Ce n’est qu’une « opinion », mais la qualité de celui qui l’a exposée lui donne un poids important. Un avocat général de la Cour européenne de justice (CEJ), représentant donc peu ou prou l’opinion de dirigeants de l’Union européenne dont cette Cour règle les différends, a déclaré que les immigrés intra-européens peuvent se voir exclus du bénéfice de certaines allocations même s’ils sont à la recherche d’un emploi. La CEJ suit en général les avis des avocats généraux.
L’avocat général s’exprimait sur une affaire qui oppose un citoyen espagnol au gouvernement allemand. Joel Pena Cuevas et son fils, arrivés en Allemagne en juin 2012, y vivaient grâce aux revenus de la compagne du père, de nationalité espagnole elle aussi. Pena Cuevas n’a pas obtenu les allocations générales pour les chômeurs pendant les trois premiers mois de son séjour. L’Allemagne a fini par se tourner vers la CEJ pour déterminer ses obligations dans ce cas.
La Cour européenne de justice donne raison à l’Allemagne qui exclut un demandeur d’emploi espagnol de certaines allocations
L’avis de Melchior Wathelet est intéressant en ce qu’il se justifie par le droit de l’Etat de « maintenir l’équilibre financier du système de sécurité sociale ». Les Etats européens ont le droit de refuser le versement d’allocations qui risquent de provoquer une « relocation en masse, de nature à faire peser un fardeau déraisonnable sur les systèmes nationaux de sécurité sociale », précise son texte.
Son avis va dans le sens d’un jugement similaire rendu en novembre 2014 dans l’affaire Dano, et vient donc au secours d’une jurisprudence très favorable à David Cameron qui veut renégocier – sous la pression de son électorat – les termes du traité qui lie le Royaume-Uni à l’Union européenne.
Mais on peut aussi y voir une stratégie politique des instances de l’UE qui, d’une manière ou d’une autre, sont prêtes à lâcher du lest pour préserver son existence et faire diminuer l’irritation populaire à l’encontre d’un système coûteux et tyrannique. La presse commente que Cameron a d’ores et déjà obtenu la preuve qu’il n’est pas nécessaire de changer les lois européennes pour préserver les intérêts du Royaume-Uni…
L’affaire sera jugée à une date ultérieure.
L’avocat général s’inscrit dans une tendance de la Cour européenne de justice qui répond à l’irritation à l’égard de l’immigration
Elle s’inscrit dans une tendance plus large de prise en compte du rejet de l’immigration : dans une décision rendue publique jeudi, la CEJ a décidé, dans une affaire concernant les Pays-Bas, que les Etats de l’UE peuvent exiger des immigrés en provenance de pays tiers qu’ils passent un test d’intégration civique sous peine d’amende, à une date fixée avant leur accès automatique au statut de résident de longue durée, afin de pouvoir démontrer une connaissance suffisante de la langue et de la société néerlandaises. La Cour se permet tout de même de contester le montant de l’amende pour ceux qui rateraient l’examen effectivement passé, et dont le coût est déjà élevé : 230 € la session.
Anne Dolhein