse n’a pu entamer cette réputation. Et il est peu probable que ce soit le cas dans un avenir proche », observe Mathew Otieno.
Ce furent aussi les mots, en septembre dernier, de l’archevêque Paul Richard Gallagher, secrétaire pour les relations avec les Etats et les organisations internationales du Saint-Siège, lors de la 78e Assemblée générale des Nations unies à New York : « Les soins de santé fondés sur la foi témoignent également du dignité inaliénable de la personne, qui doit être au centre des efforts pour parvenir à une couverture sanitaire universelle, en mettant l’accent sur la guérison et l’accompagnement de chaque personne dans sa totalité. »
Que nous enseigne la parabole du Bon Samaritain sinon cette compassion en action si caractéristique du ministère de l’Eglise ? Elle nous montre les œuvres de miséricorde corporelle qui précèdent les œuvres de miséricorde spirituelle : les soins du corps avant ceux de l’âme. Et les fumées de la culture de mort ne pourront jamais entacher ces valeurs fondamentales.