Avortement dans la Constitution : la Grande Inversion

Avortement Constitution Grande Inversion
 

La classe politique presque unanime a salué le vote « historique » et massif (267 pour, 50 contre) du Sénat approuvant l’inscription du « droit » à l’avortement dans la Constitution, qui sera donc effectif si le Congrès, réuni à Versailles le 4 mars, l’approuve à la majorité des deux tiers, ce qui devient très probable. A la grande satisfaction de la gauche et des médias, les mots « liberté » (des femmes) et « en conscience » (des sénateurs) ont été répétés en boucle, y compris par les élus classés à « droite », ce qui donne la mesure de l’inversion en cours : car il s’agit de donner l’autorité de la loi suprême au meurtre légalisé des plus faibles et des plus fragiles, les enfants à naître. Un symbole criant de cette grande inversion est que le scrutin qui la validera se tiendra au château de Versailles qui fut le haut lieu de la royauté très chrétienne. Il faut revenir en détail sur cet effondrement politique et moral du Sénat, qu’on a présenté depuis plusieurs années comme le bastion de l’opposition à Emmanuel Macron.

 

Macron l’avait promis : l’avortement inscrit dans la constitution

Le projet du président de la république était clair, comme il l’a rappelé dans les félicitations qu’il s’est distribuées sur X : « Je me suis engagé à rendre irréversible la liberté des femmes de recourir à l’IVG en l’inscrivant dans la Constitution. » Il s’agissait sans ambiguïté de garantir juridiquement « l’effet cliquet » qui veut qu’on ne revienne jamais sur une décision prise sous l’influence du « progrès ». Un « progrès » que le directeur de Libération, Laurent Joffrin, s’exprimant sur BFM a discerné dans l’évolution des esprits et des votes entre la loi Veil légalisant l’avortement en 1975 et le débat d’aujourd’hui. Les congratulations réciproques dégoulinaient, et le pire est que le seul opposant invité, le sénateur Reconquête Stéphane Ravier, n’ait rien trouvé à répondre sur ce point. Incapable même de noter que ce prétendu progrès était une abominable régression, c’est-à-dire l’inverse du progrès. Et que l’inversion des mots entraîne et gouverne l’inversion des actes.

 

La grande confusion des moins lâches

Ledit Ravier, et la plupart des cinquante sénateurs moins mauvais que les autres qui ont voté contre l’inscription de l’avortement dans la Constitution, n’ont rien trouvé d’autre à dire que « l’IVG n’est pas en danger » et qu’il n’était donc pas nécessaire de l’inscrire dans la Constitution. Cela se veut habile et c’est bonnement effroyable. Penser que l’avortement puisse se trouver en danger, c’est penser qu’un crime puisse être « en danger ». C’est penser que le droit au meurtre, le droit à l’assassinat, même, pour être précis, puisse être « menacé ». Et le penser sérieusement, c’est être infecté de la pensée de ceux qu’on prétend combattre, de leur folie furieuse, c’est être soi-même le vecteur, inconscient on aime à le croire, de la Grande Inversion. En prime, bien sûr, cette habileté n’a servi à rien, et chacun le savait d’avance : le plan des restrictions de la circulation à Versailles en vue du congrès était en place avant le vote du Sénat !

 

Les grandes manœuvres de l’inversion

Sans doute, la manœuvre de Macron était-elle cousue de fil blanc, sans doute, la Constitution a-t-elle pour vocation d’organiser les pouvoirs publics, non de dresser la liste de tous les « droits » idéologiques que les progressistes entendent sacraliser. Mais s’en tenir à cette évidence juridique était de nulle efficacité face à un ennemi décidé à imposer sa loi et ayant les moyens politiques de le faire. Car il les avait. La technique d’Emmanuel Macron est de désarçonner ses potentiels adversaires politiques par la révolution, le tournis, permanents : sans chercher à résoudre des difficultés économiques, sociales ou géopolitiques qu’il crée lui-même, il joue successivement les uns contre les autres. Il règne par la division, la contradiction et le chaos, tel est le secret de son « et en même temps ». Un jour c’est la loi immigration, le lendemain la crise des agriculteurs, la guerre en Ukraine, Manouchian, l’avortement dans la Constitution : tour à tour droite et gauche s’indignent et en même temps approuvent. Et toujours la grande inversion avance, la liberté d’assassinat est inscrite dans la constitution comme l’invasion est organisée par une loi qui prétend réguler l’immigration, comme le communisme est glorifié sous le nom de patriotisme, etc. Une colère chasse l’autre, un désespoir, une catastrophe, chasse l’autre, un mensonge chasse l’autre.

 

Exemple d’inversion : la conscience de la droite est à gauche

On arguera que la droite, majoritaire au Sénat, avait la possibilité de s’opposer, qu’elle s’est « couchée », pour reprendre le mot de Stéphane Ravier. C’est une illusion. Le Sénat est le lieu depuis toujours des compromis et compromissions. Il n’a jamais, même sous la troisième République, empêché les catastrophes politiques. Sous la cinquième, c’est pire, et l’on saura peut-être un jour à quelles tractations il s’est livré avec Emmanuel Macron au moment de la loi immigration, contre quoi il a échangé l’illusion donnée aux sénateurs de peser sur une loi qui a ensuite été castrée par le Conseil constitutionnel. Mais il n’y a même pas besoin d’un troc : les sénateurs sont de ces modérés à qui la peur de perdre leur place inspire la conviction que leurs adversaires ont raison, et ils se hâtent de partager leurs prétendues valeurs. Ils ont admis la pilule, l’avortement, le remboursement de l’avortement, la constitutionnalisation de l’avortement, ils voteront l’euthanasie, la fin de la France et celle de l’homme – pourvu qu’ils continuent à être.

 

La maçonnerie, matrice transpartisane de la république

Il suffit alors de leur trouver une porte de sortie honorable pour qu’ils votent comme on souhaite qu’ils le fassent. En l’espèce, la liberté de vote. On leur a permis de voter « en conscience », ce qui avait déjà été fait en d’autres circonstances, notamment lors du vote de la loi Veil. C’est le vieux concept de « majorité d’idées » permettant, en général sur des sujets dits « de société », c’est-à-dire moraux, un vote « transpartisan », regroupant la gauche et la droite « de progrès ». Or, à chaque fois qu’est déclarée la liberté de vote « en conscience », le résultat est le même : la droite et le centre, souvent d’accord pour mener en matière économique ou sociale la politique la plus égoïste, votent, presque comme un seul homme, avec la gauche progressiste. Il faut donc en conclure que la conscience de « la droite » est de gauche. Aussi progressiste et révolutionnaire en matière de mœurs que la gauche. La conscience et les idées des élus républicains, quelle que soient leur nuance, sont les mêmes, issues d’une même matrice, la franc-maçonnerie.

 

Le peuple lassé de la grande inversion ?

Avec l’aide de son opposition Emmanuel Macron vient donc, alors que les urgences nationales et internationales s’accumulent, d’imposer un devoir maçon, et il continuera avec l’euthanasie si Dieu lui prête vie. Il va inscrire dans les tables de la loi républicaine l’obligation de respecter le droit de tuer les bébés non nés, que les gardiens de la Constitution pourront opposer au peuple s’il jamais lui vient la volonté salvatrice de revenir sur le massacre des innocents. Le chef de l’Etat est parfaitement fidèle en cela non seulement à la pratique constante de la Ve, mais à la doctrine originelle de la troisième République maçonnique. L’espoir politique que l’on doit garder, c’est que nos élites révolutionnaires, dans leur hâte de promouvoir leur programme, qu’ls nomment désormais leur « agenda », n’aient un peu chargé la barque. Et que, fatigué à la fois des usurpations de ses dirigeants et des vaticinations incessantes des extrémistes de tout poil, ici en l’espèce les féministes, le peuple envoie balader tout ce chambard. Le Sénat. La Constitution et le Conseil constitutionnel, les médias et tout le toutim. Afin d’en finir une bonne fois pour toutes avec la Grande Inversion.

 

Pauline Mille