Les agriculteurs britanniques troquent leurs moutons contre des panneaux solaires

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La logique post-moderne bat son plein : dans les pays européens, les populations croissent mais il semble qu’on fasse tout pour que la production alimentaire diminue. Ainsi, en Grande-Bretagne, les agriculteurs commencent à céder leurs hectares pour y installer des champs de panneaux solaires. Le résultat est double : plus de rentabilité financière pour le fermier, moins de bêtes productrices de CO2 pour la planète… tout le monde est content. Hormis ceux qui se préoccupent honorablement de l’indépendance alimentaire du pays. Mais apparemment, du moment que les haies sont bien remplies, que les petits oiseaux ont à manger en hiver et que les gens deviennent végans, personne ne semble en avoir cure et peser la vraie possibilité du drame à dépendre de manière grandissante des importations, d’autant plus dans la période d’inflation qui est la nôtre.

On vit décidément une époque épatante.

 

Les panneaux solaires contre la « sécurité de la production alimentaire »

Ovins, bovins, céréales… quittez ces champs accueillants. Les panneaux solaires vont prendre votre place. De plus en plus d’agriculteurs britanniques louent leurs terres à des promoteurs de panneaux polycristallins, affirment les syndicats, et certains pourraient même gagner plus, cette année, grâce aux panneaux solaires qu’avec leurs moutons !

Comme le rapportait l’un d’entre eux, interrogé pour The Telegraph : « En 2022, la récolte a été incroyable. Les prix étaient élevés et les coûts de l’année précédente étaient faibles. Cette année, c’est complètement l’inverse. Les prix ont chuté suite à une hausse des coûts des intrants [engrais, amendements, produits phytosanitaires, semences]. Nous gagnerons plus grâce aux parcs solaires qu’avec l’agriculture. Ils payent énormément pour pas grand-chose. Il n’y a aucun frais pour nous et nous recevons toujours le même revenu. »

La cause unique, donc : l’argent généré, soit jusqu’à environ 1.400 euros, chaque année, pour moins de la moitié d’un hectare. La ferme de cet agriculteur, en l’occurrence, a recouvert 25 acres de panneaux solaires et continue à en cultiver 50 autres. « Il n’y a pas un seul producteur laitier dans le pays qui ne fasse pas autre chose – qu’il s’agisse de louer des caravanes sur Airbnb, de vendre du lait dans une machine ou de louer des terrains à des développeurs d’énergie solaire. »

 

La peur des agriculteurs quant à l’impact sur les cultures et le bétail

Rien d’étonnant dans un contexte où les agriculteurs à court d’argent tentent de diversifier leurs revenus parce que la production alimentaire à elle seule n’est plus viable, dans le sillage des marchés imprévisibles, d’une inflation tendue qui a fait grimper les coûts de fonctionnement des agriculteurs d’environ 28,5 %, d’une main d’œuvre agricole devenue rare et de l’incertitude des politiques agricoles post-Brexit.

Ce dernier aurait pu jouer un rôle moteur, avec le départ de la fameuse Politique agricole commune (PAC) qui conditionne toutes les politiques européennes depuis 47 ans. Mais le paradigme écologique dominant les vues de tous, le nouveau système mis en place pour les fermiers britanniques les encourage davantage à protéger l’environnement, qu’à consolider et augmenter la production alimentaire… C’est toujours la même eau qui coule !

Le « Zéro émission nette » a pris le relais de la bureaucratique PAC, faisant naître, en 2023, l’accord Sustainable Farming Incentive (SFI, programme d’incitation à l’agriculture durable) qui récompense les haies, les bandes tampons enherbées ou encore la fourniture de nourriture aux oiseaux en hiver…

Ce qui n’est pas nul… mais ne doit jamais occulter l’essentiel, à savoir la production et la sécurité alimentaire. Or le gouvernement fait pression pour que les terres soient réensauvagées dans le cadre des efforts visant à protéger les espèces végétales et animales indigènes et à réduire l’empreinte carbone du pays. Selon un rapport de Knight Frank, environ 84 % des entreprises rurales ont déclaré que l’accent mis par le gouvernement sur la sécurité alimentaire était trop faible. L’année dernière, les ministres ont dévoilé des plans visant à restaurer 300.000 hectares d’habitat faunique d’ici 2042.

 

Plus assez de moutons ? Trop de moutons ?

Aujourd’hui, moins d’un pourcent des terres agricoles anglaises est actuellement occupé par des panneaux solaires, mais on craint que ce pourcentage ne continue de croître et de grignoter un espace de production précieux. « D’énormes quantités de terres risquent d’être mises hors production. » Ce qui pourrait avoir un impact très important au niveau local et conduire à une plus grande dépendance à l’échelle nationale à l’égard des produits étrangers : environ la moitié de la nourriture du Royaume-Uni est importée de l’étranger, ce qui, selon l’Energy and Climate Intelligence Unit, présente déjà un risque de pénurie alimentaire et de hausse des prix pour l’avenir.

Dans le même état d’esprit, ce remplacement des bêtes par des panneaux solaires coïncide avec l’attaque en règle permanente de la consommation de viande. Les bêtes participeraient gravement à la production de CO2… sus aux viandards, bonjours les végans.

Tandis que, par-delà les deux océans, l’industrie australienne de l’élevage ovin est en pleine crise parce qu’il y a… trop de têtes, en raison des trois dernières années dont les nombreuses précipitations ont généré des pâturages et du fourrage abondants – faut-il s’en plaindre ? Et en raison du « bien-être » des animaux, il est de moins en moins possible d’exporter les animaux vivants : majoritairement contraints, donc, au marché intérieur, leur prix a chuté à des niveaux historiquement bas, et certains troupeaux médiocres partent à moins d’un euro par tête…

Des incohérences d’une économie dominée par l’idéologie.

 

Clémentine Jallais