Voilà qui ne va pas arranger les affaires de Mark Rutte, Premier ministre des Pays-Bas, et Angela Merkel, chancelier d’Allemagne. Selon le quotidien allemand Die Welt, les deux leaders européens se sont secrètement entendus avec la Turquie d’Erdogan pour accueillir des dizaines de milliers de réfugiés, jusqu’à 150.000 à 250.000 par an, sans que les autres membres de l’Union européenne en aient été avertis. Si l’information s’avère, c’est un double problème qui se pose au « couple infernal » : d’une part, les autres pays de l’UE peuvent légitimement demander des comptes, et de l’autre, l’effet sur les élections nationales à venir pourrait se révéler désastreux pour les intéressés. Aux Pays-Bas, c’est littéralement demain : on vote le 15 mars.
On pensait tout savoir de l’accord conclu par l’Union européenne avec la Turquie il y a un an, le 18 mars 2016, pour tenter de résoudre la crise migratoire, à l’heure où la Turquie recevait des centaines de milliers de réfugiés, de Syrie notamment. La Turquie servait de plaque tournante pour les passeurs aidant les réfugiés – authentiques ou non – à passer une frontière européenne, passeport pour l’établissement dans n’importe quel pays de l’Union. Il s’agissait d’organiser le retour des clandestins pris par les Grecs vers la Turquie, en échange de l’accueil de Syriens ayant officiellement déposé une demande d’asile et se trouvant dans un camp en Turquie, dans la limite de 72.000 personnes. Le tout s’accompagnait d’une promesse de versement de 3 milliards d’euros supplémentaires par l’Union européenne jusqu’à la fin de 2018 et l’abolition de l’exigence de visa pour les citoyens turcs désirant se rendre dans l’UE. La mise en œuvre de l’accord a connu quelques déboires, on s’en souviendra.
L’accord secret de Mark Rutte et Angela Merkel sur les réfugiés secoue leurs pays respectifs
Selon Die Welt, c’est en marge de ces discussions que Rutte et Merkel ont fait des promesses qui allaient bien au-delà de ce que l’Union européenne a fini par accepter. Tout cela est exposé dans un livre que vient de sortir le journaliste Robin Alexander, qui évoque une réunion discrète des deux chefs de gouvernement à la veille des pourparlers entre l’Union européenne et la Turquie, le 6 mars 2007, à Bruxelles, avec le Premier ministre turc d’alors, Ahmet Davutoglu.
L’objet de leur accord, mais non son volume, fut présenté le lendemain au Conseil de l’Europe – alors présidé par les Pays-Bas – comme constituant la proposition « surprise » de Davutoglu, qui devait aboutir à un accord sur « l’accueil volontaire pour motif humanitaire ». Personne n’était au courant du nombre de 150.000 à 250.000 réfugiés sur lesquels les trois interlocuteurs de la veille étaient tombés d’accord.
Accueil de 250.000 nouveaux réfugiés depuis la Turquie ? Tout était caché
Selon Die Welt, ce fait est attesté par plusieurs personnes qui ont été impliquées dans les négociations discrètes.
Le journal croit également savoir que Rutte et Merkel se sont employés depuis lors à tenter de convaincre les autres pays de l’UE de recueillir ses nouveaux réfugiés, étant entendu qu’un demandeur d’asile accepté dans un pays de l’Union peut théoriquement se rendre dans n’importe quel autre pays du territoire.