Pour Angus Deaton, prix Nobel d’économie, les robots sont une bien plus grande menace pour les emplois que la mondialisation

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Dans un entretien accordée au Financial Times, le prix Nobel d’économie Angus Deaton estime que la mondialisation des échanges commerciaux a eu des effets bénéfiques en « faisant sortir un milliard de personnes de la pauvreté » : la montée des technologies automatisées et des robots constituent selon lui une réalité autrement plus inquiétante. « Je ne pense pas que la globalisation constitue de près ou de loin une menace comparable à celle des robots », a-t-il déclaré.
 
Deaton a reçu le prix Nobel l’an dernier en récompense de ses recherches sur la santé, la richesse et l’inégalité. Il explique par exemple que la santé et l’espérance de vie ne s’améliorent pas en fonction de la croissance du PIB mais de la volonté politique d’améliorer les facteurs de base comme la qualité de l’eau et des systèmes d’égouts ; il estime également que les formes actuelles d’aide aux pays en développement n’ont pas nécessairement d’effets bénéfiques sur l’état de nutrition ou de santé, étant donné que l’amélioration des revenus est souvent utilisée d’abord pour l’achat de biens comme des téléphones portables.
 

Les robots menacent davantage les emplois que la mondialisation

 
C’est lui également qui a publié une étude sur la surmortalité des hommes blancs d’âge moyen aux États-Unis, notamment en raison d’une vague de suicides et autres « morts par désespoir » entre 1999 et 2013, doublée par une épidémie de « douleur » qui pousse la population à augmenter sa consommation d’opioïdes sur prescription. Les surdoses des « addicts » ont causé plus de morts aux États-Unis en 2015 que les accidents de voiture – et que la mondialisation, assure-t-il. Car cet homme de gauche, qui a pourtant voté Hillary Clinton à son corps défendant, est un partisan explicite de la globalisation, jugeant injuste l’idée d’accuser celle-ci des malheurs liés à la désindustrialisation des pays développés.
 
« Il est difficile de penser que Mark Zuckerberg soit en train d’appauvrir quiconque en s’enrichissant grâce à Facebook. Mais les voitures sans chauffeur, c’est une tout autre histoire », explique Deaton : ce sont des millions de camionneurs et autres chauffeurs qui risquent de perdre leur emploi.
 

Angus Deaton, prix Nobel économie, a constaté le mal-être de l’homme blanc

 
Mais il a bien été obligé de reconnaître combien d’hommes américains d’âge moyen ont perdu leur emploi au cours des dernières décennies et à quel point cela a pu jouer pour hâter une victoire républicaine aux élections. Qu’il s’agisse de Trump ne semblent pas l’inquiéter outre mesure, toutefois. A l’écouter, il semblerait que le prix Nobel d’économie soit surtout consterné par la manière dont Hillary Clinton a mené campagne et s’est trouvée aux antipodes de ce que attendaient les électeurs.
 
On peine cependant la comprendre l’intérêt de ses appréciations politiques si la simple mécanique du « progrès » doit aboutir à rendre le travailleur humain quasiment obsolète face aux robots.
 

Anne Dolhein