Quelques semaines à peine entre le rétablissement des relations diplomatiques, sous les auspices de la Chine, entre l’Iran et l’Arabie saoudite, cette dernière a joué un rôle moteur dans la décision de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) de baisser la production de brut dès le mois prochain. La réduction portera sur un pour cent de la production mondiale mais l’annonce a déjà provoqué une brusque augmentation des prix du brut, le baril de Brent étant immédiatement passé de 79,77 dollars, dimanche dernier, à 85,02 dollars lundi. La Russie vient également d’annoncer une baisse de production de 500.000 barils par jour.
Qui en souffrira ? Les pays importateurs – Etats-Unis, pays européens… – avec une nouvelle poussée d’inflation à prévoir, ainsi qu’une hausse des prix à la pompe. Qui en profitera ? Les pays producteurs, au premier rang desquels la Russie pour qui toute hausse du brut a un effet d’aubaine.
Enfin, qui s’en réjouira, outre la Russie ? Les alarmistes du climat, bien sûr, et les promoteurs du « zéro carbone » qui voient d’un bon œil tout renchérissement des « énergies fossiles » (et plus encore tout appauvrissement des pays « développés » au nom de l’égalisation de l’économie mondiale).
Une baisse décidée par l’OPEP, mais surtout par l’Arabie saoudite
Ce n’est pas la première baisse de production de l’OPEP au cours de ces derniers mois : dès octobre dernier, le cartel des 23 pays membres sous conduite saoudienne avaient réduit leur production de 2 millions de barils par jour. La nouvelle coupe porte sur 1,2 millions de barils supplémentaires, décision qu’on explique par les crises bancaires en cours, les incertitudes sur la demande industrielle en période inflationnistes et par le report d’un an par l’administration Biden de l’exécution de son plan de reconstitutions des stocks stratégiques américains, sur lequel comptait l’OPEP pour soutenir les prix.
La boule de cristal de Goldman Sachs annonce désormais une montée des prix du baril tout au long de l’année, pour atteindre 90 à 95 dollars en décembre et 100 dollars un an plus tard, en décembre 2024. Et ce sera le « nouveau normal » selon un analyste de la banque nordique SEB.
On verra bien. Ce qui est certain, c’est que l’Arabie saoudite, diabolisée par Joe Biden pendant sa campagne présidentielle, puis courtisée par le même au nom des intérêts des Etats-Unis en juillet dernier, alors que le président espérait une augmentation de la production de l’OPEP, ne craint pas ou plus de fâcher l’ancien partenaire.
Le royaume wahhabite se tourne au contraire de plus en plus résolument vers la Chine qui a pour sa part rendu plus explicite sa proximité avec la Russie, faisant une même promotion de la « multipolarité » au sein du bloc eurasien dont ils encouragent « l’intégration ».
La Russie avantagée par la baisse de la production
La hausse du brut minimise par ailleurs les effets des sanctions occidentales à l’encontre de la Russie, tout en pesant lourdement sur l’Occident.
Selon le think tank Centre for Economic Policy Research, rappelle Melissa Lawford du Daily Telegraph, chaque augmentation de 1 dollar du baril de brut donne un coup de pouce de 2,7 milliards de dollars aux revenus d’exportation de la Russie. Si l’augmentation du brut se stabilise à 10 dollars le baril (soit une hausse de 27 milliards sur l’année) la valeur des exportations russes passerait à 145 milliards de dollars cette année. Ou une hausse globale d’environ 22,5 %.
Vu que l’embargo de l’Union européenne sur le brut russe n’a été mis en place qu’en décembre 2022, et que celui sur les produits pétroliers n’est entré en vigueur qu’en février dernier, la Russie a pu bénéficier jusque-là de revenus importants. Au moment où ceux-ci commençaient tout juste à fléchir, l’aubaine de la hausse du brut vient de nouveau de lui assurer de beaux profits.
Russie, Chine, Arabie saoudite : un rapprochement efficace pour « taxer » l’économie mondiale
Le Telegraph cite Bjarne Schieldrop, analyste chez SEB, qui affirme : « C’est l’Arabie saoudite qui dit “hé, la Russie, vous êtes notre ami !” Ce qu’elle fait, en l’occurrence, c’est se ranger du côté de la Russie et de l’alliance chinoise. Après les baisses de décidées par l’OPEP, le marché va se resserrer. La Russie sera en mesure d’appliquer un prix du pétrole plus élevé, d’obtenir de meilleurs revenus et de financer plus facilement la guerre en Ukraine, contrant indirectement les sanctions mises en place par l’Occident. » Et pendant que la Russie ramasse l’argent, l’Occident croulera sous le poids de l’inflation.
En outre, les clients de la Russie se trouvent surtout en Asie – les exportations vers la Chine, l’Inde et la Turquie ont bondi depuis l’invasion de l’Ukraine. Ces pays n’ayant pas besoin de passer par les services de transport et de fret maritime des pays de l’OCDE, ils ne pas soumis aux contraintes tarifaires imposées à la Russie au nom des sanctions occidentales.
Conclusion de Schieldrop : « Ce sera comme une taxe sur l’économie globale. Cela fonctionne comme les hausse des taux, en provoquant un ralentissement. »