Absolution collective, mariage impromptu béni (?) dans la foulée : la nouvelle nouveauté du pape François

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Vous souvenez-vous du mariage à 30.000 pieds célébré par le pape François qui avait béni dans l’avion l’union d’un hôte et d’une hôtesse de l’air mariés civilement depuis dix ans, et n’ayant jamais trouvé le temps de passer devant Monsieur le curé ? Ce vrai-faux mariage impromptu n’est désormais plus un cas isolé. Une nouvelle cérémonie très peu canonique vient de se dérouler à la maison Sainte-Marthe au profit de Noelia Franco et d’Omar Caballero, deux Uruguayens mariés civilement depuis 24 ans, parents de cinq filles, qui eux non plus n’ont jamais trouvé moyen d’accomplir leur « rêve » de se marier à l’église. Cette fois, il y a eu une absolution collective, et en guise de mariage sacramentel, au lieu de la simple bénédiction de leur union demandée par le couple, une cérémonie expédiés en une minute trente avec remise de certificat à la clef. Encore une nouveauté innovante qui s’assoit sur les exigences canoniques habituelles…
 
Tout a commencé avec la guérison de leur fille Sara, qui se trouve en soins intensifs à Montevideo à la suite d’un problème respiratoire. Elle est guérie après avoir été touchée par quelques gouttes d’eau bénite par le pape François, rapportée de Rome par une amie. En Uruguay, la nouvelle se répand – Noelia Franco a toujours travaillé dans la presse et dirige depuis une douzaine d’années une entreprise de relations publiques – de telle sorte qu’elle décide de faire le voyage de Rome avec la petite pour remercier le pape. En avril 2017, à l’occasion de cette audience sur la place Saint-Pierre, elle obtient un nouveau flacon d’eau bénite par le Saint-Père et de retour à Montevideo, en distribue autour d’elle.
 

Le mariage béni en une minute trente par le pape François à Santa Marta

 
Les miracles – dit-elle – vont se multiplier. Le 27 juillet dernier, Noelia a envoyé un courriel au P. Fabian Pedacchio, jadis homme de confiance du cardinal Bergoglio à Rome et même son informateur sur tout ce qui se passait à la Curie, comme le raconte Henry Sire dans Le Pape dictateur, aujourd’hui secrétaire particulier du pape. Elle sollicite une invitation à l’audience publique du mercredi19 septembre sur la Place Saint-Pierre, en insistant sur le lien particulier de sa famille avec François, et en lui joignant une lettre adressée à celui-ci, dont voici l’essentiel :
 

La lettre de Noelia Franco au pape François

 
« Les bénédictions ont continué de se multiplier, à tel point que toutes les personnes auxquelles j’ai rapporté de l’eau bénite du Vatican ont reçu un miracle : une journaliste amie s’est retrouvée enceinte (c’était une des dernières possibilités qu’elle avait de l’être), la fille d’une autre journaliste a été guérie d’une maladie congénitale, une autre journaliste amie a vaincu son cancer et elle est aujourd’hui enceinte.
 
« Nous aimerions pouvoir vous remercier pour toutes les bénédictions que nous avons reçues depuis le moment où vous nous avez fait revenir à notre foi en l’Eglise, et que vous bénissiez notre mariage.
 
« Cette année, cela fait 24 ans que nous sommes mariés, mon mari et moi. Comme nous sommes mariés nous n’avions pas d’argent pour les alliances et encore moins pour la fête ou la robe blanche. Nous sommes toujours restés avec l’idée que nous devions nous marier à l’église, mais parvenir à vous voir avec notre famille serait la plus grande bénédiction que nous puissions recevoir.
 
« En tout, nous sommes quatre adultes, deux adolescentes et deux enfants.
 
« Sans vouloir abuser, nous vous demandons seulement 30 secondes pour vous remercier ; nous serons en voyage à Rome du 13 au 20 septembre, nous aimerions que vous-même et votre équipe acceptiez d’avoir cette rencontre avec notre famille avec vous au jour que vous jugerez opportun, ou lors de l’audience du mercredi 19 septembre.
 
« Que Dieu vous bénisse, François… »
 

Une audience privée à la Maison Sainte Marthe pour Noelia Franco et Omar Caballero

 
La réponse ne tardera pas, et ce sera une surprise : le pape leur donne rendez-vous à la Casa Santa Marta, le 19 septembre, trois quarts d’heure avant l’audience générale.
 
L’entrevue aura duré, en définitive, un quart d’heure. C’est davantage que les « 30 secondes » demandées par la famille pour une bénédiction à la va-vite, mais pour autant, il est difficile de parler d’une cérémonie de mariage.
 
Toute la famille Caballero Franco s’est retrouvée dans un salon avec le pape François, pour une conversation à bâtons rompus, souriante et légère, où le pape a volontiers laissé la famille prendre de nombreuses photos avec lui, regardant aussi leurs photos de famille. Il leur a donné des conseils pour un mariage durable : « Contigo, pan y cebolla » – « Avec toi, du pain et des oignons », expression qui remonte à l’Antiquité en Egypte où le pain et les oignons étaient les aliments des pauvres, et qui signifie donc qu’on restera ensemble qu’on soit riche ou qu’on soit pauvre.
 
Puis le pape – on peut le voir sur la vidéo mise en ligne par Noelia Franco – a donné l’absolution à tout ce petit monde, non sans avoir nommé quelques-uns des péchés qui ont pu exister, comme les « accrocs dans le mariage qu’il y a certainement eus », mais en remerciant aussi pour la grâce de Dieu qui a « gardé cette famille aussi unie », et pour « tant de fruits » qu’elle a donnés : « C’est une grande grâce. » La grâce propre à l’union civile, sans doute ? Et il les a bénis en affirmant les absoudre « de tous leurs péchés ».
 
Le pape a alors demandé au couple de se donner la main, en leur demandant : « Voulez-vous rester ensemble ? »
 
Noelia se tourne vers Omar : « Tu es sûr ? »
 
« Oui, évidemment », dit-il.
 
Le pape la regarde, et elle ajoute : « Oui… »
 
Puis il les a bénis de nouveau, demandant à Dieu de les « garder toujours unis », et de leur donner « la grâce d’avoir beaucoup de petits-enfants ».
 
Puis Noelia, visiblement surprise et émue, dit : « Ça y est, nous voilà mariés. »
 

Absolution collective et mariage béni dans la foulée, une nouveauté de plus au Vatican

 
Le jour même, Noelia a tweeté la vidéo, avec ces mots : « Et un jour… le pape qui parle ta langue te marie en privé tous les yeux de tes enfants. Je suis sans mots, 15 minutes d’audience privée avec @Pontifex_es à Santa Mara où s’est réalisé notre rêve de nous marier à l’église et de faire bénir notre mariage. »
 
Et d’expliquer que ce qui l’avait le plus frappée chez François, c’était son « humilité ».
 
Le site uruguayen Telenoche précise que « Franco et Caballero dirigent une entreprise familiale qui se charge de la communication professionnelle d’entreprises et d’organismes publics ; elle est catholique et elle s’est rendue plus d’une fois au Vatican ». Il n’est pas précisé si Omar est catholique aussi, mais quelle importance, après tout, puisque le pape lui a donné l’absolution…
 
Sans doute ce nouveau mariage express suscitera-t-il de nombreux commentaires de la part de canonistes, ne serait-ce que parce qu’aucune forme ou quasi n’a été respectée, et l’on entendra aussi, comme ce fut le cas pour le premier mariage en l’air, dénoncer le rigorisme de ceux qui pensent que la démarche est pour le moins imprudente.
 
Reste l’impression générale : un couple marié civilement et qui reste ensemble, ayant renoncé pour telle ou telle raison futile – ici la pauvreté du début n’est pas confirmée par la suite de la vie puisque Noelia et Omar ont plus s’offrir plusieurs voyages intercontinentaux, et cette fois avec l’ensemble de leurs enfants, gendres, petite-fille – à se marier devant Dieu, n’ont finalement pas si mal agi que cela, une bénédiction entre deux portes faisant l’affaire.
 
Ici ce n’est pas la sincérité des nouveaux époux qui est en cause, mais bien la légèreté pontificale dans un monde où le sens du mariage est déjà tellement dévalué.
 

Jeanne Smits