Accord commercial Etats-Unis-Mexique : l’Alena agonise, le libre-échange recule mais la souveraineté reste menacée

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L’Alena est mort, vive l’accord commercial Etats-Unis-Mexique. Conclu lundi 27 entre Donald Trump et le président mexicain sortant Enrique Pena Neto, le nouveau texte est le premier pas dans la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) entré en vigueur en janvier 1994 entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique, et voué aux gémonies par Donald Trump en raison de son impact massif sur l’emploi aux Etats-Unis. Le nouveau texte, bilatéral, est un « très bon accord », a lancé le président Donald Trump après des semaines de négociations pour traiter en priorité du principal contentieux, l’industrie automobile, largement délocalisée au sud du Rio Grande. Il aborde aussi le droit du travail, l’agriculture et la propriété intellectuelle. Mais, grave lacune, il laisse ouverte la possibilité d’un transfert à des instances supranationales de domaines entiers de souveraineté.
 

L’Alena, un désastre pour l’emploi aux Etats-Unis

 
Donald Trump accusait l’Alena d’avoir entraîné un désastre en matière d’emploi aux Etats-Unis. Il pourrait entreprendre une négociation séparée avec le Canada, ce qui signerait la mort définitive de l’Alena, alors qu’il envisage d’établir des taxes douanières sur les automobiles importées depuis la rive nord du lac Ontario. Le Mexique préfèrerait un accord trilatéral qui créerait une sorte d’Alena-bis.
 
Jared Kushner, conseiller de Donald Trump, s’est félicité que l’accord eût été conclu « en un temps record ». Bien évidemment, les industriels états-uniens liés au commerce international du NFTC (trois cents grandes compagnies) plaident pour une résurrection de l’Alena, de même que les grands commerçants détaillants de la NRF qui affirment que ce traité moribond « soutient des millions d’emplois aux Etats-Unis » et offre « aux familles américaines (…) des prix plus bas ». Ils se gardent de préciser que les emplois industriels, eux, se sont évaporés et que les produits qu’ils proposent à leurs clients à bas prix viennent du Sud voire de Chine.
 

L’accord commercial Etats-Unis-Mexique porte à 75 % le contenu des autos issu d’un des deux pays

 
L’accord prévoit que « 75 % du contenu des automobiles soit issu des Etats-Unis et du Mexique – et non plus 62,5 % avec l’Alena. Il stipule que 40 à 45 % des composants d’une voiture soient produits par des salariés payés au moins 16 dollars US de l’heure.
 
« Nous appellerons (cet accord) United-States-Mexico Trade Agreement et nous nous débarrasserons de l’acronyme Nafta », Alena en anglais, a dit Donald Trump, acronyme qui « avait une mauvaise connotation qui a gravement handicapé les Etats-Unis depuis des années », citant, outre les ouvriers de l’automobile, les exploitants agricoles. Penas Neto déclaré pour sa part : « Nous avons tous deux négocié la paix sur l’Alena (par un texte) qui dynamisera et renforcera la productivité en Amérique du Nord ».
 

Les opposants au dogme libéral-socialiste du libre-échange restent sur leurs gardes

 
Reste que, derrière les coups de clairons, les opposants au dogme libéral-socialiste du libre-échange voient poindre quelques sujets de préoccupations. D’abord parce que cet accord ne sera applicable au mieux qu’à la fin de l’année. Ensuite parce que Canada et Mexique sont de petits partenaires pour les Etats-Unis qui ont plus besoin de leur grand voisin que l’inverse : les Etats-Unis représentent le quart des 87.000 milliards de dollars du PIB mondial alors que le Mexique n’en génère que 1 % et le Canada 2 %… Ce dernier est gouverné par le libéral-socialiste Justin Trudeau, fanatique adepte du globalisme multiculturaliste anti-occidental, et le Mexique par Penas Neto, socialiste à la tête d’une des administrations les plus corrompues de la planète. Penas Neto est soupçonné d’avoir accordé des contrats d’exception au pétrolier brésilien Odebrect contre un financement illégal de sa campagne. Il pourrait devenir le premier président mexicain à être incarcéré durant son mandat.
 

L’accord commercial Etats-Unis-Mexique laisse la porte ouverte à des transferts de souveraineté

 
L’accord commercial Etats-Unis-Mexique prévoit aussi une clause de révision sous cinq ans au lieu d’une durée de vie de 16 années avec une revoyure tous les six ans. Le président-élu Andres Manuel Lopez Obrador, qui entrera en fonctions en décembre, s’est félicité que l’accord préserve la souveraineté du Mexique, en particulier sur la propriété nationale des ressources énergétiques. Lopez Obrador pourrait bloquer voire éliminer les contrats des pétroliers privés, préférant inonder la compagnie nationale Pemex d’argent public. Mais par-dessus tout, comme le souligne Art Thompson de la John Birch Society, l’accord, qui revient à négocier bilatéralement l’Alena, « laisse intacte la perspective d’une fusion à venir de domaines de souveraineté du gouvernement mexicain, canadien et états-unien », et donc d’un supranationalisme destructeur des identités et pouvoirs locaux.
 

L’un des arguments de Trump : la mort de l’Alena freinera les importations de Chine

 
Donald Trump plaide, pour sa part, avoir fait un grand pas pour sortir du dogme du libre-échangisme. Répondant à des sénateurs globalistes, il a prévenu qu’ils oubliaient de dire que les Etats-Unis « ont perdu des emplois et plus de 800 milliards de dollars par an » du fait du « stupide » traité Alena, tandis que « ces mêmes pays (partenaires) nous imposent des droits de douanes mortels ». Autre argument, celui de la résistance à la Chine, longtemps considérée comme l’intrus dans l’Alena depuis son admission à l’OMC, qui avait entraîné une hausse colossale de ses exportations vers les Etats-Unis et le Mexique, et de son excédent commercial avec eux. La Chine a pris des part d’exportations des deux pays l’un vers l’autre.
 
Avant l’entrée de la Chine à l’OMC, les Etats-Unis vendaient 60,8 % des appareils de bureau et ordinateurs importés par le Mexique, taux qui s’est effondré à 10 % après. En 2009, une étude montre que 84 % des exportations de produits manufacturés mexicains vers les Etats-Unis étaient menacés par la Chine, et 96 % dans l’autre sens. De quoi démontrer, pour reprendre l’expression du secrétaire au Commerce de Donald Trump, Wilbur Ross, que l’Alena fut « la voie détournée » pour l’entrée de produits chinois aux Etats-Unis via Mexique et Canada.
 

Matthieu Lenoir