A l’occasion d’un très récent voyage en Australie, le cardinal Raymond Burke a évoqué avec Tess Livingstone de The Australian l’état actuel du collège des cardinaux, et dénoncé en terme particulièrement vigoureux la signature d’un accord entre le Saint-Siège et la Chine en rappelant les persécutions dont font l’objet les catholiques fidèles de la part du pouvoir central communiste.
Le collège des cardinaux, qui sera chargé dans un avenir plus ou moins proche d’élire le successeur du pape François, se trouve actuellement en « très mauvais état » alors que le pape ne l’a pas convoqué depuis quatre ans, a regretté le cardinal. Le collège des cardinaux, qui a pour tâche de conseiller le souverain pontife, se trouve ainsi de fait privé des moyens traditionnels de remplir sa tâche tandis que les cardinaux eux-mêmes se connaissent de moins en moins entre eux.
Le cardinal Burke dénonce le « mauvais état » du collège des cardinaux
Le cardinal Burke, 70 ans, a commenté une situation où 59 des 124 cardinaux électeurs actuels – ils ne votent plus après l’âge de 80 ans – ont été créés par le pape François ; c’est près de la moitié, et la barre des 50 % devrait être franchie assez vite lors du départ à la « retraite » des plus âgés. Les cardinaux créés par Benoît XVI ou Jean-Paul II ne connaissent guère un grand nombre de cardinaux plus récents. Et ceux-ci ne se connaissent même pas du tout entre eux, pour certains.
Dans la perspective du prochain conclave, le cardinal Burke a déclaré à la journaliste australienne : « Il sera difficile de voter. Nous avons besoin de rencontres régulières. » Ne serait-ce que pour savoir qui est qui, sur tous les plans.
Et de rappeler que lors de leur dernière rencontre, le cardinal Walter Kasper avait proposé de permettre aux catholiques divorcés et remariés de recevoir la communion. La confusion et la division qu’a fait naître cette proposition, reprise discrètement mais réellement par Amoris laetitia à la suite des deux synodes sur la famille, se sont depuis lors répandues à travers l’Eglise.
L’Eglise a besoin de « pasteurs très forts, sûrs et bons », affirme le cardinal Burke
Le cardinal a encore plaidé pour une Eglise et une hiérarchie fortes. Répondant à une question sur l’actuel scandale des abus sexuels par des clercs, il a déclaré que la solution se trouve dans une formation plus solide dans les séminaires et un attachement plus profond aux enseignements de l’Eglise. « Nous avons besoin de pasteurs très forts, sûrs et bons », a-t-il dit.
La journaliste l’a également interrogé sur l’affaire de l’Ordre de Malte, dont le cardinal Burke a été le cardinal patron après avoir été éjecté de son poste de préfet de la Signature apostolique. Le pape l’avait explicitement chargé de « nettoyer la franc-maçonnerie » au sein de l’Ordre. « J’ai fait de mon mieux mais lorsque les choses sont devenues sérieuses on m’a dit que j’étais trop sévère et que je ne gérais pas bien les personnes », a laconiquement répondu le cardinal Burke, qui a été en réalité « lâché » par le pape après avoir été invité à agir dans le sens où il l’a fait.
The Australian rappelle qu’il a été remplacé par Giovanni Becciu, aujourd’hui cardinal : c’est celui-ci qui porte la responsabilité d’avoir annulé l’audit des finances du Vatican par PricewaterhouseCoopers et d’avoir écarté l’auditeur général Libero Milone, qui avait mis au jour des opérations troubles de la part de certains responsables de la Curie.
En Australie, le cardinal Burke déclare « tout à fait inadmissible » l’accord entre le Saint-Siège et la Chine
Mais c’est sur l’accord avec la Chine que le cardinal Burke a eu les mots les plus durs. Déclarant que l’accord était
« tout à fait inadmissible »
, spécialement à cette époque où l’Etat communiste accentue la persécution religieuse et fait montre de sa puissance militaire et financière. « C’est une trahison de tant de confesseurs et de martyrs qui ont souffert pendant de longues années et qui ont été mis à mort par le parti communiste », a souligné le cardinal.
Il s’est dit incapable d’expliquer pourquoi le pape François avait accepté un tel accord qui donne pouvoir aux autorités chinoises sur la nomination des évêques – jamais l’Eglise n’en ferait autant pour d’autres leaders temporels, tels Donald Trump ou Scott Morrison, le Premier ministre australien.
Et de qualifier d’» absurde » l’affirmation de Mgr Marcelo Sanchez – ce prélat argentin proche du pape François, actuellement à la tête de l’Académie pontificale des sciences et de l’Académie pontificale des sciences sociales – selon laquelle la Chine est le pays qui met le mieux en œuvre la doctrine sociale de l’Eglise. « C’est une déclaration totalement absurde : le communisme athée est l’antithèse de la justice sociale », a fulminé le cardinal Burke.
La Chine, Sanchez Sorondo et McCarrick : en Australie, on fait le lien
Rappelons que l’une des chevilles ouvrières de l’accord entre la Chine et le Saint-Siège est l’ex-cardinal Theodore McCarrick, dont l’ancien nonce aux Etats-Unis, Mgr Carlo Viganò, affirme qu’il a bénéficié de la protection et même d’une remise en selle de la part du pape François après avoir subi des sanctions personnelles de la part de Benoît XVI pour ses prédations sexuelles sur des séminaristes et des jeunes prêtres, situation connue du pape François. McCarrick s’est fréquemment rendu en Chine avant le pontificat de Benoît XVI et a repris ses voyages de discrète diplomatie après l’élection de François, avant qu’une enquête civile à propos d’une agression sexuelle sur mineur ne brise son vol.
The Australian précise que le cardinal Burke était en Océanie pour rendre visite au nouveau monastère bénédictin établi en Tasmanie. Il a également prononcé une conférence devant la Confraternité australienne du clergé catholique et confirmé 32 fidèles, jeunes et adultes, à la paroisse John Henry Newman de Melbourne où les sacrements sont célébrés selon la forme extraordinaire du rite romain.