Affiches du concert pour les chrétiens d’Orient, recul de la RATP : la huée médiatique reste ambiguë

Affiches du concert pour les chrétiens d'Orient, recul de la RATP : la huée médiatique reste  ambiguë
 
Si l’État français ne sait pas nommer les chrétiens par leur nom, quand ils tombent martyrs de leur foi, en Lybie ou au Kenya, il sait en revanche saisir l’occasion de redorer son blason sur le dos d’autrui, en l’occurrence de la RATP. On ne va sûrement pas s’en plaindre – les Chrétiens d’Orient ont bénéficié du remous médiatique et le concert du groupe « Les Prêtres » aura sans doute d’autant plus de succès. Néanmoins, la leçon donne à réfléchir. Poursuivie par une gent politique à l’unisson incroyable dans sa dénonciation choquée et attristée, la RATP a dû faire recul et va apposer le bandeau, initialement refusé, sur les nouvelles affiches du concert : « au bénéfice des chrétiens d’Orient » – le triduum pascal a donné son meilleur relief.
 

Recul de la RATP qui revient sur son « principe de neutralité »

 
C’est Monseigneur di Falco ancien porte-parole des évêques de France et fondateur du groupe musical, qui a, le premier, tiré la sonnette d’alarme. La campagne publicitaire pour le concert prévu le 14 juin prochain à l’Olympia, a été apposée du 24 au 30 mars, en 250 exemplaires ; et ne comportait pas la mention fâcheuse, censurée par la RATP, pour soumission au « principe de laïcité ».
 
« La RATP et sa régie publicitaire [Metrobus] ne peuvent prendre parti dans un conflit de quelque nature qu’il soit » selon leur communiqué commun. « Toute atteinte à ce principe ouvrirait la brèche à des prises de positions antagonistes sur notre territoire ». Annoncer que ce concert était offert au profit de ces chrétiens d’Orient est « une information se situant dans le contexte d’un conflit armé à l’étranger et (…) le principe de neutralité du service public qui régit les règles de fonctionnement de l’affichage par Métrobus, trouve en effet dans ce cas à s’appliquer ».
 
Il serait facile de coincer la RATP qui a donné, par ailleurs, de nombreux gages de sa partialité… que ce soit pour célébrer le ramadan ou pour afficher les embrassades de couples gais et lesbiens.
 
Partialité qu’elle assume en général jusqu’au bout. Sauf pour cette fois… Elle a d’abord tenté d’expliquer sa position, a annoncé samedi qu’elle procéderait à une nouvelle campagne d’affichage, « dans un souci d’apaisement », qui mentionne le nom de l’association bénéficiaire, à savoir « L’œuvre d’Orient » – mais toujours pas le mot « chrétien ». Puis a fini par céder, lundi soir, en rétablissant le bandeau initial.
 

La défense de « victimes de la barbarie » : la huée médiatique

 
Ce n’est pas la dénonciation de la Conférence des Évêques de France ou la saisie en référé du TGI de Paris par la Coordination des chrétiens d’Orient en danger qui lui ont fait peur.
 
Dire qu’elle avait le choix serait prétentieux ! La curée médiatique, brusque et bruyante, a été énorme. Jamais un sujet n’avait si bien réuni la gent politique dans son ensemble. Le premier à dénoncer cet « intégrisme laïc » fut un député du parti radical de gauche, Joël Giraud, suivi par le Parti Communiste. De Valérie Pécresse à Ségolène Royal, de Jean-Luc Mélenchon à Jean-Paul Huchon, tous y ont été de leur petit tweet ou même de leur petit discours comme le Premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, qui a appelé « solennellement la RATP à revenir sur [sa] décision » – tout comme le Président du Sénat, Gérard Larcher, qui a dénoncé une interprétation « abusive » de la laïcité (il est gentil !).
 

Le sketch des affiches du concert

 
Manuel Valls a assuré avec emphase les chrétiens d’Orient de son « soutien total ». Jusqu’à ce qu’Alain Vidalies, qui exerce la tutelle de l’entreprise de transports, annonce lundi avoir fait intervenir sa directrice de cabinet auprès de la RATP… Quelques heures plus tard, arrivaient les tweets frénétiques du Vert Jean-Marie Vincent Placé : « la mention Chretiens d’Orient sera rétablie sur les affiches » !
 
Un sketch ? On aurait cru. Les ondes ont amplifié la huée – Pascal Praud sur RTL ou Jean-François Colosimo sur BFM TV… C’est comme si tout le monde se réveillait – « voyez ce drame des chrétiens en Orient ! » On donne la parole à ceux qui crient dans le désert depuis des années et on s’étonne des massacres, la larme à l’œil !
 

Chrétiens d’Orient : l’ambiguë politique de l’Occident

 
Ces mêmes jours, pourtant, l’Élysée faisait paraître son communiqué de soutien au peuple keynian et ses 147 victimes chrétiennes de l’attentat de Garissa, en parlant du « terrorisme le plus abject, celui qui s’attaque à la jeunesse, au savoir et à l’éducation »De la foi chrétienne, il ne faut pas parler.
 
Alors, Laurent Fabius peut se targuer d’avoir saisi le Conseil de sécurité de l’ONU à propos de la situation des chrétiens d’Orient, afin d’élaborer une véritable « charte d’action » qui puisse les protéger et faire cesser l’hémorragie. Mais de combien de millions de chrétiens ont-ils attendu le départ, avant de commencer à dire haut et fort qu’il fallait s’occuper de cette terrible tragédie ? ! Que sauveront-ils à présent ? ! Les derniers restes – uniquement pour ne pas, eux, être en reste, au regard de la société.
 
La politique occidentale vis-à-vis des chrétiens d’Orient reste éminemment ambivalente. Ces martyrs, que le Pape a dit hier « plus nombreux qu’au premier siècle de la chrétienté », ne sont d’abord et avant tout, et Valls l’a fort bien dit dans son tweet de soutien, que des « victimes de la terreur obscurantiste »… à savoir « l’islam intégriste ». Ils les sauveront, volontairement tard, et pour servir au final à la définition coercitive de leur laïcité républicaine – dont les chrétiens seront les premiers à pâtir, avant les musulmans.
 
Clémentine Jallais