Agence de biomédecine : des spots à la radio pour inciter au don de sperme et d’ovules

Agence de biomédecine des spots à la radio pour inciter au don de sperme et d’ovules

 
C’était prévu par les lois de bioéthique révisées avant l’accession au pouvoir de François Hollande, mais c’est la première fois que l’Agence de biomédecine mène campagne pour inciter au don de sperme et d’ovules par le biais de la radio. Elle a annoncé la diffusion de spots entre le 1er et le 15 juin sur plusieurs radios nationales. L’idée est de venir à bout d’une certaine réticence à l’égard du don d’ovocytes en France : de 2006 à 2010, on a enregistré une chute de 15 % du nombre de donneurs, malgré un matraquage en faveur des nouvelles formes de « parentalité ».
 
Il y a quelque chose de particulièrement dérangeant dans cet appel public et publicitaire au don de son matériel génétique. Si le don du sang – par exemple – relève de l’altruisme, le don de sperme ou d’ovules s’inscrit dans un contexte d’apparente générosité, mais de vraie manipulation de l’être humain. Car il vise à donner à des parents potentiels un enfant qui ne sera pas du tout, ou seulement en partie le leur.
 
C’est d’autant plus paradoxal qu’en même temps le mouvement pour la reconnaissance des enfants nés sous X ne fléchit pas et que les dispositions légales cherchent aujourd’hui à faciliter la recherche des antécédents biologiques, eu égard aux difficultés des enfants privés de leurs racines par l’anonymat.
 

Don de sperme et ovocytes pour fabriquer des enfants sans histoire

 
Or le don d’ovocytes est en France anonyme de par la loi : l’idée est donc d’aggraver officiellement la situation en tentant de faire naître davantage de bébés coupés de leurs parents biologiques, sans que la moindre question ne soit posée. Ni sur les aspects psychologiques de la question – pour les parents comme pour les enfants –, ni sur les problèmes physiques plus nombreux chez les enfants issus d’une conception in vitro, ni sur la torture vécue par nombre de femmes donneuses d’ovules en raison d’une procédure médicale qui violente leur corps. Ne parlons même pas des aspects moraux…
 
Au contraire : sur les ondes, on évoquera l’altruisme et la générosité de ceux qui se prêteront au jeu, la souffrance des couples sans enfants, sans un mot pour les souffrances des enfants qui seront fabriqués pour répondre à leur désir – en soi compréhensible et légitime, mais qui ne saurait être assouvi à n’importe quel prix.
 
Non. On sera, de manière assumée, dans une logique de réclame, de langage publicitaire. Autant dire que c’est d’avance empêcher la réflexion et la critique pour mieux « vendre » un produit – en l’occurrence, une démarche.
 

L’Agence de Biomédecine fait sa publicité à la radio : des spots dès le 1er juin

 
L’Agence de biomédecine met en avant le nombre de couples en attente de dons : elle en compte 3.000 et pour eux, elle demande cette année « 900 donneuses et 300 donneurs » – sachant que la fabrication de plusieurs demi-sœurs ou demi-frères éparpillés dans la nature sans connaître leur hérédité est passée par pertes et profits. Selon le Pr Dominique Royère, responsable des dons, « chaque donneur peut faire connaître le bonheur de devenir parents à plusieurs couples touchés par une infertilité médicalement diagnostiquée ». A priori les couples homosexuels en sont exclus – pour combien de temps ?
 
La campagne visera à attirer les donneurs sur les sites de l’Agence de Biomédecine intitulés – comme c’est téléphoné ! – « donneurdebonheur » et « donneusedebonheur ». Foin de l’idéologie du genre ! Il y en a un pour les messieurs, un pour les dames, on ne mélange pas ! La complémentarité des sexes s’impose quand c’est pour le bien de la culture de mort…
 
Une fois « ferrés », les auditeurs de radio sont invités à répondre à un questionnaire sur leur « générosité ». Comme on imagine mal que les sondés revendiquent leur absence de sens social et leur « plaisir d’offrir », les attirer ensuite vers les sections des sites incitant lourdement au don relève d’un jeu d’enfants…
 

Inciter au don de sperme et d’ovules, une manifestation de la culture de mort

 
Chez les femmes, la présentation à la une du site des taux de réussite a pourtant de quoi faire peur : on y apprend qu’« en 2013, 456 femmes ont fait un don d’ovocytes pour près de 800 fécondations in vitro pour des couples », mais que seuls « 198 enfants » sont nés dans ce cadre de l’assistance médicale à la procréation. Plus de 75 % de déchets ? D’embyrons détruits ou non parvenus à maturité une fois implantés ?
 
Chez les hommes, les chiffres sont encore plus effarants : 268 hommes ont fait un don de sperme pour un total de 11.830 paillettes congelées en 2013, permettant la naissance de 1.069 enfants. Soit un même taux de déchet – et pour chaque donneur, une moyenne de quatre enfants, éventuellement éparpillés à travers sa région ou à travers la France, qu’il ne connaîtra jamais.
 
On fabrique des orphelins, des enfants adultérins… Surtout, on fabrique. La technicisation du don de la vie est aujourd’hui suffisamment en marche pour qu’on puisse en « vendre » le principe à travers de spots à la radio. Preuve que la vie est devenue un matériau que l’on gère, et que l’enfant est bien assimilé à une marchandise…
 

Anne Dolhein