L’Allemagne aux prises avec le vieillissement prématuré de panneaux solaires

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L’Allemagne fait partie des pays qui ont le plus investi dans les énergies dites « renouvelables », mais peut-être sans se rendre compte que le mot renouvelable a plusieurs sens. Il apparaît ainsi que sur le très important parc de panneaux solaires du pays, un problème de vieillissement prématuré se fait jour : la production de quelques 10 GW pourrait en être affectée. Il s’agirait de près de 15 % de la capacité d’énergie photovoltaïque totale affichée, et les coûts de remplacement des éléments défectueux, si l’estimation est juste, ont été évalués à 2 milliards d’euros.

Le problème est notamment lié au film sombre à l’arrière des panneaux : on commence à découvrir des craquelures en damier, dont certaines visibles depuis la surface, d’autres cachés ; ce dernier point fait qu’on s’attend à trouver un nombre important de films endommagés dont on ne soupçonnait pas l’existence.

 

Une bombe à retardement à 10 GW ?

Le journal professionnel pv magazine, rendant compte des inquiétudes suscitées par cette « bombe à retardement », évoquait récemment l’exemple d’un particulier ayant des panneaux solaires sur le toit, installés il y a 11 ans. Outre les craquelures, on y a découvert de l’humidité entraînant des fuites de courant entre les terminaux positifs et la terre ; l’onduleur qui mesure l’isolation ne s’active pas quand celle-ci est trop faible… Chez ce propriétaire, près de 50 % des panneaux présentaient ce type de problème. Tuile supplémentaire : au moment du diagnostic, les installateurs n’avaient pas le temps de faire les réparations indispensables.

Les films dits « AAA », réalisés en polyamide à trois épaisseurs et très largement utilisés entre 2010 et 2013, sont connus pour leur tendance à devenir cassants, et à être donc sujets aux fissures, mais le changement de matériaux n’a pas réglé le problème : les modules plus récents commencent à montrer les mêmes défaillances.

 

Le vieillissement des panneaux solaires : un problème de sécurité

Hélas, il ne s’agit pas seulement de pannes affectant la production d’électricité. Il existe un risque d’électrocution si l’on manipule les modules solaires par temps de pluie et ils présentent un risque accru d’incendie. En outre, la perte de production constatée peut être mineure alors même que le panneau est endommagé au point de devenir dangereux, sans qu’on s’en aperçoive. On ne sait pas non plus combien de temps les panneaux peuvent continuer d’être utilisés en toute sécurité à partir de l’apparition des premiers signes de vieillissement prématuré.

Un projet d’évaluation a été lancé en Allemagne, impliquant plusieurs groupes de scientifiques mandatés par des fabricants : l’Anomalous Project. C’est Bernard Weinreich de HaWe Engineering qui a avancé le chiffre de 10 GW menacés, dont 2 GW correspondant à des panneaux gravement affectés installés entre 2010 et 2012. 6 autres gigawatts correspondent à des panneaux installés entre 2004 et 2014 ; leur défaillance est attendue avant l’écoulement des 20 années de leur durée de vie théorique.

L’intérêt des propriétaires de panneaux solaires est évidemment que leur exploitation dure le plus longtemps possible. Ils ont été aussi avantagés par l’augmentation des prix de l’électricité. Mais pour beaucoup les perspectives s’annoncent moins bonnes que prévu, car il faut non seulement remplacer plus tôt, les panneaux eux-mêmes sont devenus plus chers depuis l’année dernière.

 

L’énergie renouvelable en Allemagne est trop souvent une énergie à renouveler…

Les normes de sécurité sont également un facteur de complication puisque les panneaux doivent pouvoir être touchés sans danger – encore heureux ! – par des personnes n’ayant pas de connaissances particulières à leur sujet. Le groupe Anomalous doit maintenant cataloguer et identifier les signes de défectuosité ainsi que leur danger potentiel pour fournir une procédure systématique de vérification, qui elle-même mobilise nombre de techniques et appareils coûteux. Et ce d’autant que les problèmes affectant les films ne sont pas les seuls à toucher l’étanchéité des panneaux solaires : on y trouve fréquemment des câbles qui ne sont pas résistants à l’eau.

Et comme si cela ne suffisait pas, les panneaux de toiture ont une faiblesse supplémentaire : l’exposition aux hautes températures peut là encore causer une dégradation accélérée, dans des proportions que l’on ne connaît pas, faute de statistiques fiables. « Dans certains cas, il ne reste que quelques années pour réaliser une rénovation avant de voir la production s’arrêter totalement », note Weinreich.

 

Réparer… ou remplacer : des panneaux solaires peu « écologiques » en Allemagne

Les garanties, note par ailleurs une source interrogée par le magazine, ne fonctionnent effectivement que si les fabricants ont envie de continuer de vendre en Allemagne, et on peut s’attendre à de longues procédures. A ce jour, de tel litiges n’ont jamais été résolus en faveur des utilisateurs de certaines marques chez qui « les termes de la garantie sont alors conçus de manière à rendre quasi impossible sa mise en œuvre », constate l’avocat Andreas Kleefisch. La meilleure solution pratique est le plus souvent de remplacer les modules défectueux, mais en s’assurant de ne pas monter en ligne des éléments anciens et nouveaux.

La seule solution juridique semble être de plaider le défaut de fabrication ou d’espérer, comme cela s’est fait en certains cas aux termes d’accords couverts par le secret, obtenir un rabais pour l’acquisition de nouveaux modules.

Pour la petite histoire, la production d’énergie solaire en Allemagne à l’heure d’écrire ces lignes, en milieu de matinée, est de 18,3 GW, soit moins de 27 % de la puissance nominale. Et nous sommes en été…

Ça sent un peu l’arnaque, non ?

 

Anne Dolhein